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Ces mots d'origine égyptienne ancienne


Criterium

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Membre, nyctalope, 40ans Posté(e)
Criterium Membre 2 859 messages
40ans‚ nyctalope,
Posté(e)

Aujourd'hui encore, des mots français sont prononcés, qui dérivent de manière plus ou moins directe de mots d'ancien égyptien... :coeur:

Pour partager avec vous cela, que je trouve fascinant, je vous ai préparé une petite liste ¿ non exhaustive ¿ de quelques-uns de ces mots. Certains sont des toponymes ; d'autres désignent des choses typiquement égyptiennes ; mais quelques-uns sont eux devenus des mots communs, que nous avons tous prononcés un jour ou l'autre... mais trève de bavardage, voici des illustrations et des étymologies :

motsegyptiens001.png

(ces beaux hiéroglyphes ont été écrits grâce au traitement de texte, spécialisé à cet effet, appelé JSesh)

Nubie ¿ ce mot dériverait du mot nbw en ancien égyptien, qui désigne l'"or", d'une manière assez directe (seule la dernière semi-voyelle a disparu, phénomène courant) ; cela viendrait du fait que la Nubie était renommée pour ses mines d'or dans l'Ancien Monde (la Nubie était, elle, appelée à l'époque le "Pays de l'Arc", en référence à l'arme favorite des nubiens).

Pharaon ¿ l'une des expressions en ancien égyptien pour désigner le palais royal était pr-ˤᴈ, littéralement "la Grande Maison", et donc in extenso le monarque, d'une manière tout à fait similaire à ce que l'on fait aujourd'hui en pouvant dire qu'une décision a été prise par la Maison Blanche lorsqu'une décision a été prise par Barack Obama. Le mot est passé par l'hébreu (phar'oh פַּרְעֹה : il y a eu spirantisation du p initial en f et perte de la dernière semi-voyelle ᴈ), puis en grec φαραώ, puis en latin pharaō. (à noter que cependant, là encore, ce n'était pas le terme le plus courant pour désigner le pharaon ni même le palais royal).

Fayoum ¿ le nom de ce grand lac dérive de sa désignation en ancien égyptien, qui était "le lac" : pᴈ-ym (il s'agit ici d'une désignation qui doit dater du Nouvel Empire ou ultérieurement). Le mot est passé par le copte ΦΙΟΜ (là aussi le p initial finit par être prononcé f), puis par l'arabe al-fayyūm الفيوم

Pschent ¿ ce mot, désignant la double-couronne du roi régnant sur les Deux-Terres (Haute et Basse-égypte) dérive en fait directement de la manière grecque de prononcer l'expression égyptienne qualifiant cette couronne : "les deux puissantes", pᴈ-sḫmty. Pour l'anecdote, c'est un mot qui figurait sur la fameuse pierre de Rosette et fut donc assez rapidement déchiffré ; en effet, en égyptien démotique le mot était devenu p-skhent, et la transcription grecque en était pschent ψχεντ ; comme le mot n'est pas passé dans le vocabulaire courant, il en est resté à cette forme originelle, savante.

ébène ¿ voilà un mot courant, qui a relativement peu changé au cours du temps ; il vient de l'ancien égyptien hbny, qui est passé par le grec (ebenos ἔβενος ¿ le h initial, faiblement aspiré, s'est perdu, et le grec ajouta la terminaison classique du genre masculin, 2ème déclinaison, -ος), par le latin ebenus (puis par l'ancien français eban).

Ivoire ¿ le mot en ancien égyptien désignant l'ivoire ¿ ou un éléphant, ou la ville d'éléphantine, selon le déterminatif utilisé en hiéroglyphes ¿ est ᴈbw ; ce mot est devenu en copte ΕΒΟΥ ¿ il est ressorti d'une petite recherche que l'on ne sait pas exactement comment le mot est passé au latin, probablement par le phénicien, pour donner eboreus, qui a donné l'ancien français ivoire, ivurie.

Adobe (une brique de terre crue, voir wikipédia) ¿ voilà un autre mot qui a subi peu de transformations depuis 6000 ans... en ancien égyptien, ḏbt, le mot désignait déjà la même chose. Au fur et à mesure que le temps a fait son effet, le mot est devenu en copte ΤΟΒΕ ; passé par l'arabe al-tub الطّوب , qui a donné en vieil espagnol adobe. Il me semble que ce mot est bien plus commun en anglais qu'en français, aujourd'hui. Pour l'histoire amusante, une crique de Californie a été surnommée Adobe Creek, et c'est de là (parce qu'ils habitaient à côté) que les fondateurs d'Adobe Systems ont donné ce nom à leur entreprise.

Ph¿nix ¿ l'origine de ce mot vient du grec ancien phoinix Φοῖνιξ, mot désignant la couleur pourpre (ce mot est également à l'origine du nom du pays appelé la Phénicie) ; cependant, le mythe vient de l'Ancienne égypte et il n'est pas clair si le mot ne serait pas une adaptation du mot en ancien égyptien désignant l'oiseau-ph¿nix originel, le "bennu" : bnw. Celui-ci, d'ailleurs, n'est pas pourpre, et il y a une variation de détails quant au mythe dont cependant le noyau reste le même : un oiseau vivant pendant un millier d'années puis se consumant de lui-même, renaissant de ses cendres, qu'il place parfois dans un ¿uf qu'il ira déposer à Héliopolis.

