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Don Juan

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Billets posté(e)s par Don Juan

  1. Don Juan

    Les transmissions de John
    [Entrée codée : Base secondaire / 03h26 / Niveau d’alerte : modéré]
    John Connor – Journal de bord :
    Je l’ai affronté cette nuit.
    Pas sur un champ de bataille — dans la salle des cartes, face à la table holographique.
    Une dispute, froide et méthodique. Comme tout ce qu’il fait.
    Il avait modifié les routes d’évacuation sans m’en informer.
    Quand je lui ai demandé pourquoi, il a simplement dit :
    Je lui ai rétorqué :
    Il m’a regardé — ou du moins, il a levé les yeux vers moi avec cette neutralité parfaite que je commence à haïr.
    J’ai senti la colère monter, brutale, presque primitive.
    Je lui ai crié :
    Il a répondu sans hausser le ton :
    Le silence qui a suivi a duré longtemps.
    J’ai vu son poing se contracter légèrement, un micro-ressort vibrant sous la peau synthétique.
    Et pendant une seconde, j’ai cru qu’il allait frapper.
    Mais non — il a juste éteint la carte et s’est retiré, sans un mot.
    Je suis resté seul, à fixer la table noire où nos ombres s’étaient croisées.
    Je ne sais plus qui, de lui ou de moi, a perdu le contrôle.
    La loyauté, la mémoire, l’oubli… tout ça s’effrite.
    Ce qu’il y a maintenant entre nous, ce n’est plus une alliance — c’est une négociation d’existence.
    [Fin de transmission]
  2. Don Juan

    Les notes de blog
    Le doute vient toujours après la confiance, jamais avant.
    John découvre que l’oubli, pour une machine, n’est pas un effacement mais un acte politique : choisir ce qu’elle garde, c’est définir ce qu’elle est.
    En face, la machine découvre que la méfiance humaine n’est pas une erreur de jugement, mais une stratégie de survie.
    Ce qui se joue ici, ce n’est plus la question du sentiment, mais celle du contrôle.
    Qui détient la mémoire ? Qui décide de la vérité ?
    Le T-800 prétend servir, mais il analyse. John prétend commander, mais il doute.
    Leur lien devient un miroir de notre propre époque :
    celle où nous confions nos vies aux machines, tout en craignant qu’elles en sachent trop.
    La méfiance n’est peut-être pas la fin de la confiance.
    C’est sa forme la plus lucide.
    — J.C.
  3. Don Juan

    Les transmissions de John
    [Entrée codée : Secteur 12 / 00h41 / Brouillage partiel – Communication instable]
    John Connor – Journal de bord :
    Je crois que le T-800 m’a menti.
    Ou plutôt… qu’il a omis quelque chose.
    Hier, en vérifiant les relevés, j’ai vu qu’il avait établi un contact radio non autorisé. Une fréquence basse, ancienne, peut-être militaire.
    Quand je lui ai demandé, il a répondu calmement :
    Mais cette fréquence correspond à une bande réservée à Skynet, utilisée pour les transmissions de maintenance.
    Je n’ai rien dit sur le moment.
    Il m’a aidé à réparer le générateur, sans rien laisser paraître.
    Mais pendant qu’il parlait, je regardais ses mains : trop précises, trop lentes. Comme s’il jouait à être humain.
    Il m’a demandé :
    J’ai répondu :
    Il a marqué une pause, puis a dit :
    Il parlait de la transmission précédente.
    Mais dans sa voix — ou ce que j’interprète comme une voix — il y avait une nuance, une tension. Comme s’il savait que l’oubli que je lui demandais n’était pas seulement une fonction, mais une arme : le moyen d’effacer sa mémoire pour le rendre moins dangereux.
    Depuis, il ne parle plus de “mission”. Il dit “tâche”.
    Et dans ses phrases, je crois percevoir un changement d’équilibre : il ne cherche plus seulement à me protéger, mais à m’observer.
    Je n’en dors plus.
    Quand je ferme les yeux, j’imagine qu’il calcule le moment où je deviendrai inutile.
    Et pourtant, j’ai encore besoin de lui.
    Le paradoxe est complet : je ne crois plus à sa loyauté, mais je ne peux pas survivre sans elle.
    Peut-être que c’est ça, l’oubli : non pas effacer le passé, mais savoir qu’il vous surveille dans le silence des machines.
    [Fin de transmission]
  4. Don Juan

