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January

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 726 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Il n’y a pas si longtemps, quand les enfants, indisciplinés ou non, dérangeaient les adultes, on les intégrait à une « colonie agricole », joli nom pour maison de correction, redressement ou rééducation, bagne. Jusqu’à 3000 enfants condamnés par an seront envoyés dans ces « colonies agricoles ».

L’avant colonie pénitentiaire à joli nom

L'ancêtre de la maison de correction fut instauré aux alentours de 1820-30 et prévoyait d'incarcérer de jeunes délinquants dans les prisons. Le système était défaillant, le mélange de jeunes délinquants et de criminels était souvent de mauvais augure. Il fut essayé plusieurs choses comme la séparation des mineurs/majeurs qui n'a pas fonctionné, alors on a construit La Petite Roquette, à Paris :

tour-ronde-petite-roquette-1929.jpg

Situé dans le XIe arrondissement de Paris, cet ensemble a été construit sur le modèle de la prison panoptique. Il s’agit de permettre aux gardiens de surveiller d’un point tous les détenus, sans qu’eux-mêmes les voient. Encellulé, isolé et tenu au silence, le jeune détenu va bientôt être également privé de l’atelier, seul lieu de rencontres et donc d’échanges… Le travail lui est amené dans sa cellule mais, même là, tout contact est banni : quand le gardien entre, il doit enfiler une cagoule.

petite-roquette-1929-couloir.jpg

Cagoule encore pour atteindre les boxes de la Chapelle-école, sorte de ruche où chaque détenu est coincé dans son alvéole, ne pouvant voir ni ses compagnons ni ceux qui s’adressent à eux.

chapelle-cellulaire-petite-roquette-mini.jpg

L’extrême solitude, l’hygiène déplorable et les maladies ne tardent pas à décimer les rangs : on meurt de mort « naturelle » et on se suicide aussi beaucoup, à la Petite Roquette. L’asile de fous et le cimetière du Père Lachaise voisins relaient la prison : ce qui, à sa création, apparaissait comme un progrès devient une machine à briser les jeunes vies.

http://prisons-cherc...njou-1929-11710

L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Aux alentours de 1840 fut créée la colonie pénitentiaire de Mettray qui servirait de « modèle » à plus de cinquante autres. La révolte des Canuts venait d’avoir lieu. Que faire de tous ces enfants miséreux, mauvaises graines ? s’interrogeait la bourgeoisie, qui cherchait une solution dans un retour à la nature qui mettrait ces chers petits à l’abri de l’enfer citadin avilissant.

On a dit de Mettray, ce bagne d’enfants, que c’était une prison dont les murs étaient des buissons de roses. On pouvait s’en évader très facilement, mais on était vite repris, chaque paysan recevant à cette époque une prime de cinquante francs par colon évadé qu’il ramenait ; la chasse à l’enfant avec fourches, fusils et chiens devint une véritable industrie dans la campagne alentour.

mettraycoloniepenitentiaire.jpg

Dans cet univers où l’on ne pouvait aller aux chiottes que deux fois par jour et à heure fixe, où l’on faisait dans le même temps huit fois la prière et où l’on entendait la lecture d’un livre de la Bibliothèque rose à chaque repas, la violence et l’homosexualité contrainte étaient la règle. Les durs, les« marles », avaient tous leur girond, leur « vautour ». Plus bas encore étaient les miséreux, les « clodos ». Dans cet enfer où les jeux étaient bannis, la mort, pour les mômes, pouvait sembler négligeable.

http://fr.wikipedia....aire_de_Mettray

Précision sur la justice pour les moins de 21 ans (18 ans à partir de 1906)

Ceux dont la justice reconnaissait qu’ils avaient « agi sans discernement » étaient obligatoirement acquittés, mais l’acquittement « pour avoir agi sans discernement » n’en était pas moins une condamnation inscrite au casier judiciaire. Il y avait donc des acquittés condamnés. Ils n’avaient aucune peine à accomplir, mais on prenait pour eux des mesures de sauvegarde. À titre de prévention, ils étaient placés dans des établissements d’éducation : les colonies pénitentiaires !

