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Billets posté(e)s par Wild

  1. Wild
    C'est ainsi que leur amitié a commencé: Dilw posant des questions à Gol, dont les réponses suscitaient toujours plus d'émerveillement. Après avoir passé la majorité de la nuit à converser, le conteur s'était retiré dans la chambre qu'il avait réservée. Le prince, quant à lui, inconscient des dangers que trainer dans la rue aussi tard dans la nuit lui faisait risquer, rentrait tranquillement au château. Il avait passé une soirée très intéressante et retournait dans sa tête les mots du voyageur: "le pouvoir des mots est si grand qu'il a été volontairement noyé dans la masse de la conversation". Même si ce n'était pas encore tout à fait clair pour lui, la discussion qu'ils avaient eue l'avait aidé à en comprendre une partie: plus les mots sont utilisés, moins on leur donne d'importance, et plus on oublie à quel point ils sont puissants. Le premier exemple qu'il avait expliqué au jeune homme avait été la réaction des gens après avoir écouté son récit quelques heures auparavant.
    « Mais c'est également dû à ton air de voyageur, avait-il répondu. »
    Gol avait rétorqué que ce n'était qu'un exemple, et ils avaient continué la soirée à parler à ce sujet. Alors qu'il rentrait, Dilw était désormais convaincu que les mots, bien agencés, avaient un pouvoir qui leur était propre. Un pouvoir que peu de gens savent utiliser, à en croire le voyageur. Même s'il ne connaissait pas vraiment le chemin du château, il s'était retrouvé devant ses portes sans s'en rendre compte. Il ne jeta qu'un bref coup d'¿il aux gardes - afin qu'ils le reconnaissent et le laissent passer - et repris sa marche et ses réflexions. Ce n'est qu'une fois devant son lit que la morosité d'avoir quitté le voyageur s'abattit sur le prince. Allait-il le revoir demain, comme ils avaient convenu ? A en croire Gol, il avait besoin de récupérer un peu d'argent avant de repartir ; et n'ayant que peu d'occasion de lier amitié, il comptait profiter un peu de la leur. Dilw s'allongea et continua de réfléchir, les mains sous sa tête. Mais s'ils étaient vraiment amis, alors pourquoi lui aurait-il demandé d'apporter un peu d'argent ? Oui, il avait bien dit qu'il avait besoin d'argent. Et après tout, il lui en avait déjà demandé de l'argent ce soir. Quand il l'avait interrogé à ce propos, son ami avait répondu qu'il aurait besoin de boire, et que le prince voudrait lui offrir ce rafraichissement. Comment pouvait-il en être sûr ?
    Enfin, la fatigue avait rattrapé le prince. Avant de s'endormir, il pensa qu'il devrait faire attention, le lendemain après-midi, à ne pas prendre trop d'argent¿
    Malgré ses inquiétudes, la journée s'était déroulée sans anicroche. Le conteur avait repris la place qu'il tenait lorsque le prince l'avait aperçu la première fois, avait attendu qu'il y ai quelques personnes autour de lui et raconté une histoire. Après avoir récupéré les dons, il s'était tourné vers son ami. L'expression sur le visage de celui-ci le fit sourire. De toute évidence, il était tombé sous le charme de ses mots. Comme il l'avait prévu, le jeune prince avait insisté pour lui offrir à boire. C'est à ce moment que Dilw avait fait part au voyageur de son envie de devenir conteur, lui aussi. Flatté, il décida de lui apprendre tout ce qu'il savait. Ainsi, après avoir chanté une chanson dans la rue - pour une somme raisonnable - ils étaient retournés à l'auberge. Pendant toute la soirée, Gol donna au jeune homme ses premières leçons. Les deux jours suivants se déroulèrent de la même façon, même si, à la fin de la seconde, le prince demanda à son maitre d'un air gêné :
    « Je ne pourrais pas venir demain. Mon père¿ J'ai aussi des obligations, et je ne peux me soustraire à celles de demain. Mais je voudrais expliquer à mon père que je veux être conteur ; j'ai même créé un poème. Je voulais ton avis dessus. »
    C'est à cette occasion que le conteur réalisa à quel point son ami avait du talent. Certes son poème était encore maladroit, mais après seulement deux jours, il n'aurait lui-même pas été capable d'en faire autant. Le lendemain, quand son père entendit l'¿uvre de son fils, il usa de toute sa volonté pour ne pas éructer de colère ; volonté qui ne fut cependant pas suffisante et n'empêcha pas le roi d'essayer de faire comprendre au jeune homme - à coup de brimades et autres violences - que ce n'était pas un domaine dont il devait s'occuper. La fracture familiale avait encore augmentée quand, deux jours plus tard, après avoir eu une audience avec le roi, Gol avait annoncé à son ami qu'il était temps pour lui de partir. D'après le conteur, il avait prévu de rester moins longtemps, et ne s'était attardé que pour Dilw. Cela dit, le prince n'était pas dupe, et l'avait clairement dit à son professeur:
    « Je sais que le roi t'a ordonné de partir. Je suis désolé, sanglota-t-il.
