La planète Désidéra

La planète Désidéra

Zglufpt se retrouvait par hasard devant un jury d’examen.

La pièce était étroite comme un couloir, et les membres du jury, installés contre un des murs sur des sièges de bois d'un seul tenant et légèrement surélevés, comme les fidèles de marque autour du choeur des cathédrales.

De la droite vers la gauche et d’une main sinistre d'examinateur à l’autre dextre du dernier (un vieux barbon à l’air autoritaire et acariâtre), circula un papier reproduisant quelque parchemin très très ancien.

Or il advint que du simple coin d'un œil Zglufpt sut le lire !

Parfaitement !

D’où la surprise des doctes surélevés, qui jusqu’alors n’avaient pas pris garde à lui, le prenant sans doute pour quelque cireur à leurs bottes.

— Vous savez lire ça ? » s’exclama le vieux bout du bout.

Et Zglufpt de lui confirmer alors que sans savoir pourquoi, il était à même de lire ce papier comme du petit lait.

Le vieux s’en rembrunit et parut perdre pied.

Et Zglufpt de poursuivre honnêtement que n’étant pas grand blablatiniste il s’était surtout spécialisé dans les écrits anciens en langue Fricassée dont la présente reproduction circulant entre leurs mains était un parfait exemple de moyen Fricassé entre le douzième centuriat et la Réminiscence Contemplative.

Le Vieux, comprit alors que le savoir de Zglufpt n’était au fond, pas de nature à faire ombrage au sien, officiel, du plus pur Blablatin au Fricassé Classique : il redevint méprisant et désagréable.

S’en suivit quelque altercation érudite étudiée par les autres examinateurs avec grand intérêt.

Zglufpt put préciser que jusqu'au milieu du treizième centuriat, Fricassé s'écrivait bien avec deux "c", dont un, cédille... A cet instant, tous se levèrent pieds joints, et après avoir enjambé la planchette de bois sombre qui les séparait de la coursive, se retrouvèrent vaguement de plein pied, vulgum pecum à tout venant :

La séance était terminée.

Mais Zglufpt s’inquiétait humblement de les avoir peut-être retenus inutilement...

Lorsqu'une grande et sèche dame du jury revint sur ses pas pour lui dire qu'à comparer ses arguments à lui, Zglufpt à ceux du vieux, il était détenteur à son avis "d'une plus grande droiture d’esprit et de raisonnement".

Ainsi réévalué à ses propres yeux, Zglufpt emboîta le pas des doctes au sortit du couloir.

Outrepassant ainsi, sans le vouloir vraiment, ses droits infimes les plus stricts, il pénétra dans l’amphithéâtre par le côté cour des professeurs et dut escalader quelques chicanes grillagées sous l’œil inquisiteur de deux policiers... qui n’intervinrent pas.

C’était d’ailleurs l’amphithéâtre des petits où il n’avait rien à faire. Il remonta les gradins à rebrousse poil des élèves qui pour l'heure, entraient ; puis sortit par la porte du fond.

Etrange porte que cette porte là !

A tambour et à un seul volet qui frôlait en s’ouvrant sur tout son développement une gorge arrondie parfaitement jointive au battant jusqu’à sa butée du fond ; et qui n’ouvrait donc... sur rien ! En étudiant ladite porte de plus près, Zglufpt remarqua sur le côté arrondi, à mi-parcours de la gorge un léger enfoncement où une seule personne pouvait prendre place. Il fallait se plaquer dans le renfoncement et laisser la porte se refermer pour pouvoir sortir, la gorge s’arrêtant au niveau de la butée extrême de la porte ce qui ouvrait alors le passage vers l’extérieur.

Zglufpt descendit l’escalier jusqu’à l’étage inférieur, devant l’entrée d’un autre amphithéâtre, grande ouverte celle-là, dont les nombreux assistants semblaient parler de lui.

De lui, Zglufpt ! En désignant pourtant un tout autre que lui, enchaîné par le cou au centre de la pièce.

Zglufpt s’approcha... Et c’était pourtant bien lui, au centre de cette pièce ! Lui, Zglufpt, qu'on exhibait comme une bête curieuse ! Un autre Zglufpt qu’il examina de près.

La ressemblance était frappante ! Même visage et mêmes traits. Il mit un certain temps à comprendre la différence : ce Zglupft-là était bien plus jeune ! C’était le même que lui, mais à une autre époque ! Lui ... enfant ! C'était juste sa mémoire qui l'avait trompé au début.

Il s'était reconnu comme il était avant.

Il délivra immédiatement l’enfant Zglufpt de ses chaînes. Lequel s’en fut et disparut.

— Etudiez-moi plutôt moi ! » s’exclama-t-il devant l’aréopage de terriens.

Et de fait, aucun ne se soucia de la substitution puisqu’ils avaient échangé le même contre le même.