Les îles, prisons idéales

L’île du Levant

levant.jpg

Autorisé en 1860, ce bagne privé appartient au Comte de Pourtalès (père du ministre de Prusse à Paris) qui réside en Suisse. Une centaine d’enfants vont mourir là-bas. Une petite stèle rappelle leur histoire. Une toute petite stèle…

La Réunion

Sur l'île de la Réunion, « L’ilet à Guillaume » a vu des centaines d'enfants périr dans des conditions atroces. La plupart de ces enfants ont construit dans des conditions indignes des ponts, des canalisations ou des routes carrossables à flanc de falaises. Aujourd'hui, il reste un petit cimetière d'enfants, en friches, sans stèle.

ilet_g.jpg

Belle-île

belile.jpg

Le scandale des bagnes pour enfants éclate suite à l’émeute et l’évasion de 56 enfants du bagne de belle-île, en 1934. Les habitants de l’île et les touristes, appâtés par une prime par tête d’enfant, aidèrent les autorités à les chercher. Prévert écrira « C’est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant ».

belle_ile.gif

http://www.bzh-explo...nts-en-Bretagne

Quelques colonies tristement célèbres…

Aniane (là où furent installées des cages à poules suspendues au plafond, dans lesquelles étaient enfermés les détenus punis - ce système devait faire fortune plus tard en Indochine dans le bagne colonial de Poulo Condor). Montlobre, où environ 1850 enfants de 8 à18 ans furent détenus. La maladie, l'épuisement, le désespoir eurent raison de 300 d'entre eux qui y laissèrent la peau ; ils reposent aujourd'hui dans ce que l'on nomme "le bois des enfants morts", un cimetière d'enfants. La redoutable institution d’Eysses, où étaient envoyées les « fortes têtes » des autres colonies pénitentiaires (Belle Ile en Mer, Aniane, Saint-Maurice, Saint-Hilaire…)

Aniane01.jpg

Aniane cages

eyss.jpg

Centrale d'Eysses

http://www.eysses.fr/histoirea.html

Un homme va dénoncer les atrocités des colonies pénitentiaires et en faire son combat : Alexis Danan. Grand reporter à Paris-soir, il n’a de cesse de dénoncer l’inhumanité avec laquelle sont traités les condamnés, aussi bien ceux de Cayenne que de Mettray. Il se rend sur les lieux et en rapporte des descriptions et des images propres à frapper l’opinion ! Mettray sera le premier bagne à fermer mais ce sera la révolte des petits bagnards de Belle-Ile-en-Mer qui soulèvera une vague d’indignation sans précédent.

Front populaire, deuxième guerre mondiale, enfin l’état va se décider à reconsidérer la protection de l’enfance et le sort des jeunes délinquants. Ce sera l’ordonnancede 1945.

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Membre, 56ans Posté(e)
LaurentEssonne Membre 1 334 messages
Baby Forumeur‚ 56ans‚
Posté(e)

Et depuis, comme les canards, on obtient du délinquant haut de "gramme", élevé en plein air, aguerris aux techniques de barbarie et de guérillas urbaines. Finis les conserves, vive le label caïd, made in France, un produit que pourtant on n'a pas inventé mais dont on se fait un plaisir d'élever.

Avec une technique de maturation accélérée, on obtient un caïd de treize ans près à l'emploi, livré avec accessoires, qui sait déjà conduire, tirer, violer et voler de ses propres ailes...

Ah qu'on est fier de notre terroir français....

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Membre, 51ans Posté(e)
Purr Membre 48 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Merci pour ce topic, très intéssant et instructif.

Je vais garder un oeil sur tes postes January.

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Invité elbaid
Invités, Posté(e)
Invité elbaid
Invité elbaid Invités 0 message
Posté(e)

Arf nostalgie quand tu nous tiens !!!

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Membre+, Posté(e)
Doïna Membre+ 19 117 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

Une ancienne définition très embourgeoisée des maisons de correction était"Établissements dans lesquels on place les enfants pervertis, mauvais ayant ou non commis un délit ― et ayant pour but la rééducation morale de l'enfance". Alors qu'en vérité, c'était les premiers fournisseurs du bagne, de Biribi et de la guillotine.

Une autre source des origines des maisons de correction :

L'idée de ces établissements revient aux religieux et date de la révocation de l'Édit de Nantes (1685).