    - Pourquoi donc es-tu désolé ? Tu n'as rien fait de mal.
    - Pourtant, tu devrais rester encore, n'est-ce pas ? Tu n'as pas encore assez d'argent ! »
    Le voyageur, sachant qu'il ne pourrait pas mentir à son ami lui avait répondu simplement :
    « Tu sais, parfois on ne fait pas ce qu'on veut. La vie impose ses règles, il est plus sage d'apprendre à les suivre que de vouloir les transgresser. Pendant mes voyages, j'ai appris un petit poème qu'on m'a demandé de ne jamais répéter. Je te le dit parce que je sais que tu le garderas pour toi :
    Dans les dents de sang
    Marchant à l'intérieur
    Cherchant la chaleur
    D'un pas sûr mais lent
    Car pourrait bien mourir
    Qui voudrait courir
    L'étoile révélée
    Ne sera emportée
    Sans que les anciens
    Soufflant dans leur cor
    Signalent leur accord
    A un homme de bien
    Ne me demande pas pourquoi je te le récite, je n'en ai aucune idée. J'ai simplement l'impression qu'il t'était destiné. »
    Dilw resta muet. Les mots s'étaient collés à son esprit et ne semblaient pas vouloir en sortir. Il avait même cessé de sangloter. Lorsque son ami était parti, il lui avait rendu son salut, et était rentré au château, l'esprit occupé par la poésie que Gol lui avait récité.
  2. Wild
    Hojn avait faim. Cela faisait déjà quatre jours qu'il avait fuit sur le navire de son grand père et il n'avait guère eu le temps de prendre plus qu'un morceau de pain. Il espérait apercevoir une côte rapidement, mais il n'avait strictement aucune idée d'où il pouvait bien se trouver. Certes, son grand-père, qui l'avait élevé comme son propre fils, lui avait enseigné les bases de la navigation, mais il ne s'était jamais éloigné de la côte. Et maintenant, voilà qu'il était perdu au beau milieu de la grande mer, sans rien à manger depuis 4 jours. Pourquoi donc les Silencieux s'en étaient-ils pris à eux ? Son grand-père était il mort ? Qu'avaient-ils fait pour mériter ça ? Depuis 19 ans, ils vivaient dans une cabane près de la mer. Ils n'avaient jamais vu quiconque et ne risquaient pas d'avoir des ennemis.
    En pleurant, Hojn se remémora une fois encore sa fuite. Après quatre jours, les souvenirs avaient fini par devenir parfaitement clairs dans son esprit. Hojn et son grand-père étaient sur le point de se mettre à table ; le jeune adulte terminait ses exercices quotidiens du Grand Parlé. Même s'il n'avait jamais compris l'intérêt de cet apprentissage, il était fier de savoir parler la langue que les anciens utilisaient. Ceux qui avaient conquis la Terre et le Ciel - et qui avaient disparus près de 500 ans auparavant - n'avaient laissé pour héritage rien d'autre que cette langue qui, disait-on, permettrait de reconquérir la Terre et le Ciel. Non pas qu'il avait des idées de conquête ; il était pleinement satisfait de la tranquillité de sa vie, mais tout le monde n'avait pas la possibilité - la chance, même - d'apprendre cette langue. Et puis il avait entendu une assiette tomber par terre et se casser, suivie par un bruit sourd. Lorsqu'il atteint le pas de la porte, il vit l'homme qui lui avait tout appris, celui avec lequel il avait toujours vécu, à genou, encerclé par six personnes. Les Silencieux étaient parfaitement identiques: tous portaient une longue cape grise et une capuche recouvrait leurs visages. Il ne put s'empêcher de lâcher un léger cri de surprise qui fut étouffé par celui de son grand-père: sans raison apparente, le vieil homme se mis à crier de douleur, serrant sa tête entre ses mains, comme s'il essayait de la compresser par la seule force de ses bras. Après ce qui sembla à Hojn une éternité, l'homme à terre cessa de crier. Mais le jeune homme ne reconnu pas le visage déformé de celui qui avait été sa seule famille depuis toujours.
