La vie dure cinq secondes

« Allez ! Maintenant tu y vas ! » me dis-je pour la énième fois. Ce n'est sans doute pas si horrible que ça en a l'air. Et puis c'est quand même pas si loin que ça, qu'est-ce que ça me coûte d'entreprendre un trajet aussi court ? A peine deux pas et je suis bon pour passé de l'autre côté.

J'observais plus attentivement ma destination : arbustes penchés s'accrochant difficilement à la terre, de nombreuses roches qui s’amoncelaient comme une sorte de fragile rempart, et un peu plus loin, la rivière avec ses eaux qui filaient à toute allure,entrecoupées de pointes rocheuses qui transperçaient la surface.Ces pointes semblaient me mettre au défi de les affronter, de les approcher au-delà de la limite raisonnable. « D'autres ont essayé avant toi et d'autres vont essayer après toi, nous serons toujours à notre place, tu n'es qu'une distraction de plus pour nous ! ».J'ignorais leur ton moqueur pour me concentrer sur ma volonté d'y aller, me concentrer sur ma destination.

Ceci-dit, je ne devrais pas la regarder trop longtemps, c'est une image qui ne m'aide pas beaucoup à me mettre sur la voie.

Vous voyez, l'inconnu me fait peur. Mes parents m'ont toujours dit que j'avais été de loin l'enfant le plus pratique à surveiller étant petit : ils me posaient dans un coin du bac à sable, et deux heures plus tard je me trouvais dans le même coin. Je ne m'en rappelle pas, mais je sais que c'est vrai, ça colle parfaitement avec ce que je ferais. Après tout, pourquoi quitter son coin de sable confortable pour aller se mettre en danger à l'autre bout du bac ? Quelle absurdité !

J'ai souvenir que quelques années plus tard, mes parents m'ont emmené dans un parc sans bac à sable, un parc où se trouvait uniquement des jeux à escalader. Une fois les premières minutes d'angoisse et de terreur profonde, je me décidais enfin à me lancer. Je testais d'abord la toile d'araignée à escalader.. Bon c'était facile, mais inutile, il n'y a rien en haut. Je visais le toboggan, mais il y avait du monde sur mon chemin. Je me mis en route, mais à chaque fois quelqu'un s'approchait dangereusement de moi ! Je fis alors des détours fous, escaladais deux fois un mur d'escalades car j'étais acculé de toutes parts, j'utilisais la balançoire d'un air nonchalant pour laisser passer des intrus sans qu'ils me remarquent, je rampais pour les regards ne se trouvent pas à ma hauteur.. et me trouvais nez à nez avec le bas de l'échelle qui menait au toboggan. Quelle excitation ! Je décidais alors de repartir à zéro à la fin de chaque glissade, j'améliorais mes trajectoires, j'élaborais des tactiques, je demandais à mes parents de m'emmener dans de nouveaux parcs afin d'innover et d'éviter de me reposer sur mes lauriers. Je devînt le stratège des parcs pour enfants, l'espion furtif, le maître pour atteindre les toboggans sans subir de dommages.

C'est de cet époque de ma vie que je pris habitude à mettre de l'ardeur dans l'évitement de l'inconnu.

Alors imaginez un peu le moment où j'ai appris qu'on déménageait... Le pire jour de ma vie : je quittais tout ce que je connaissais pour aller à la rencontre du rien que je connaissais pas, une horreur !

Je quittais ceux que je connaissais sans savoir si je réussirais à connaître de nouveau.

Je quittais mes coins rien qu'à moi sans savoir si je réussirais à en redécouvrir.

Je quittais mes habitudes sans savoir si je m'habituerais de nouveau à quelque chose.

Et pourtant, bien que je me lamentais sans cesse sur ce que je quittais, je ressentais également une certaine forme d'excitation quant à mon avenir.

Et c'est cette hâte que je ressens à présent, cette hâte de découvrir ce qu'il y a de l'autre côté, cette hâte d'en finir avec ce côté-ci que je fréquente depuis trop longtemps, cette hâte de changer de vie. Enfin... changer de vie... je l'espère ! C'est le grand débat auquel on ne peut trouver une réponse qu'uniquement en expérimentant.