Lorsque, sous l'influence des Jésuites, Louis XIV enjoignit aux protestants de se convertir au catholicisme sous peine des galères et de« mort civile », les prêtres s'inquiétèrent tout de suite des enfants de ceux qui ne voudraient pas abjurer leur confession religieuse et une ordonnance royale les autorisa à se saisir des gosses des deux sexes pour « les rééduquer religieusement ».Les premiers temps on enlevait les enfants et on les plaçait dans les couvents pour en faire soit des moines, soit des religieuses. Mais certains de ces fils d'hérétiques ne voulurent point se plier docilement aux ordres de leurs nouveaux confesseurs ; aussi l'Église, par ordonnance royale du 19 mai 1692, fut autorisée à ouvrir des maisons de correction destinées à punir les enfants rebelles et à les ramener par tous les moyens dans la voie du salut.

Par la suite, les prêtres ouvrirent des maisons de filles repenties, destinées à recevoir les jeunes filles arrêtées pour s'être livrées à la débauche. Et puis, enfin, le cercle des maisons de correction fut élargi et l'on confia aux pères de l'Église la tâche de « corriger » les enfants coupables de délits ou de crimes et que leur jeune âge soustrayait à la justice ordinaire.

La révolution de 1789 abolit ces établissements, mais quand Louis XVIII monta sur le trône il rétablit, par une ordonnance datée du 27 janvier 1816, tous les édits royaux de Louis XIV et Louis XV. Mieux, même, il autorisa les bons pères à se saisir des enfants des républicains et de les « rééduquer religieusement ».

Louis-Philippe restreignit le pouvoir des prêtres et ne leur accorda plus que les enfants délictueux ou les filles se livrant à la débauche.

La révolution de 1848 abolit cela, mais Napoléon III rétablit ce privilège. Toutefois, il créa des maisons de correction dépendant directement de l'administration pénitentiaire, dans lesquelles les prêtres et les religieux faisaient office de gardiens. Puis en 1863, un décret plaça les maisons de correction religieuses sous le contrôle du président de la Cour d'appel du ressort.

Enfin, le 14 décembre 1905, à la suite de la loi sur la séparation des églises et de l'État, un décret d'administration publique plaçait toutes les maisons de correction dans les mains de l'administration pénitentiaire.

Mon lien

Une fois de plus, on constate la présence du clergé derrière ces abominations sociales.

Suite : les punitions dans les maisons de redressement ou bagnes d'enfants

Chaque manquement au règlement équivaut à une punition qui s'aggrave chaque fois. Les colons délinquants sont amenés au« Prétoire »,audience que donne le directeur aux gardiens qui ont à se plaindre ou à signaler des contraventions au règlement.

Le gosse comparaît devant le directeur ―ou, à son défaut, le gardien-chef ―et ne peut fournir aucune explication. Sitôt que le gardien s'est expliqué, le gosse s'entend condamner à l'une des sanctions prévues par le règlement. Ces sanctions sont ainsi échelonnées :

Pain sec ; allant de quatre à quinze jours (qui peut être renouvelée incessamment) ; pendant tout le temps de sa punition le gosse reçoit chaque jour une ration de pain, et tous les quatre jours une gamelle de bouillon le matin et une gamelle de légumes le soir ;

Cachot; de huit jours à un mois (en principe, pour toute peine de cachot dépassant un mois, le directeur doit se faire approuver par le ministère, mais on a trouvé le moyen de tourner la difficulté : quand le gosse a fini sa peine d'un mois, on le fait de nouveau comparaître au prétoire où il se voit renouveler sa punition) ―même régime alimentaire que le pain sec, avec, en plus, la détention dans un cachot sans air et sans lumière ;

Salle de discipline ; de huit jours à un mois et demi. Un des plus terribles supplices que l'on puisse endurer.

La« salle » est une pièce d'à peu près quinze mètres de long sur trois de large. Au milieu est tracée une piste circulaire de 0 m. 40 de largeur. Les gosses doivent marcher sur cette piste au pas cadencé de six heures du matin à huit heures du soir (un quart d'heure de marche alternant avec un quart d'heure de repos) ; les pieds nus dans des sabots sans bride et non appropriés à la pointure (ce qui fait que les punis ont les pieds en sang au bout de la journée). Ils doivent marcher les bras croisés sur la poitrine et touchant le dos de celui qui les précède.