    Ce dernier se mit à larmoyer et laissa échapper une phrase: "Je ne sais pas, je vous jure, je ne sais pas où il est." Après un bref moment, l'homme recommença à parler : "Par pitié ! Je vous jure, je ne¿" Puis son regard se posa sur Hojn. Un bref moment, le jeune homme cru voir la haine illuminer le visage de son grand-père, puis celui-ci baissa les yeux et fit un demi-tour sur lui-même, tournant le dos à son petit-fils. Il essaya de se relever, mais ses jambes refusèrent de le porter. C'est donc à genou qu'il se rua vers la porte. La moitié des Silencieux empoigna l'homme qui se mit alors à crier: "Hojn, fuis ! Fuis et prends le navire avant qu'ils ne t'attrapent !"
    Il avait suivi ce dernier ordre et se trouvait maintenant perdu, seul, livré à une mort certaine. Le crystal, source de carburant pour son navire, était presque épuisé. Il tiendrait deux jours supplémentaires, au mieux. De toute façon, n'ayant rien mangé depuis quatre jours, il doutait de pouvoir survivre assez longtemps pour utiliser le crystal en totalité.
    Une autre journée s'était écoulée sur l'étendue d'eau dont toute trace de vie avait disparu depuis bien longtemps. Demain, il poussera le navire à son maximum, et ce ne sera pas une tâche facile. Il aura besoin de s'être reposé. Malgré son état de fatigue avancé, il visualisa une nouvelle fois son grand-père entouré des Silencieux avant de s'endormir¿

  3. Wild
    Pendant les jours suivants, Dilw avait cherché sa s¿ur partout dans le château, mais sans succès. Alors qu'il avait fini par abandonner et qu'il avait passé sa journée sur une colline où il aimait flâner, un mot de sa s¿ur l'attendait dans sa chambre.
    «Dilw,
    Je sais que tu me cherches depuis ce repas avec père, mais dans l'optique de repartir au plus tôt, j'avais de nombreuses affaires à régler. J'ai décidé de partir après-demain. Puisque tu dois avoir nombre de questions, je t'invite à venir me voir dans mes quartiers demain dans la matinée.
    Sarip »
    Le prince n'en revenait pas. A peine sa s¿ur revenue, pourquoi devrait-elle partir aussi vite ? Au moins, la journée qui allait venir lui permettrait d'avoir la réponse à toutes les questions qu'il voulait lui poser. C'est donc en réfléchissant à tout ce qu'il lui demanderait le lendemain qu'il s'endormit.
    Le soleil s'était à peine levé que Dilw sorti de sa chambre. Il était encore tôt pour aller voir sa s¿ur, et il décida d'aller aux cuisines pour déjeuner. L'endroit était déjà en pleine effervescence: les cuisiniers s'affairaient à préparer les déjeuners du roi et des quelques invités, les domestiques grignotaient ce qui n'était pas utilisé ou apportaient la nourriture encore chaude aux premiers nobles levés.
    Assis autour d'une table massive déformée par l'usage et le temps, sur laquelle se trouvaient du pain, de la viande de la veille, du fromage légèrement passé et d'autres mets qu'aucun noble n'aurait osé manger, les domestiques grignotaient dans une ambiance détendue. Lorsque le prince entra dans la salle, le silence se fit. Il n'était pas habituel de voir d'autres personnes que les domestiques dans cette partie du château, et lorsque c'était le cas, c'était en général pour se plaindre du mauvais goût d'un plat ou bien du fait qu'aucun domestique ne répondait à l'appel d'un noble. Dans un cas comme dans l'autre, l'effort de se déplacer en personne n'augurait rien de bon.