égypte ¿ ce mot dérive également de l'ancien égyptien, mais il ne correspond pas du tout à la désignation que les égyptiens faisaient de leur terre (qu'ils appelaient le plus souvent kmt "la noire", ou encore tᴈwy "les Deux Terres"). En fait, ce mot dérive du nom d'un temple à Memphis, dédié à Ptah : ḥwt-kᴈ-ptḥ, qui était prononcé *hikupta dans les périodes plus tardives ; ce mot a été emprunté en grec Αἴγυπτος (il y a même trace d'inscriptions en linéaire B, le syllabaire utilisé pour noter le mycénien, une forme archaïque de grec ancien : akupitiyo). Le mot est devenu en latin égyptus. Ce qui est intéressant, c'est que le mot grec est repassé, en parallèle, par l'arabe qubṭi قبطي (le g dur du gamma grec était prononcé d'une manière plus similaire au q ¿ ق qāf ¿ qu'au g doux ¿ ج ǧīm ¿ de la langue arabe) qui a donné le latin coptos et in fine le mot Copte ¿ égypte et Copte sont donc deux mots provenant de la même racine.

(edit : j'ai fait une erreur pour noter les hiéroglyphes ḥwt-kᴈ-ptḥ, excusez-moi. Le nom du dieu Ptah aurait du être antéposé et il manque le déterminatif indiquant que c'est un nom de lieu).

Lybie ¿ le mot rbw en ancien égyptien désigne une ancienne tribu d'Afrique du Nord (dans la zone géographique de l'actuelle Lybie, évidemment) ; le mot est resté pour désigner les peuples de cet endroit, dont le nom devint en grec Libyê Λιβύη (la consonne r en ancien égyptien n'était probablement pas un r "fort" et était souvent utilisée pour noter un son l ; sa prononciation devait être, un peu comme en japonais aujourd'hui, un son "entre deux"), qui donna en latin Lybia.

Et il y en a d'autres, comme Oasis...

:blush:

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Invité jeanette
Invités, Posté(e)
Invité jeanette
Invité jeanette Invités 0 message
Posté(e)

:blush: impressionant!

tu étudies toutes ces langues? voire même tu les parles?

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Membre+, 52ans Posté(e)
chirona Membre+ 3 432 messages
Baby Forumeur‚ 52ans‚
Posté(e)

Merci Criterium pour ces infos très intéressantes :blush: . J'adore l'étymologie et je trouve passionnant de connaître l'origine des mots. Cela pourrait donner l'idée d'en faire de même avec les mots d'origine grecque, arabe, etc. Peut-être que je creuserai l'idée...

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Membre+, 52ans Posté(e)
Ocytocine Membre+ 17 770 messages
Forumeur Débutant‚ 52ans‚
Posté(e)

Idée géniale. C'est très enrichissant, merci! :blush:

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  • 4 ans après...
Nouveau, Posté(e)
Quilbignon Nouveau 1 message
Baby Forumeur‚
Posté(e)

En effet, Oasis, comme Pharaon, sont deux mots qui nous sont à la fois familiers et d’origine égyptienne connue. On associé habituellement le premier au désert et même au Sahara, mais le J. O. du 21 juin nous en offre un exemple insolite dans… l’Antarctique !

D’autres termes, tout aussi familiers, sont de même origine, soit directement, soit indirectement par le latin, le grec ou même l’arabe : basalte, ébène, gomme, phénix, ou encore chimie (plutôt alchimie), ibis.

Certains auteurs (M. Malherbe in Les Langages de l’humanité) ajoutent aussi papyrus et sphinx, mais c’est à tort car – paradoxalement - ils sont purement grecs.

Revenant au pharaon, je n’aurai garde d’oublier l’imprononçable pschent, et je m’arrêterai sur son uraeus, qui, à l’inverse du sphinx, est bel et bien un mot d’origine égyptienne.

Nous avons affaire, ici, à une querelle d’experts. Alain Rey lui-même, suivi par Larousse, affirme que ce mot, latin, vient du grec ouraios, « de la queue ».

Cela me paraît absurde, et pour trois raisons !

D’abord parce que l’on peut se demander ce que viendrait faire cet adjectif seul pour désigner un cobra femelle dressé.

Ensuite parce, si l’Encyclopaedia universalis ose prétendre que la dérivation égyptienne de cette forme grec, attestée, elle, est douteuse, elle ne nous dit pas pourquoi, et l’ennui, c’est que cet ouvrage – en général plus sérieux – cite Horapollon, qui est notre seule source, et le présente comme un « commentateur héllénistique », alors qu’il s’agit d’un auteur égyptien du Ve s., qui nous est connu par un traité traduit du copte en grec.

Et si cette forme grecque apparaît dans ce traité, Horapollon la donne comme le nom égyptien du cobra femelle, signifiant probablement« celle qui se dresse, qui s'érige ». En outre, cette encyclopédie croit bon de commencer ainsi son article Uraeus : « Ce mot, en toute rigueur du genre masculin, mais souvent employé au féminin.. » Y compris dasn un autre article ! Du reste, domus et virtus me paraissent nettement relativiser cette « rigueur ».

Enfin, le Gaffiot donne le mot voisin uraeum comme venant du grec et signifiant « morceau de la queue du thon ».

Ces deux mots se ressemblent masi ne doiventpas être confondus.

Et volià pourquoi, si le grec ouraios signifie« de la queue », il ne peut avoir ce sens ici.

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