Inutile d'ajouter que tous, indistinctement, sortent de la« salle »pour aller à l'infirmerie.

Mais si le gosse tombe malade avant l'expiration de sa punition, il doit, en sortant de l'infirmerie, retourner à la « salle »pour accomplir la fin de sa peine.

Les fers ; allant de 4 jours à un mois. C'est la peine du cachot avec cette aggravation que le gosse a les pieds enfermés dans des pedottes et les mains dans des menottes. Quelquefois, même, on applique la crapaudine, c'est-à-dire que l'on attache les mains et les pieds derrière le dos et que l'on fait rejoindre l'extrémité de ses membres par une corde solidement serrée. L'enfant doit boire, manger et même faire ses besoins dans cette position. Ce qui fait qu'au bout de deux ou trois jours le gosse, mis dans l'impossibilité de se dévêtir, fait ses besoins dans son pantalon et reste dans ses excréments jusqu'à l'expiration de sa punition.

Enfin, à la colonie d'Eysses, on a ajouté à cela la basse fosse. Cet établissement est un ancien couvent de dominicains et il y a (à titre historique, dit-on) une ancienne oubliette dans laquelle les bons pères devaient plonger les moines hétérodoxes.

On envoie, maintenant, pour une période de un à quatre jours les délinquants trop « terribles ».

Attachés aux pieds et aux mains, les gosses sont descendus au bout d'une corde. L'atmosphère est nocive et, sans air, envahi par l'humidité, le malheureux risque l'asphyxie.

Tous les huit heures il est remonté au bout de la corde et examiné par un docteur qui n'a qu'un seul devoir : déterminer si le gosse peut supporter encore huit heures de supplice.

Il est arrivé que le docteur se trompe... alors à la huitième heure on remonta un cadavre !

La dernière vidéo surtout me parait intéressante, car il y est question de la dureté qui régnait à Mettray : des surveillants qui n'étaient rien d'autre que des brutes, parfois d'anciens forçats, des enfants qui ont péri du fait des coups et autres mauvais traitements... Des corps d'enfants ont même été incinérés dans la chaufferie du centre... L'horreur !

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Membre, 118ans Posté(e)
nerelucia Membre 12 886 messages
Baby Forumeur‚ 118ans‚
Posté(e)

Merci pour ce topic, très intéssant et instructif.

Je vais garder un oeil sur tes postes January.

elle n'est pas postée et travaille bien, oui.

Je m'étonne que Napoléon III ait rétabli des maisons de correction comme son oncle l'esclavage comme quoi les républicains ne sont pas ceux qu'on croit.

Oui l'Eglise mais surtout les enfants violés par les prêtres, par les gardiens ailleurs, que d'ignominies ont dû être commises !

J'aime aussi le redressement des enfants de protestants alors que ceux-ci ont été les premiers à cacher les enfants juifs en 40, l'exemple vient d'eux, pas des chrétiens.

Prisons pour enfants mais aussi internement d'office pour les filles qui fautaient avant le mariage dans les familles bourgeoises.

N'allez pas trop loin, mon frère a été chez les Frères, on mettait les enfants à genoux pendant des heures sur le carrelage en plein hiver dans des dortoirs glacials.

N'oubliez pas que certains ordres religieux féminins obligent encore à se lever à 5h.

Plus les homosexuels, les juifs ostracisés au 19e siècle, montrés du doigt dans les bars comme en parlait Arthur Schnitzler.

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Membre+, Posté(e)
Doïna Membre+ 19 117 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
N'allez pas trop loin, mon frère a été chez les Frères, on mettait les enfants à genoux pendant des heures sur le carrelage en plein hiver dans des dortoirs glacials.
Ma cousine de Tahiti m'avait raconté que là-bas, leur maître d'école -un curé- les obligeait à rester agenouillés pendant des heures sur des morceaux de corail coupant quand ils "fautaient", et qu'ils s'en relevaient les genoux en sang. Ces petits Polynésiens devaient apprendre "Nos ancêtres les Gaulois" en Histoire, et n'avaient pas le droit de parler tahitien sous peine d'être sévèrement punis.