    Le fait était que Dilw ne tenait pas en place et souhaitait aller voir sa s¿ur. Dans ces conditions, rester dans sa chambre ne lui plaisait pas, aussi avait-il décidé d'aller en cuisine voir s'il pouvait y manger.
    Alors qu'il s'avançait sans un mot vers la table, les domestiques se levaient peu à peu. Il était d'usage de laisser un espace assez large autour de la famille royale afin de ne pas les déranger. Lorsqu'il s'assit sur le banc en face de la table, une vielle femme qui travaillait au château depuis quelques dizaines d'années lui demanda s'il ne préférait pas qu'elle lui apporte de meilleurs plats dans ses quartiers. Trouvant l'expérience intéressante, Dilw lui répondit qu'à la place il souhaitait manger comme elle l'aurait fait. Habituellement, lorsqu'un lui disait quelque chose, elle ne répondait pas, mais devant l'exubérance de la requête du jeune homme, elle s'autorisa un écart :
    « - Mon prince, la nourriture ici n'est pas assez bonne pour vous, permettez au moins qu'un cuisinier vous prépare quelque plat plus raffiné.
    - N'ai-je pas dit que je voulais goûter votre nourriture ? lui répondit-il.
    - Si, Sir. Pardonnez mon insolence, je vous prie, s'excusa-t-elle.»
    Comme seule réponse, il lui demanda de lui expliquer comment il devait procéder.
    Au fur et à mesure qu'elle lui expliquait comment se servir - et qu'elle évitait volontairement la nourriture trop passée pour être mangée par le prince - les domestiques recommençaient à discuter. Au début, des serviteurs qui revenaient de servir quelque noble demandaient discrètement à ceux qui étaient présent ce qu'il se passait ; ce qui avait fini par engendrer quelques chuchotements. Peu à peu, les chuchotements s'étaient changés en timides conversations puis, lorsque la vieille femme expliqua au prince qu'habituellement tout le monde mange en même temps, le prince les avait invités à faire comme d'ordinaire. Bien qu'agissant avec beaucoup de retenue, l'ambiance détendue s'était peu à peu faite sentir à nouveau. Si l'on n'était jamais venu dans la cuisine à cette heure de la journée, on aurait pu croire que Dilw venait régulièrement partager le repas. Malgré tout, les domestiques faisait attention à respecter les règles de vigueur - ce que le jeune homme ne remarquait pas, bien entendu.
    N'ayant plus d'appétit, il se leva, imité par les domestiques qui s'inclinèrent en guise de salutation lorsqu'il sortit de la salle. Il était maintenant temps d'aller voir sa s¿ur. Alors qu'il venait de frapper à la porte de sa chambre, comme l'usage le nécessitait, la femme de chambre de la jeune femme ouvrit.
    « - Je vous prie, entrez. La princesse ne vous attendait pas si tôt et termine de se préparer, lui dit-elle.
    Si vous voulez bien vous assoir en attendant qu'elle ait terminé.»
    Dilw s'installa dans le confortable siège que lui avait indiqué la femme. Alors qu'il attendait, il remarqua que les tableaux de la reine, décédée plusieurs années auparavant, avaient été enlevés. La dernière fois qu'il était venu datait d'avant le départ de sa s¿ur, mais il était persuadé qu'ils étaient restés ici tout ce temps.
  4. Wild
    Sa relation avec son père ne s'était pas arrangée depuis. Pour autant qu'il lui en était possible, le prince ne se présentait plus à ses cours. Au lieu de cela, il passait ses journées en dehors de la ville, tantôt en haut d'une colline, tantôt dans une clairière qu'il avait trouvée par hasard, laissant divaguer son esprit. De fait, son père et lui en étaient venus à ne plus s'adresser la parole que pour se disputer. Malgré tout, ces trois années s'étaient écoulées rapidement, et Dilw avait hâte que sa s¿ur revienne et occupe l'attention de leur père.
