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Je fume - les cigarettes, les sentiments -
J'aspire la fumée toxique des cigarettes. J'aspire la fumée mortelle des sentiments.
J'inhale ma dose de nicotine, comme j'inhale les tendresses du coeur.
Je colle ma bouche sur la forme conique d'une cigarette, comme je la collerai sur la bouche d'une femme.
Et j'aspire - la fumée, les sentiments -
Mon corps se nourrit: des frissons sur ma chair, mon coeur prêt à exploser,
Recevant ma dose - de nicotine, de sentiments -
Puis je recrache - la fumée, les sentiments -
Je recrache ce que mon corps et mon coeur rejettent.
La cigarette est finie. Le manque est comblé. 
Puis il reviendra (le manque)
Alors j'en allume une autre. J'en embrasse une autre.
Et si j'embrasse une fumeuse, j'aspire sa fumée, autant qu'elle aspire la mienne. J'aspire son envie, comme elle aspire mes désirs. 
On viole l'intimité de nos coeurs, en aspirant la fumée de l'autre, comme des
voleurs.

Puis j'attraperai le cancer. Celui du coeur et du poumon.

On est tous des fumeurs, aspirant les sentiments, pour les recracher. On se
dit toujours qu'on va arrêter, comme on dit cela pour la cigarette, mais le
manque revient toujours, et le cercle vicieux ne s'arrête jamais. En fumant
les sentiments on joue avec nos vies, en sachant très bien qu'on en crévera,
comme un fumeur sent son souffle baisser, lorsqu'il a trop consommé.

Moi je fume. La cigarette, les sentiments. J'en créverai, les poumons noircis, le coeur meurtri.