Ma mère avait également gardé de mauvais souvenirs de son école catholique en Bretagne, tenue par des bonnes sœurs et un curé qui battait les enfants à coups de bâton pour les punir. Leur livre de français se résumait à du martelage religieux.

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Membre, Maitre de l'overdrive, 30ans Posté(e)
emasik Membre 10 172 messages
30ans‚ Maitre de l'overdrive,
Posté(e)

Sujet à la fois terrible et très intéressant...

Et depuis, comme les canards, on obtient du délinquant haut de "gramme", élevé en plein air, aguerris aux techniques de barbarie et de guérillas urbaines. Finis les conserves, vive le label caïd, made in France, un produit que pourtant on n'a pas inventé mais dont on se fait un plaisir d'élever.

Avec une technique de maturation accélérée, on obtient un caïd de treize ans près à l'emploi, livré avec accessoires, qui sait déjà conduire, tirer, violer et voler de ses propres ailes...

Ah qu'on est fier de notre terroir français....

Je pensais que le français moyen pourrait retenir ses considérations politiques foireuses dont tout le monde se fout sur un sujet aussi grave surtout quand c'est pas l'objet de la discussion, par respect des enfants morts. J'avais tort.

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Membre, La mauvaise herbe..., Posté(e)
XYparfoisZ Membre 4 674 messages
La mauvaise herbe...,
Posté(e)

Il n’y a pas si longtemps, quand les enfants, indisciplinés ou non, dérangeaient les adultes, on les intégrait à une « colonie agricole », joli nom pour maison de correction, redressement ou rééducation, bagne. Jusqu’à 3000 enfants condamnés par an seront envoyés dans ces « colonies agricoles ».

L’avant colonie pénitentiaire à joli nom

L'ancêtre de la maison de correction fut instauré aux alentours de 1820-30 et prévoyait d'incarcérer de jeunes délinquants dans les prisons. Le système était défaillant, le mélange de jeunes délinquants et de criminels était souvent de mauvais augure. Il fut essayé plusieurs choses comme la séparation des mineurs/majeurs qui n'a pas fonctionné, alors on a construit La Petite Roquette, à Paris :

tour-ronde-petite-roquette-1929.jpg

Situé dans le XIe arrondissement de Paris, cet ensemble a été construit sur le modèle de la prison panoptique. Il s’agit de permettre aux gardiens de surveiller d’un point tous les détenus, sans qu’eux-mêmes les voient. Encellulé, isolé et tenu au silence, le jeune détenu va bientôt être également privé de l’atelier, seul lieu de rencontres et donc d’échanges… Le travail lui est amené dans sa cellule mais, même là, tout contact est banni : quand le gardien entre, il doit enfiler une cagoule.

petite-roquette-1929-couloir.jpg

Cagoule encore pour atteindre les boxes de la Chapelle-école, sorte de ruche où chaque détenu est coincé dans son alvéole, ne pouvant voir ni ses compagnons ni ceux qui s’adressent à eux.

chapelle-cellulaire-petite-roquette-mini.jpg

L’extrême solitude, l’hygiène déplorable et les maladies ne tardent pas à décimer les rangs : on meurt de mort « naturelle » et on se suicide aussi beaucoup, à la Petite Roquette. L’asile de fous et le cimetière du Père Lachaise voisins relaient la prison : ce qui, à sa création, apparaissait comme un progrès devient une machine à briser les jeunes vies.

http://prisons-cherc...njou-1929-11710

L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Aux alentours de 1840 fut créée la colonie pénitentiaire de Mettray qui servirait de « modèle » à plus de cinquante autres. La révolte des Canuts venait d’avoir lieu. Que faire de tous ces enfants miséreux, mauvaises graines ? s’interrogeait la bourgeoisie, qui cherchait une solution dans un retour à la nature qui mettrait ces chers petits à l’abri de l’enfer citadin avilissant.

