L'arbre à éléphants

L’arbre à éléphants

— Ça y’est ! Ça y’est ! Venez voir ! L’arbre à éléphants a fait trois fruits ! Criait en bondissant sous la véranda la petite Julie. Elle revenait du jardin à toutes jambes.

Elle était au comble de l’excitation. Et ses grands yeux bleus pétillaient de flammèches brunes, et ses joues raffraîchies par le vent d’une course excessive se teintaient d’incarnat.

— Il a fait trois fruits !

— Il a fait trois fruits !

Répétait-elle

La surprise était de taille, en effet. Cela faisait six larges années que l’arbre a éléphant avait été planté tout au fond du jardin. À l’angle extrême des deux murs, à deux pas au dessous de la petite fontaine. Il s’y était parfaitement développé. Le tronc s’était allongé, un an. Renforcé, deux ans. Puis il avait étiré ses branches graciles, trois ans,, quatre ans, qui à chaque printemps, cinq, six, disparaissaient entièrement sous un feuillage des plus drus.

Mais de fruits, point.

Et voilà que cette année pour la première fois, les fruits de l’arbre à éléphants étaient apparus. Trois fruits.Comme des poires, groupés serrés au bout d’une même branche. On les tâtait, on les sentait un peu mous : preuve qu’ils étaient sur le point de mûrir.

Ils allaient se développer et devenir de petits éléphants.

En principe, c’était la partie fine (de la poire) qui se transformerait en trompe. Cependant, trois éléphants sur la même branchette, cela faisait beaucoup pour une première fois. Ils risquaient de ne pas tenir jusqu’au bout et de tomber ou se dessécher tous. Ne valait-il pas mieux en supprimer un ou deux ?

(Un éléphant de sûr vaut mieux que trois tu l'auras.)

Papa voudrait garder les trois, quitte à les soutenir par en dessous si la trompe s'allonge de trop.

Maman, dit qu’il faut laisser faire la nature.

Mais Julie, elle, pense qu’il faudrait mieux ne garder que le plus beau, que le plus gros des trois afin qu’il se développe au mieux et s’assurer qu’il parvienne ainsi à parfaite maturité.

Hahaha, originale idée !

Faudrait que je réfléchisse à la symbolique...

Que papa, veuille garder les trois... logique !!!

que maman laisse faire la nature : acceptable et aussi logique.

Mais que Julie en élimine deux, d'emblée ?...

La vache, ils sont sans pitié, ces gamins !

Ce sont souvent les enfants qui cherchent à préserver tout le monde. Vous allez un peu à contre-courant !

Oui !

Mais il y a aussi cette réalité que par le simple fait de la génération, ce sont les jeunes qui poussent les autres

(les non-jeunes et les non-forts) vers... la sortie ?

... c'est bien à contre courant !

Matériellement, j'ai remarqué dans le ruisseau d'arrosage qui longe la maison que si le grand courant du milieu va bien à la pente,

il existe de chaque côté le long de la paroi, un mince courant qui "remonte" vraiment à contre courant.

C'est la dialectique de l'eau ?!

Thèse, antithèse...

La synthèse c'est que l'eau s'en fout.