    On aurait pu croire que le retour de la princesse serait une source d'effervescence au château. Pourtant le roi avait interdit que son retour devienne un quelconque évènement. Selon ses propres mots, sa fille devrait être accueillie comme si elle rentrait d'une promenade. Au château, certaines personnes commençaient à se demander s'il n'avait pas perdu une partie de sa raison. D'autres, beaucoup plus perspicaces, pensaient que le roi était simplement jaloux du traité qui avait été signé avec Fromur grâce à la princesse. Pendant dix-sept ans il avait fait de son mieux pour arriver à un accord avec ce pays, sans aucun résultat. Et sa fille, en quelques années avait réussi là où lui avait échoué. Non seulement Fromur était prêt à ouvrir un second front défensif contre Kaidô, mais si le roi décidait d'attaquer, Fromur utiliserait ses forces pour prendre le pays en étau. Autrement dit, Kaidô ne pouvait plus ni attaquer ni se défendre.
    Mais tout cela n'avait aucun intérêt pour Dilw. Même si la tâche de gouverner Sour lui reviendrait un jour, la seule chose qui le préoccupait était de devenir conteur itinérant. L'envie de voyager était de plus en plus pressant, si bien qu'il avait commencé à partir de plus en plus loin du château, s'éloignant parfois pour plusieurs jours. Lorsque le retour de sa s¿ur avait été annoncé, il avait commencé à revenir plus régulièrement.
    La princesse était arrivée un mois après. Bien que fatiguée par le voyage, elle avait tenu à se mettre à table, en compagnie de son père. Impatient de revoir sa s¿ur à qui il avait beaucoup de questions à poser, il l'avait accueillie devant les portes du château et s'était retrouvé à la table de son père avant de s'en rendre compte. Sirap avait commencé à lui expliquer les différences entre les deux pays, mais s'était tue en présence de leur père. Ce n'est qu'une fois le repas terminé, alors que tous allaient se lever de table que la princesse pris la parole.
    « - Je ne m'attendais pas à être reçue beaucoup mieux, mais l'annonce que j'ai à faire nécessite de respecter les¿
    - Je sais parfaitement de quoi tu parles ! Et tu te doutes que je ne suis pas d'accord, coupa le roi.
    - Alors je ferais sans ton avis ! J'ai pris ma décision, et de toute évidence toi aussi !»
    Le prince avait cessé d'écouter la conversation. Il n'avait aucune idée de ce dont il s'agissait, et tant qu'il aurait l'occasion de discuter avec sa s¿ur, ce sujet ne l'intéressait pas.
    Alors qu'il allait se lever, la princesse rétorqua à son père quelque chose qui attira son attention :
    « - Dilw va bientôt partir. J'imagine que tu ne sais même pas à quel point voyager l'attire. Je le sais, et pourtant je n'ai discuté que quelques heures avec lui. Que crois-tu qu'il va advenir de ce pays dans de telles conditions ?
    - Je gère Sour et tout se passera bien. »
    Le roi semblait sûr de lui.
    « Si tu veux fuir tes responsabilités, je ne te retiendrais pas. De toute façon, Il ne me décevra pas, lui ! »
    A ces mots, la princesse se leva, rétorqua simplement qu'elle n'attendait rien de mieux de son père et quitta la salle, suivie quelques secondes plus tard par son frère.
  5. Wild
    Contrairement à ce que Gol avait imaginé, le jeune prince avait sur lui tout juste de quoi payer quelques verres. Aurait-il pensé à prendre de l'argent, l'adolescent n'aurait pas pris le temps de faire un détour. L'étranger avait suscité en lui une telle curiosité qu'il n'avait eu qu'une idée en tête: retourner le plus rapidement possible à l'auberge où l'attendait le conteur. Lorsque le jeune homme était entré en trombe dans le bâtiment, les yeux de toutes les personnes présentes s'étaient tournés vers lui¿ le temps de vérifier qu'aucun danger ne menaçait leurs victuailles. Après avoir fermé la porte, il s'était rendu à la table de l'artiste et s'était assis en face de lui.
    « Excusez-moi pour l'attente. L'écurie se trouve au château, et n'est pas toute proche, commença le jeune homme, d'un air sincèrement désolé.