On a dit de Mettray, ce bagne d’enfants, que c’était une prison dont les murs étaient des buissons de roses. On pouvait s’en évader très facilement, mais on était vite repris, chaque paysan recevant à cette époque une prime de cinquante francs par colon évadé qu’il ramenait ; la chasse à l’enfant avec fourches, fusils et chiens devint une véritable industrie dans la campagne alentour.

mettraycoloniepenitentiaire.jpg

Dans cet univers où l’on ne pouvait aller aux chiottes que deux fois par jour et à heure fixe, où l’on faisait dans le même temps huit fois la prière et où l’on entendait la lecture d’un livre de la Bibliothèque rose à chaque repas, la violence et l’homosexualité contrainte étaient la règle. Les durs, les« marles », avaient tous leur girond, leur « vautour ». Plus bas encore étaient les miséreux, les « clodos ». Dans cet enfer où les jeux étaient bannis, la mort, pour les mômes, pouvait sembler négligeable.

http://fr.wikipedia....aire_de_Mettray

Précision sur la justice pour les moins de 21 ans (18 ans à partir de 1906)

Ceux dont la justice reconnaissait qu’ils avaient « agi sans discernement » étaient obligatoirement acquittés, mais l’acquittement « pour avoir agi sans discernement » n’en était pas moins une condamnation inscrite au casier judiciaire. Il y avait donc des acquittés condamnés. Ils n’avaient aucune peine à accomplir, mais on prenait pour eux des mesures de sauvegarde. À titre de prévention, ils étaient placés dans des établissements d’éducation : les colonies pénitentiaires !

Les îles, prisons idéales

L’île du Levant

levant.jpg

Autorisé en 1860, ce bagne privé appartient au Comte de Pourtalès (père du ministre de Prusse à Paris) qui réside en Suisse. Une centaine d’enfants vont mourir là-bas. Une petite stèle rappelle leur histoire. Une toute petite stèle…

La Réunion

Sur l'île de la Réunion, « L’ilet à Guillaume » a vu des centaines d'enfants périr dans des conditions atroces. La plupart de ces enfants ont construit dans des conditions indignes des ponts, des canalisations ou des routes carrossables à flanc de falaises. Aujourd'hui, il reste un petit cimetière d'enfants, en friches, sans stèle.

ilet_g.jpg

Belle-île

belile.jpg

Le scandale des bagnes pour enfants éclate suite à l’émeute et l’évasion de 56 enfants du bagne de belle-île, en 1934. Les habitants de l’île et les touristes, appâtés par une prime par tête d’enfant, aidèrent les autorités à les chercher. Prévert écrira « C’est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant ».

belle_ile.gif

http://www.bzh-explo...nts-en-Bretagne

Quelques colonies tristement célèbres…

Aniane (là où furent installées des cages à poules suspendues au plafond, dans lesquelles étaient enfermés les détenus punis - ce système devait faire fortune plus tard en Indochine dans le bagne colonial de Poulo Condor). Montlobre, où environ 1850 enfants de 8 à18 ans furent détenus. La maladie, l'épuisement, le désespoir eurent raison de 300 d'entre eux qui y laissèrent la peau ; ils reposent aujourd'hui dans ce que l'on nomme "le bois des enfants morts", un cimetière d'enfants. La redoutable institution d’Eysses, où étaient envoyées les « fortes têtes » des autres colonies pénitentiaires (Belle Ile en Mer, Aniane, Saint-Maurice, Saint-Hilaire…)

Aniane01.jpg

Aniane cages

eyss.jpg

Centrale d'Eysses

http://www.eysses.fr/histoirea.html

Un homme va dénoncer les atrocités des colonies pénitentiaires et en faire son combat : Alexis Danan. Grand reporter à Paris-soir, il n’a de cesse de dénoncer l’inhumanité avec laquelle sont traités les condamnés, aussi bien ceux de Cayenne que de Mettray. Il se rend sur les lieux et en rapporte des descriptions et des images propres à frapper l’opinion ! Mettray sera le premier bagne à fermer mais ce sera la révolte des petits bagnards de Belle-Ile-en-Mer qui soulèvera une vague d’indignation sans précédent.

Front populaire, deuxième guerre mondiale, enfin l’état va se décider à reconsidérer la protection de l’enfance et le sort des jeunes délinquants. Ce sera l’ordonnancede 1945.

