Et si tout passait par le regard ?

Ces exemples que chacun peut tirer de son vécu, montre que la présence, ou l'impression de celle-ci parfois, est ce qui est primordiale, que le regard apporte une ébauche de communication somme toute assez animale, et loin d'être optionnel celui-ci n'est pourtant pas "tout", que l'interaction physique se suffit par endroit.

Evidemment que ce n'est pas tout, mais c'est le sens sur lequel on semble se reposer le plus, avec l'ouïe - en second. Il suffit de se demander la perte de quel sens serait le plus handicapant, nous priverait le plus. Mais il est évident qu'on a une vision théoriquement plus complète avec tous nos sens. Je dis théoriquement parce que nos sens sont trompeurs, ou leur analyse.

Ce qui semble intéressant, c'est de voir comment l'esprit du temps s'est ancré en nous au point de modifier l'usage de chacun de nos sens. C'est à ce travail que s'est livré le philosophe Peter Sloterdijk. (Critique de la raison cynique, p. 190). Face à ce déluge d'infos, notre regard fixe les choses et les phénomènes sans les pénétrer. Il enregistre froidement les infos et les choses - qui n'ont pas le temps de se réchauffer -, comme si elles étaient déjà du passé.

Le regard et la philo, selon Sloterdijk : "Les yeux sont les modèles organiques de la philosophie - leur énigme, c'est qu'ils ne voient pas seulement, mais sont également à même de se voir en voyant. Cela leur donne une situation privilégiée parmi les organes cognitifs du corps. Une bonne partie de la pensée philosophique n'est à proprement parler qu'une réflexion des yeux, une dialectique des yeux, elle n'est que se voir voir. Il faut pour cela des media réfléchissants : miroirs, surfaces d'eau, métaux et autres yeux, à travers lesquels la vision de la vision devient visible."