    - Vous êtes du château ?
    - Oui, oui. Mais parlez moi plutôt de vous. D'où venez vous ? Pourquoi voyagez-vous ? Comment vous vous appelez ? C'était quoi, cette histoire tout à l'heure ?
    - Ho là ! Le coupa l'étranger, légèrement amusé. Attendez donc que je réponde avant de me lancer toutes vos questions à la tête comme ça ! Ce sera plus simple si je commence par me présenter. Je m'appelle Gol, et je viens d'un pays lointain. En fait, j'ai traversé trois ou quatre pays avant d'arriver ici. Je ne sais pas si vous connaissez le pays d'Ataquine ? »
    Après avoir réfléchi un instant, le prince acquiesça:
    « - Oui, c'est bien au sud d'ici. Pourquoi venir ici, aussi loin de votre patrie ?
    - La raison est simple, mais je ne sais pas si vous la comprendrez. Avez-vous déjà voyagé ? »
    Surpris par la question, Dilw ne répondit pas tout de suite :
    « - Euh, non¿
    - Vous devriez alors ! Le monde qui s'étend au delà de ces murs est bien plus vaste et surprenant que vous ne pourriez l'imaginer. On peut dire que je voyage pour voyager. Découvrir le monde, les gens, faire des rencontres, tout cela est une expérience unique ! »
    Il parlait avec une telle ferveur que l'intérêt du prince pour cet homme n'avait de cesse d'augmenter.
    « - Et donc vous voyagez de ville en ville, en racontant des histoires comme celle de tout à l'heure ? »
    Alors que le jeune homme posait cette question, son interlocuteur s'était tourné vers le taulier et avait commandé une autre pinte.
    « - Si vous souhaitez continuer la discussion, je vais avoir besoin de boire, sinon ma gorge va se dessécher. ÿtant donné que c'est votre faute, j'espère que vous m'offrirez cette boisson ? »
    Pris de court, Dilw ne put qu'acquiescer. Lorsque le patron vînt servir la pinte, il s'adressa au garçon:
    « Eh ! Pour rester ici, va falloir commander un truc ! »
    Après avoir commandé un lait de chèvre et payé les deux commandes, il reprit la discussion:
    « - Donc, vous racontiez une histoire tout à l'heure. ÿa vous permet de vivre confortablement ?
    - Oh non, pas tant que ça ! Mais avec tout le temps que j'ai lorsque je voyage, je peux bien travailler mes récits. D'ailleurs, je connais aussi des poèmes, des ballades, des légendes¿ Vous voulez que je vous récite quelque chose ? »
    Voilà, le moment crucial était arrivé. Il n'aimait pas négocier avec des jeunes, car pas assez intéressés par les récits ; ou bien fauchés comme les blés.
    « - Si cela ne vous dérange pas, répondit le prince.
    - Bien sûr que non¿ tant que tu comprends que c'est mon métier, et que je ne le ferais pas gratuitement, précisa le conteur. »
    Même s'il ne s'était pas attendu à ce qu'on lui demande de l'argent, le jeune homme, qui n'aimait pas le ton condescendant de son interlocuteur, rétorqua :
    « - Si vous estimez qu'une simple pinte offerte vous permet de me tutoyer, alors ça doit être un paiement suffisant pour quelques histoires ! »
    Pour seule réponse, l'artiste se mit à rire. Généralement, les personnes avec qui il discutait, en plus d'être rares, ne se formalisaient pas lorsqu'il les tutoyait. Plus que cela même, les personnes essayaient d'entrer dans ses bonnes grâces pour avoir droit à des chansons gratuitement. Tout cela l'ennuyait à mourir ; aussi, même si le tutoiement était sorti tout seul - il n'avait pas l'habitude du vouvoiement - la réaction du jeune homme lui avait plu. C'est avec un grand sourire qu'il lui répondit:
    « - Je t'aime bien, toi ! T'as de la répartie ; et crois moi, c'est pas donné à tout le monde ! Voilà ce que je te propose: ce soir, on discute tant que tu veux, et je paye mes boissons. En contrepartie, entre nous, plus de vouvoiement ! ÿa marche ? »
    Bien content d'être apprécié par le voyageur, le prince acquiesça.