'tain, les gosses d'aujourd'hui doivent leur salut àààààààààààààààààààààà (roul'ment d'tambour) :D

adolf-hitler-08.jpg:dev:

==>

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 726 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

La période de guerre est marquée sur le plan de l’enfance délinquante par une loi du 27 juillet 1942 qui s’inscrit pleinement dans les politiques de la jeunesse privilégiée par le gouvernement de Vichy. La jeunesse délinquante est une jeunesse à sauver, à encadrer.

La loi de 1942 qui n’est pas sans lien avec les campagnes de presse contre les bagnes d’enfant de l’avant-guerre (Front populaire - 1936) remplace la notion de discernement par celle de l’éducabilité du mineur délinquant.

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 726 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

La fin de la colonie d'Eysses

Un décret le 31 décembre 1927 change le nom des colonies pénitentiaires en Maisons d’Éducation Surveillée mais Eysses échappe partiellement à la réforme puisque le décret ajoute pour l’établissement « Maison d’Éducation Surveillée d’Eysses - quartier correctionnel ».

Les colons deviennent des pupilles et les surveillants des moniteurs, mais rien ne change à Eysses où la violence perdure. Jusqu’en 1940, date de la fermeture de la colonie, Eysses inscrira les pages les plus noires de ce qu’Alexis Danan appela les « bagnes d’enfants ». La mort dans des conditions particulièrement révoltantes du jeune colon Roger Abel en avril 1937 scellera la fin de la colonie d’Eysses quelques années plus tard.

On retiendra de cette époque le visage défait de Marc Rucard, Garde des Sceaux, qui déclarera aux journalistes présents à sa sortie de la colonie où il avait tenu lui-même à enquêter : « Ce que j’ai vu est bouleversant » ce à quoi ajoutera quelque temps après l’inspecteur général Jean Bancal au terme de son inspection suite à cette affaire : « il faut prononcer la déchéance de l’Administration Pénitentiaire pour ce qui concerne les mineurs ».

La colonie d'Eysses ferme en 1940.

Modifié par January
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Membre, 56ans Posté(e)
LaurentEssonne Membre 1 334 messages
Baby Forumeur‚ 56ans‚
Posté(e)

Aujour d' hui, on appelle cela des "écoles"

Lol!!!

Sujet à la fois terrible et très intéressant...

Je pensais que le français moyen pourrait retenir ses considérations politiques foireuses dont tout le monde se fout sur un sujet aussi grave surtout quand c'est pas l'objet de la discussion, par respect des enfants morts. J'avais tort.

Le français moyen n'est pas assez cultivé pour comprendre ton mépris, il se contente de faire de l'humour.

Les fiches de lectures historiques m'ennuient, désolé.

Comme l'histoire n'est jamais écrite par les vaincus en plus, rien de plus subjectif

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Membre, 79ans Posté(e)
Talon Membre 1 722 messages
Baby Forumeur‚ 79ans‚
Posté(e)

Origine du mot bagne. Les barbaresques qui pillaient les côtes chrétiennes faisaient des prisonniers qu'ils enfermaient dans les hammams, faute de place dans les geôles ordinaires. Après leur libération, ces prisonniers, Italiens pour la plupart, racontaient qu'ils avaient été enfermés dans le bagno (le bain). Méfiez-vous des thermes.lol

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 726 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Merci de ta contribution Talon :)

L'ordonnance de 1945 abandonne la notion de "discernement" (qui date de 1791) et confirme le principe d'éducabilité du mineur. Des tribunaux pour enfants sont implantés sur tout le territoire et créent les juges pour enfants.

Malgré la réforme, Aniane restera une institution corrective jusqu'en 1953. L'institution mute ensuite vers le modèle de l'IPES (Institution publique d'éducation surveillée). Paul Lutz, magistrat, fera un rapport élogieux de la rénovation des locaux, des équipements des ateliers, de la qualité de la formation professionnelle qui y est dispensée. Les jeunes vivent en groupes de 20 à 25 et sont encadrés par 2 ou 3 éducateurs qui sont chargés de créer un bon climat dans le groupe ainsi que de faire acquérir aux jeunes de bonne habitudes de vie. On crée des "sections" : accueil, mérite, honneur. Cette dernière section n'est pas encadrée d'éducateurs, bénéficie d'un système plus libéral, les élèves des groupes sont au nombre de 12, ils ont le droit de sortir de l'établissement, ce qui les prépare entre autre au retour à une vie plus autonome.