Acculé à se justifier, cette fois, Zglufpt était bien décidé en désespoir de cause à leur montrer l’étendue de ses pouvoirs de désidérien.

Premièrement, le déplacement d’objets : il tendit la main vers les quelques boulons métalliques déposés à quelques pas de lui sur la longue table des professeurs. Et ces boulons, vinrent vers lui, hésitants, tremblotants, comme en apesanteur...

Cela ne convainquit pas outre mesure les étudiants ni les doctes sceptiques :

— Il doit y avoir là dessous quelque trucage magnétique ! » incrédulisèrent certains.

Je avisa alors sur une autre table adjacente un petit cadenas... de cuivre.

« Le cuivre ne s’aimante pas » pensa-t-il finement... Et le petit cadenas bien que situé à plusieurs mètres se retrouva après un vol plané déjà plus sûr cette fois-ci, dans sa main.

Et tiens ! Pour faire le bon poids, il allait leur montrer comment ils pouvaient se déplacer s’ils le désiraient, eux, les désidériens. Il se positionna bien au garde-à-vous, pieds joints, bras raides et bien plaqués au corps, et décolla légèrement de quelques centimètres en pivotant sur lui même et en s'inclinant légèrement... mais là, impossible pour lui de retrouver une franche et parfaite verticalité...

« Je dois avoir l’air ridicule se dit-il soudain on me dirait une carotte ! »

(Sans doute faut-il ici préciser que les désidériens ont la peau orangée et de grands cheveux verts diaphanes.)

Il se résolut donc à déplacer l’intérêt que pouvait susciter chez les terriens ses pouvoirs de désidérien sur un plan nettement plus spirituel :

Tout cela ne va pas sans certains inconvénients. Je veux décoller, et je décolle, certes, mais sur notre planète Désidéra, nous devons rester infiniment prudents. Tenez ! par exemple et Zglufpt désigna par la large baie vitrée qui descendait jusqu'au ras du sol, le croisement en contrebas: « il me suffirait de penser que ces deux véhicules peuvent se percuter pour qu’ils... »

PAFF ! ET LES DEUX VEHICULES SE PERCUTERENT !

...se percutent ! » Acheva-t-il dans un murmure, sous les yeux stupéfaits de tous les spectateurs scandalisés d’une telle imp( r )udence. Et ils tournèrent vers Zglupft en un seul mouvement centripète leurs faciès menaçants, haineux et rictustiques.

Sur son écran de contrôle, Zglupft voyait s’élever à toute allure l’aiguille de la colère. Bientôt elle atteindrait la zone rouge de la supracolère !

Ça n'allait pas tarder à chauffer pour lui...

Il les sentait prêts à se jeter sur lui, prêts à le ra(trap)per...

Le prudent Zglufpt prit donc ses jambes à son cou et s’enfuit à tout rompre, ses poursuivants vociférants pleins les talons, en une file indienne qui s’étirait dans les rue de la ville parcimonieuse.

Mais lorsqu’il arriva sur l’autoroute à fond de train, aucun panneau n’indiquait plus la direction de sa planète Désidéra.

(Un désidérien, ça ne désire rien !)

Que Zglufpt se le tienne pour dit !

[La lourde brume des nuages s’enfonçait sur le sommet des collines et l’engluait. Si l’espace vital s’amenuisait, s’aplatissait encore, il lui faudrait bientôt marcher couché et ça n'aurait plus aucun sens...]

Difficile à lire... j'ai tenu bon par que je suis certainement de la même espèce que le personnage principal et je me le tiens pour dit.

N'est-ce pas toi qui avais écrit un texte qui m'avait bien plu ? "Au commencement était le verbe"... peut-être n'est-ce pas le titre mais je me souviens.

Oui.

"Le premier homme"

Tu as raison faudrait que j'allège un peu.

Mais j'aime pas bavarder. Résultat c'est trop dense. Trop lourd.

J'en ai un de texte de Je Humble que tu aimeras j'espère :

"La nonne métroïque"

à bientôt...

Il faudrait que je les lise mes textes !

Pas le temps de le lire avec trop d'attention, mais ça a l'air plaisant malgré tout. Va falloir que je le relise.

Ah ! "Le premier homme"... je vais le relire de ce pas, puis, "La none" à qui j'accorderais mes faveurs (sans bondieuseries).

Pourquoi n'aimes-tu pas bavarder ?

Je veux dire que je n'aime pas en "rajouter".

Voilà, c'est ça.

Je dis juste ce qui est arrivé en vrai.

Du coup je suis un peu coincé dans les développements.

Des commentaires, à la rigueur, ou des points de vue différents.

Mais pas ce qui n'est pas arrivé.

Ou c'est peut-être juste de la fainéantise ?

Je passe mon tour pour répondre à cette question.

C'est un texte intéressant. Effectivement un peu difficile à tenir, pourtant il y a quelque chose que j'aime beaucoup dans cette écriture, je ne saurais encore dire quoi, je le relirai. :)