  6. Wild
    Le retour de sa s¿ur avait été annoncé quelques jours auparavant. Même s'il ne l'appréciait pas outre mesure, c'était une bonne nouvelle pour Dilw. Avec un peu de chance, le roi, son père, serait peut-être trop occupé à s'engueuler avec sa fille pour lui montrer de l'affection - pour autant que l'on puisse considérer brimades et autres critiques comme une preuve d'affection. Rien de ce que faisait Dilw ne semblait être au goût de son père ; et rien de ce que souhaitait le roi ne plaisait au jeune homme. Et ça ne s'était pas arrangé lorsque sa s¿ur était partie en tant qu'apprentie ambassadrice dans le lointain pays de Fromur, cinq ans auparavant.
    Dilw était alors âgé de quatorze ans et ne trouvait aucun intérêt que ce soit dans les cours d'étiquette, ceux de la guerre, ou encore dans la diplomatie. Faute de savoir quoi faire, il faisait acte de présence, mais ses éducateurs n'hésitaient pas à insister sur le manque d'investissement du prince lors de leurs comptes-rendus au roi ; manque d'investissement qui était, d'ailleurs, bien dommage selon eux, car il était de loin beaucoup plus doué que sa s¿ur. Malheureusement, son père souhaitait exploiter au maximum le potentiel de son fils pour en faire, un jour, son successeur. Ce ne fut qu'après ses seize ans qu'il s'investit dans une activité. Alors qu'il pensait avoir enfin autre chose que des critiques de la part de son géniteur, il fut déçu. La poésie et, plus généralement, tout ce qui était lié à l'écriture devrait être laissé aux conteurs et autres rêveurs. Selon son père, il ne s'agissait pas d'une chose dont un prince devrait se préoccuper.
    ÿ douceur de la nuit
    Qui dans le vent se reflète
    S'éveille lorsque le soleil fuit
    Et au matin s'émiette
    ÿ miel que nul ne suspecte
    Sur les lèvres répandu
    Tel un étrange insecte
    Au matin disparu
    Dilw avait eu droit aux félicitations de Gol, le conteur avec qui il s'était lié d'amitié, après lui avoir récité ces vers qu'il avait lui-même créé. Il avait même ajouté qu'il avait du talent ! Pourtant, il s'était pris une correction dont il se souviendrait encore dans plusieurs années lorsqu'il en avait fait part à son père. Il avait rencontré l'artiste alors qu'il rentrait d'une leçon d'équitation, à l'extérieur des murs de la capitale. Il se dirigeait vers l'écurie, lorsqu'il avait vu un attroupement non loin d'une auberge. Le fait étant rare, il s'était autorisé un léger détour pour en comprendre la raison.
    Un homme d'un peu moins de 30 ans, arborant une barbe de quelques semaines, racontait comment un héros avait réussi à sauver un peuple en proie à la famine. Vêtu d'une vieille chemise délavée, cachée sous une veste en cuir assortie à un pantalon et des chausses noires de poussière, il était difficile de douter qu'il était un voyageur. Sa peau participait particulièrement à appuyer ce constat : même si le climat de la capitale conférait aux paysans une peau mat, la sienne avait était tellement tannée par le soleil que Dilw n'avait jamais imaginé une peau aussi bronzée. L'image exotique qu'il dégageait participait à la fascination que le jeune prince subissait. Mais ce qui l'impressionnait le plus était l'effet qu'avait le conteur sur le public ; si bien qu'il lui demanda de l'attendre dans l'auberge d'à coté, une fois l'histoire terminée, les dons ramassés et les généreux donateurs partis. Peu enclin à discuter avec des étrangers, le voyageur accepta rapidement après avoir compris qu'il pourrait récupérer encore un peu d'argent facilement. C'est donc en buvant une pinte et en pensant aux pièces qu'il allait récolter qu'il patienta. Le jeune prince, quant à lui, renversa une demi-dizaine de personnes en retournant à l'écurie aussi rapidement qu'il lui était possible en pleine ville, et en bouscula presque autant sur le chemin de l'auberge.
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