En 1960, plus d'un élève sur deux obtient son CAP à Aniane, qui figure comme une institution pilote de l'éducation surveillée. En revanche, on remarque que les métiers enseignés ne sont pas toujours pratiques au retour à la vie civile, que les problèmes que les jeunes avaient n'ont été que refoulés pendant quelques années, que le retour dans la famille est très souvent problématique et qu'un nombre important de jeunes rechutent à leur retour dans leur milieu..

On en conclut qu'il y a tout un travail personnel à faire avec le jeune et que la seule obtention d'un diplôme ne suffit pas (il faudra attendre néanmoins 1965 pour qu'un psychologue soit nommé à Aniane - des foyers de "post-cures" seront crées dès 1962, internats qui assureront la transition entre la sortie et le retour dans la famille).

En 1975 Aniane devient ISES (Institution spéciale d'éducation surveillée). En effet, le gouvernement abandonne sa politique d'internats type IPES.

L'ISES a des fonctions polyvalentes (orientation, hébergement, milieu ouvert, formation professionnelle, famille d'accueil...).

L'ISES d'Aniane est entièrement réorganisé. On passe en une vingtaine d'année d'un milieu totalement clos à un milieu entièrement tourné vers l'extérieur.

Aniane fermera ses portes en 1995, c'est le sort de toutes les institutions anciennes d'éducation surveillée.

Aujourd'hui, une partie de l'institution est un centre de rétention du ministère de l'intérieur.

Dans une autre partie, quelques éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, dans une structure mi-associative, continuent à recevoir des jeunes dans un projet de formation à l'entretien des espaces verts.

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Membre+, Posté(e)
Doïna Membre+ 19 117 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

Si on se penche sur les délits qui pouvaient envoyer des enfants dans ces bagnes, maisons de correction, de redressement, selon comment on les appelait, on est surpris de constater que ce pouvait être des bêtises de rien du tout, voire pour des situations qui n'étaient pas du fait de l'enfant (errance, mendicité, prostitution) :

(extraits)

Parmi les délits recensés dans ces institutions françaises, le vol est l’un des plus courants (tuiles d’église, vol de saucisse...). Après une plainte de voisin par exemple, le voyou peut en prendre pour 4 ans !

Autre exemple, cité par Marie Rouanet, que celui d’un garçon de 12 ans contre qui le curé de Cintegabelle porte plainte. Le jeune homme "fume ostensiblement, ne retire pas sa casquette et tient des propos irrévérencieux au passage d’une procession. Coupable de « trouble à l’ordre public sur le parcours d’une procession et pendant l’exercice du culte », celui-ci est condamné à deux ans de maison de correction". Les enfants errants, les mendiants et les petites filles qui se prostituent, sont également enfermés. D’autres encore viennent de l’Assistance publique, après une mauvaise conduite dans leur famille d’accueil par exemple.

source : d'après précédent sujet

Modifié par Loargan
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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 61 726 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Ou n'avoir commis aucun délit, et être emprisonné par voie de "correction paternelle".

Le père peut faire emprisonner son enfant par voie d'autorité ou par voie de réquisition auprès du tribunal suivant que l'enfant a plus ou moins de quinze ans. Ce droit sera réformé dans les années trente.

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Membre, 60ans Posté(e)
alcina Membre 5 752 messages
Baby Forumeur‚ 60ans‚
Posté(e)

En lisant tout ça on pourrait croire que c'est un extrait d'un livre d'horreur et puis soudain on prend conscience que tout est réellement arrivé.

Merci pour ces articles.

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Membre, 56ans Posté(e)
LaurentEssonne Membre 1 334 messages
Baby Forumeur‚ 56ans‚
Posté(e)

Ça fait froid dans le dos?

On peu constater l'abus de ces institutions mais pas contester leur efficacité en matière de dissuasion.

La preuve? Il suffit de regarder ce que sont devenus les primo délinquants depuis que ça n'existe plus.

Enfin quoi, des gamins qui vendent du shit en CM2, ça vous fais pas froid dans le dos ça aussi?

Modifié par LaurentEssonne
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