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La nuit parfois, je rends visite à mes amours...


Blaquière

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Blaquière Membre 19 162 messages
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La nuit, parfois...

La nuit parfois, je rends visite à mes amours. A mes amours d'antan.

C'était le cas hier soir.

Mais c'était plus qu'un amour ordinaire : c'était le grand amour éternel de mes quinze ans.

C'était Annie. Mon Annie aux joues rondes et lisses. C'était mon Annie Lisse.

Et nous étions au Portugal. Au deuxième étage à l'air libre d'un car. Nous y étions assis, l'un près de l'autre, elle était à ma droite et je tenais son bras nu, tendre et doux sous mon bras...

Puis elle s'est levée, mais... elle était enchaînée ! Ses pieds étaient entravés de lourdes chaînes en fer. Comme on voit parfois les noirs dans les films américains. Deux policiers la tenaient de part et d'autre chacun par un bras dans la travée centrale de l'autobus pour la faire descendre du car et l'emmener en prison.

Elle s'est retournée et j'ai bien pu la voir de face. Elle n'avait plus ses joues rondes de l'enfance ; elles étaient à présent légèrement creusées...

C'était une très belle femme de trente ans. Peut-être un peu plus ?

(Environ la moitié de mon âge !)

Elle était brune, cheveux mi-longs, coiffée à la mode des années quarante. Vous voyez ? Cette coiffure vers l'arrière, avec le front dégagé, bouffante sur le haut, un peu serrée au niveau des oreilles et tenue sans doute par des barrettes ou de petits peignes, puis encore un peu volumineuse plus bas, dans le cou.

J'ai pensé : "Elle a dû faire quelque chose de grave pour être ainsi lourdement enchaînée.

Elle a dû probablement tuer son mari (le "fameux" Charly) ?"

Et pour le coup, j'ai demandé des explications à ma copine Frivole assise deux rangées plus loin.

C'était elle qui s'était occupée du cas d'Annie avec son association de défense des femmes.

-- Qu'est-ce qu'elle a fait pour qu'on l'emprisonne, comme ça ?

Frivole :

-- Elle n'a rien fait d'autre que ce que font tous les hommes chaque jour !

Moi :

-- C'est-à-dire ?

-- Elle est allée travailler !

Bon ! En pleine nuit, au Portugal, sur l'impériale d'un autobus qui filait à vive allure sur une route en virages, ce n'était pas le moment de réformer la justice !

Si on la met en prison "parce qu'elle est allée travailler comme un homme", c'est comme ça, et c'est pas autrement ! J'ai tout de suite imaginé une logique à cette condamnation : peut-être avait-elle abandonné ses enfants pour aller travailler ?

(Il faut bien que la justice reste la justice.)

J'ai donc demandé à Frivole :

-- Elle a des enfants ?

-- Onze !

-- Quoi, onze ?

-- Elle a onze enfants !

-- Oh ? Et... Avec le même mari ?

-- Non ! Elle s'est mariée huit fois !

"La vache !" me suis-je illico dit en aparté, "mariée huit fois, c'est pas rien !"

Mais Frivole se montrait toujours autant scandalisée. Elle a rajouté :

-- Et à l'association, ça nous coûte trois cents euro à chacun pour sa défense !

On comprenait que pour Frivole, la défense de la femme avait des limites financières.

Moi :

-- Et vous avez contacté sa soeur ?

Frivole :

-- Pourquoi, elle a une soeur ? Je ne savais pas.

-- Oui ! Danièle.

Là, le car s'est arrêté et les deux policiers (dont au moins une était une policière) ont laissée Annie seule, sur le bord de la route, comme abandonnée, puis sont remontés dans le car.

J'en ai conclu que si ce que certains pensent de l'âme et de son immortalité est vrai mon Annie venait peut-être de m'appeler au secours voire de mourir et qu'elle me le faisait savoir comme ça.

Et la meilleure preuve, qu'elle m'a toujours aimé, c'est qu'elle s'est mariée huit fois !

Je me suis aussitôt reproché de ne pas en avoir fait autant.

Pas de mourir, non !...

Juste de ne pas m'être marié huit fois...

(Je n'ai pas su rester fidèle à notre grand amour, finalement...)

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