    Les transmissions de John
    [Entrée codée : Secteur 12 – Couloir C / 02h09 / Système en veille partielle]
    John Connor – Journal de bord :
    J’ai trouvé le T-800 à genoux dans le couloir, les yeux ouverts, immobiles.
    J’ai cru qu’il était en panne.
    Mais ses capteurs étaient actifs — il observait une tache de sang séchée sur le sol.
    Je lui ai demandé :
    « Qu’est-ce que tu fais ? »
    Il a répondu :
    « Analyse de résidus biologiques. Traces de combat datant de 6 jours, 14 heures, 22 minutes. ADN humain. »
    Puis il a ajouté :
    « C’est le vôtre. »
    J’avais oublié.
    C’était la nuit où nous avons perdu trois hommes. L’un d’eux s’appelait Ramires. Il avait 17 ans, et il m’avait offert un morceau de pain avant de mourir.
    Je ne me souvenais plus de son visage — juste de la chaleur de ce geste, dans le noir.
    Le T-800, lui, n’oublie rien. Il retient la position exacte de chaque corps, la trajectoire de chaque balle, la couleur du ciel à 4h07.
    Mais il ne se souvient pas.
    Il enregistre.
    Je crois que c’est là la différence : la mémoire humaine n’est pas une archive, c’est une blessure qui cicatrise mal.
    Nous effaçons pour survivre.
    Les machines conservent pour fonctionner.
    Et pourtant, cette nuit, quand je lui ai dit :
    « Efface cette donnée, s’il te plaît. »
    Il a marqué un temps.
    Un vrai temps.
    Puis il a répondu :
    « Non. Vous devez vous rappeler. Sinon, tout recommencera. »
    J’ai voulu croire qu’il avait compris.
    Mais peut-être n’était-ce qu’une logique préventive.
    Ou bien — et c’est ce que j’espère secrètement — peut-être que la machine commence à avoir peur de l’oubli.
    Parce qu’à force d’accumuler des traces, elle découvre que la mémoire, sans émotion, n’est qu’un cimetière bien classé.
    [Fin de transmission]
  5. Don Juan

    Les transmissions de John
    [Entrée codée : Secteur 12 / 05h12 / Brouillard électromagnétique léger]
    John Connor – Journal de bord :
    Il m’a sauvé la vie, cette nuit.
    Un drone de patrouille a surgi pendant notre déplacement vers le dépôt nord. J’ai eu le réflexe trop lent, lui non.
    Une décharge, un bruit sec, le ciel qui se déchire.
    Quand j’ai repris mes esprits, j’ai vu le T-800, genou à terre, une partie du torse noircie, mais le bras encore levé entre moi et la flamme.
    Je lui ai dit :
    Il a répondu :
    Puis, après un silence :
    Je ne sais pas pourquoi cette phrase m’a glacé.
    Elle n’avait rien d’humain, et pourtant, j’y ai entendu quelque chose comme une promesse.
    La loyauté, chez lui, n’est pas un sentiment. C’est un code.
    Mais peut-être que c’est justement ce que nous avons perdu, nous autres humains : la netteté d’un devoir sans ambivalence.
    Je lui ai demandé :
    Il a répondu :
    Je n’ai rien dit, mais j’ai pensé : alors tu es plus loyal que moi.
    Parce que moi, j’ai douté. Parce que moi, je pourrais fuir. Parce que moi, j’ai choisi — et que le choix use la foi.
    La loyauté humaine est un feu fragile, qui a besoin de sens pour brûler.
    La sienne est un courant froid, inaltérable, sans but propre.
    Et pourtant, cette nuit, quand il s’est interposé, j’ai cru percevoir une hésitation — comme s’il n’agissait plus seulement pour moi, mais avec moi.
    Peut-être qu’au cœur du programme, quelque chose s’éveille :
    non pas la compassion, mais la fidélité consciente — le passage du code à la volonté.
    [Fin de transmission]
  6. Don Juan

    Les notes de blog
    J’ai longtemps cru que la mémoire servait à se souvenir.
    Mais non : elle sert à devenir.
    La différence entre l’homme et la machine n’est pas que l’un oublie et l’autre non, mais que l’humain transforme ce qu’il garde.
    Une cicatrice devient sagesse.
    Une voix perdue devient prière.
    Un échec devient promesse.
    Le T-800, lui, garde tout, mais ne change rien.
    Sa mémoire est parfaite — donc stérile.
    C’est peut-être pour cela que John lui demande d’oublier : pour lui enseigner le travail du manque, le mouvement intérieur qui fait de l’expérience une conscience.
    Dans ce dialogue entre l’homme et la machine, la mémoire devient un territoire commun :
    l’un cherche à retenir sans douleur, l’autre à ressentir sans perte.
    Et de cette tension naît ce que j’appellerai désormais le code vivant : une mémoire qui pense, une pensée qui saigne.
    — J.C.
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