J'évaluais la distance qui me séparait de mon but. Pas loin du tout.

Maintenant évaluation du temps. Quatre secondes... non plutôt cinq. Oui cinq secondes à tout casser.

Qu'est-ce que ça représente cinq secondes dans ma vie ? Pourquoi ai-je tant de mal à les franchir? Certes, ces cinq secondes représentent un changement considérable dans ma vie mais tout de même, ce ne sont que cinq secondes de trajet, d'envol, d'évasion...

Sans m'en rendre compte mes jambes s'étaient d'elles-mêmes approchées de la ligne jaune, la ligne du non-retour. Elles étaient tremblantes, non de peur mais d'impatience à l'idée de débuter.

Elles me fis prendre ainsi la décision de me lancer. Soulagé que quelqu'un d'autre se soit décidé à ma place, j'étais libéré de l'angoisse que j'avais d'être maître de moi, de l'angoisse d'être pris pour responsable de mes actes. C'est pas moi c'est mon corps !Il n'en fait qu'à sa tête !

Mes bras se levèrent, comme pour essayer de s'envoler, de se séparer du reste de l'organisme. J'inspirais à pleins poumons afin de faire profiter ceux-ci du grand air, et j'expirais en douceur pour relaxer mon corps. Je répétais cette opération plusieurs fois, les bras toujours levés de façon à enlacer le paysage. Je fermais les yeux et me concentrais. Une brise s'est levée, elle me caresse dans mon dos, me poussant elle aussi à franchir le pas. J'entends le bruit de la rivière en bas, un bruit si fin que je me demande où sont passés les pointes de tout à l'heure. Peut-être ont elles disparues.

Me disant que c'était le moment ou jamais, je demandais à mon corps de foncer. Sans un moment d'hésitation, celui-ci franchit le pas.

Voilà, je me suis jeté de la falaise.

Je vous explique brièvement l'idée : la chute du personnage dure cinq secondes, et chacune des secondes représentera une étape de la vie (d'où le titre La vie dure cinq secondes) que je décrirais dans cinq autres textes qui suivront.

Mais en attendant je souhaitais recueillir vos avis, afin de partir sur une introduction solide

j'ai aimé ^^,

bonne chance pour la suite

Ça m'a plu. Il n'y a pas assez de "chute", c'est le cas de le dire, elle est tuée par le titre et une partie du contenu.

Isolément ça n'est pas assez, mais il faudrait voir comment ça s'encastre dans l'ensemble, c'est tout de même prometteur...

Je ne sais pas si c'est voulu, mais la chute n'est pas vraiment une surprise étant donné qu'on peut s'en douter dès l'ambiguïté des premières phrases, c'est un peu dommage. Sinon, ce qui me chiffonne, c'est l'alternance entre temps du passé et présent qui me semble un peu brouillonne et pas forcément légitime. Il y a peut-être quelque chose qui m'a échappé ou peut-être que c'est le fait de n'avoir encore qu'un morceau du puzzle, mais je pense que le présent aurait été amplement suffisant, sauf pour le passage sur l'enfance et la toute dernière phrase.

En dehors de ça, j'aime bien, en particulier le passage sur les bacs à sable et autres toboggans qui est très original. Le corps qui n'en fait qu'à sa tête, c'est sympa aussi. Je serais curieux, que dis-je ? j'exige de lire la suite. :p

Merci beaucoup pour vos avis, ils me seront très utile pour la re-lecture de ce premier jet

Pour la "demi-chute", il faut en effet que je l'améliore (même si le fait de surprendre n'est pas l'objectif le plus important ici) et je vais faire en sorte de soigner cette alternance entre passé et présent auquel je n'ai en effet pas fait assez attention..

La suite viendra d'ici 2-3 semaines, pour l'instant je me mets un peu au repos après plus de deux semaines d'examens éprouvant