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Membre, Posté(e)
angelique5 Membre 69 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

« Sivous n’existiez pas, il faudrait vous inventer »

Prologue

Ilfait frais, mon corps repose sur le sol, je sens l’humidité sousmes doigts. Alors que le brouillard règne dans ma tête, un murmureflotte et semble demander « pourquoi ». Non… Ce n’estpeut-être que le vent qui s’insinue dans celle-ci ou la fin de cerêve qui n’en finit plus. Une lumière aveuglante me brûle lapeau. Je froisse un papier, une vieille lettre dans ma main. Je meredresse, tourne sur moi-même, ma tête est lourde. La forêt detoutes parts domine, noyée dans un bruissement d’eau. La lettrem’apparaît, tachée de sang, il ne reste que quelques mots : tatrahison… jamais… pourquoi… Je marche droit devant, vers l’eaupour me laver de tout ce sang, le mien peut-être et celui d’uncœur de bête que je ramasse avec dégoût... tout est toujoursflou. À quoi pouvait t-il servir ? La source est là; révélée parla lumière, elle se laisse tourmentée par des roches, témoinsendormis du passé.

Terresd’Écosse, d’Irlande ou de Bretagne, toutes les forêts parlentle même langage et par le sang elles sont liées, comme le lierre auchêne. Quel pouvait être le nom de celle ci ? Son pays? Uneancienne vie me rappelle à elle, cette forêt m’est inconnue maissi familière qu’elle en est glaçante malgré la douceur dulevant.

Auloin, des chevaux sont lancés au galop ; leurs sabots claquent surles pierres des chemins, ils entrent dans l’enceinte de la forêt,ils se rapprochent. Les cris de cavaliers troublent l’eau souilléede sang, son instinct frissonnant m‘induit la fuite. Sur le bord,un saule-pleureur laisse ses branches à la dérive du vent et ducourant, créant un rideau où se cache l’âme perdue. Lesclaquements deviennent plus forts jusqu’à en être étourdissants.Sur le haut de mon sein, près du cœur, se fait sentir une entaille,le sang s‘évade sur ma chair, il coagule autour de la plaiesaillante et ruisselle vers mon ventre. Je déchire un bout de machemise blanche, maculée de rouge pour faire pression. Tout revientalors à mon esprit : les chevaux, le cavalier, l’épée, le sangsur mes mains … Un cri, j’entends un cri d’appel, on attend uneréponse: « sorcière, sorcière tu dois payer ton crime, rendstoi. ». La voix résonne, le vent se lève plus fort, lesfeuilles frémissent sur son passage, il s‘engouffre à travers lesbois changeant l‘atmosphère, un frisson me traverse. Ils sonttrois, peut être quatre à attendre, à guetter un signe, unmouvement. Que dois-je faire? Rester là, courir, mais où? Del’entaille ruisselle toujours un peu de sang. Mes assaillants nesont plus très loin, ils sondent le bois du bout de leurs épéestranchantes, les faisant ratisser toutes les fougères, buis, talusdes alentours. Des contusions s’observent à la surface de ma peau,ainsi qu‘une marque rouge dans la pliure de mon coude. Avant depenser à leur provenance, je prends une impulsion. Dans un élan, jeprends la fuite. Courir! Courir plutôt qu’être brûlée vive surleur bûché devant la populace huant et crachant. Dans ma course,des ronces me déchirent la peau, les arbres défilent, une clairièrescarifie l‘étendue, puis je m‘arrête! Le vide, la fin, le néantsous mes pieds. La falaise rongée depuis des centaines d’annéess’ouvre sur l’océan. Une larme coule sur ma joue. Derrière moi,alors que mon accablement règne, j’entends déjà rire lescavaliers brandissant de leurs fourreaux quelques armes pourm’assassiner. L’un d’eux descendu de cheval engage ma défaite.Je recule d’un pas, puis de deux sans trop savoir. Un courant d‘airremonte des eaux alors que je regarde mon tombeau. Il avance d‘unpas assuré, son arme rangée, il sait qu‘à ce moment il n‘y aplus d‘issue. Sa main prend mon cou avec force, ma gorge se sert,mes larmes coulent le long de cette main qui m’oppresse. Plus qu’unpas et c’est le vide, la chute est inéluctable. Leurs souriressatisfaits alors que je perds pied, contemplent ma descente auxenfers. Une vague frappe la craie de la falaise, de la rupture dumonde, de l’en deçà1 et me ramène vers sesprofondeurs pour l’au-delà. L’eau, l’eau qui pénètrepartout, dans mon nez, dans ma bouche, et une mort lente etdouloureuse qui se laisse attendre.

