Il y a 30 000 ans, Homo sapiens défiait l’océan : des chercheurs recréent l’exploit !

Les préhistoriens le savent, dans leur discipline, il n’est pas rare de ramer et, le moment venu, il faut se mouiller. Jamais cela n’a été aussi vrai que pour une équipe de chercheurs, en majorité japonais, parvenus à relier en 45 heures et en canoë l’île de Taïwan à celle de Yonaguni après un périple de 225 kilomètres. Ils estiment avoir montré par l’exemple que nos ancêtres, il y a environ 30 000 ans, ont pu faire de même. L’expérience a été menée en 2019, mais le bilan vient seulement d’être publié dans la revue Science Advances.

"Ce projet est sans aucun doute le plus abouti au monde en matière d’archéologie navale expérimentale préhistorique, estime Michel Philippe, archéologue naval et chercheur associé au CNRS, sans lien avec l'expérience. Pour les humains de la préhistoire, pas question de courir des centaines de kilomètres pour s’approvisionner. Les bateaux étaient construits à partir de l’environnement proche. Quelles étaient leurs ressources ? C’est cette démarche prospective que les chercheurs ont testé avec succès".

Peuplement des îles Ryukyu : une énigme préhistorique qui fascine les chercheurs

A l’origine du défi, un constat : les datations d’outils et d’ossements sur les îles Ryukyu, archipel au large de Taïwan dont Yonaguni est la plus proche, ont montré qu’elles avaient été peuplées il y a 27 500 à 35 000 ans. Comment ? On l’ignore car aucun vestige naval de cette époque, le Paléolithique supérieur, n’a été retrouvé, les matériaux utilisés étant périssables. Par ailleurs, même si le niveau des mers était alors bien plus bas qu’aujourd’hui, le courant marin nommé Kuroshio ("courant noir" en japonais) circulait déjà. Son fort débit - aujourd’hui d’environ 1 mètre par seconde -, avait toutes les chances de faire dériver vers le nord les embarcations.

Archéologie expérimentale : un premier radeau en roseaux trop lourd et trop lent

Les préhistoriens ont cherché leur salut dans une discipline singulière : l’archéologie expérimentale. Elle consiste à refabriquer ce qui n’existe plus "à la manière de", dans un cadre scientifique rigoureux. Un premier radeau fut assemblé à partir de gerbes de roseaux Typha domingensis liées ensemble. Ce végétal est attesté au Paléolithique supérieur, il peut être fauché avec de gros coquillages, et l’ethnographie montre la popularité de tels bateaux en Asie. Pourtant, lors d’une tentative en 2016, l’équipage de cinq pagayeurs (quatre hommes, une femme) n’est pas parvenu à s’extraire du courant. Le radeau était trop lourd, trop lent.

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Même si c'est beaucoup plus tard, le plus grand exploit maritime de tous les temps, c'est la conquête du Pacifique par les polynésiens. Grâce à la génétique (légumes et volailles) il est dorénavant tout à fait certain qu'ils sont allés jusqu'en Amérique du Sud, mais ils ne sont pas restés : déjà pris. Dans le Pacifique, ils se sont installés partout où c'était possible (condition première essentielle : présence d'eau douce).