Levoile sombre de mon passé s’était évanoui alors que la mortapprochait.

Audébut…

ChapitreI

Unmatin d‘automne, alors qu’elle traversait la forêt deBrocéliande où jamais aucun chevalier ne s’aventurait seul parpeur de quelques maléfices, une vieille femme trouva dans le creuxdes racines d’un chêne un enfant langé. Ce bébé de deux outrois mois ne paraissait pas troublé par sa situation. Il arboraitun sourire qui faisait pétiller ses deux petites prunelles. L’ayantpris dans ses bras, elle avait fait de lui son ange, comme sielle-même l’avait enfanté. Elle l’avait emmené et élevéjusqu’à «mes»onze ans.

L’aubede ma vie avait dépendu d’elle, Macha était ma bonne fée, maissa vie avait déjà vu trop d’hivers, de guerres, de famines... Saperte m’avait laissée sans mot avec pourseule consolation le savoir qu’elle m’avait enseignée. Auvillage elle était connue et crainte, sauf en cas d’utilité! Ondisait d’elle, qu’elle aimait le Diable, que c’était unejeteuse de sort. Bien sûr il n’en était rien, mais « on »le disait, donc « on » le croyait. « On »c’est toujours personne et tout le monde à la fois. La peur duDiable, si présente chez les villageois les poussait souvent àutiliser ce « on » … A sa mort, le propriétaire de lapetite ferme où nous vivions m’avait déposée sur une estrade àla foire. Pour lui, une enfant c’était trop de travail et d’argentsurtout. Il espérait me trouver une bonne famille, des parents quisauraient bien s’occuper de moi, dans ces lieux où « tout »s’achète et se vend ! Des enchères, des prix retentissaient àmes oreilles, sans que cela ne veuille dire quelque chose. Je pensaissimplement qu’il allait me trouver ce qu’il disait : des parentsqui m’aimeraient…

Unhomme d’âge mûr sorti de l’ombre d’une ruelle. Vêtu de noir,les épaules surmontées d’une peau de loup, il avait poséquarante pièces d’or sur les planches de l’estrade. Voyant lasomme le propriétaire s’était rué sur le butin. Un trésorcontre une orpheline, c‘était une aubaine pour lui. Sans mêmeobserver ni regarder l’homme, il avait lancé un « vendue! »,la tête déjà concentrée au comptage des pièces.

L’hommem’avait saisie par la main et accompagnée à monter sur soncheval.

Surles chemins gelés de l’hiver, déçue, je m’étaisremémorée dans le silence de la conversation, le propriétaireavide, comptant ses quarante pièces.

Lanuit tombée, se rapprochant d’un château, l’homme parlabrièvement :

-Macha m’a demandé d’assurer ton éducation.

Jamaisje n’avais vu cet homme, alors comment connaissait-il ma nourrice?

Arrivésprès des remparts, il avait fait un geste fluide de la main, lepont-levis s‘était alors baissé. Fronçant les sourcils, j’avaistout d’abord pensé : «je n’ai pas cru voir d’homme à labarre du levier!». Il m’avait alors répondu : «non il n’y en apas».

Sondestrier mis aux écuries, nous avions montédes escaliers de granite jusqu’au dernier étage de la tour d’angleOuest. De cette tour l’on pouvait voir le soleil mourirau-delà de la forêt qui s’étendait jusqu’à l’horizon. Alorsque la lune était déjà haute dans le ciel, les rondes avaientcommencé au-dessus de nos têtes. Placés dans une chambresous-jacente aux gardes, j'entendais leurs pas résonner le long despoutres de bois.

Danscette petite chambre, l'homme avait fait installer un lit, un coffreet une planche sur deux tréteaux couverte de livres.

Ilm’avait ensuite dit :

- Voicita chambre, ici je t’enseignerai ce que je sais en échange dequoi, plus tard, après avoir remboursé ta dette envers moi tu seraslibre. Tu dois savoir comme moi que tu devras être plusvigilante que Macha pour tromper ce monde, j’espère que toninstruction te le permettra. »

Cesmots s’étaient arrêtés ainsi, sans signification pour certains,ni explication pour d’autres. Il sortit me laissant dans le noircomplet malgré les deux bougies qui éclairaient la pièce. L’heureétait venue de dormir, les réponses viendraient sans doute plustard.

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