tison2feu
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« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Les traductions devraient être accompagnées de notes explicatives et justificatives. Cela semble indispensable à plus forte raison lorsque le traducteur travaille sur deux langues se faisant écho de représentations du monde parfois diamétralement opposées. Voici par exemple un poème bouleversant de Chen Zi-ang, poète chinois des Tang (VIIIe s.) : Traduction mot à mot par François Cheng (L’Ecriture poétique chinoise) 登幽州臺歌 Du haut de la terrasse de You-zhou 陳子昂 Chen Zi-ang 前不見古人, Devant ne pas voir / homme ancien 後不見來者。 Derrière ne pas voir / homme à venir 念天地之悠悠, Penser ciel-terre / lointain-lointain 獨愴然而涕下。 Seul affligé / fondre en larmes Traduction réajustée : Du haut de la terrasse de You-zhou Derrière, je ne vois pas l'homme passé Devant, je ne vois pas l'homme à venir (1) Songeant au ciel-terre vaste et sans fin Solitaire, amer, je fonds en larmes. (1) Note de F. Cheng : Le lecteur aura remarqué que, par rapport au mot à mot, nous avons inversé l’ordre de « devant » et de « derrière », cela pour être conforme à la vision d’un homme occidental. Celui-ci voit en effet l’homme passé derrière soi et l’homme à venir devant soi. L’homme chinois, lui, se place d’instinct dans la grande lignée humaine ; ainsi, il voit ceux qui l’ont précédé devant soi et il se voit entrainer derrière soi ceux qui vont venir. Par cette note, nous faisons donc part d’une de nos réflexions sur la traduction : comment réajuster la conception du temps, de l’espace et du rapport aux choses lorsqu’on passe d’une langue à l’autre. -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Merci pour la présentation de cette double traduction qui permet de noter les limites de toute traduction tant sur le fond que sur la forme. Sur le fond, le simple fait de déplacer l'ordre des objets décrits me semble trahir la volonté du poète. Par exemple, A. Belamich juge bon de traduire le 3e vers Jaca negra, luna grande par "Lune grande, jument noire". Or, Lorca semble faire d'abord un gros plan sur la jument (comme pour attirer notre attention), et ce dans chaque quatrain, parce qu'il s'agit d'un élément fixe, d'un point de repère invariable, contrairement à la lune qui, elle, va changer de couleur au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Cordoue. Sur la forme, la traduction est ici une perte inestimable puisque ce poème est assonancé à la fin de chaque vers pair. Non seulement, l'assonance régulière O-A évoque la cadence adoptée et conservée courageusement par la jument en dépit de la longueur du trajet. Mais par surcroît, il ne fait aucun doute que c'est la ville de destination, à savoir Córdoba, qui est à l'origine du choix même de cette assonance en O-A : CÓRDOBA (C'est le premier Ó portant l'accent tonique qui prime sur le O suivant). Assonance O-A dans les mots suivants : sola / alforja / Córdoba / roja / Córdoba / valerosa / Córdoba /sola -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
PS : Il fallait lire "rime assonancée", et non "rythme assonancée"... -
Ce verbe provençal pousqué ("pouvoir") pourrait peut-être provenir d'une forme latine ancienne *pot-se > posse "pouvoir". Le latin pot-se ayant pu apparaître comme étant imprononçable dans la bouche d'un Provençal, d'où la possible évolution *potse > posqué > pousqué. (A vérifier, bien sûr, ce type d'évolution phonétique éventuel à l'aide d'autres cas de figures qu'il conviendrait de relever en provençal).
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Oui, ce veni provençal semble bien signifier "je viens" dans la bouche de quelqu'un qui passe au présent. Pour le verbe "pouvoir", j'essaye toujours de partir du latin. Donc latin potuī = "je pus". Le provençal podiey me semble très proche du latin. La seconde forme me semble bien plus problématique. Ce pousqueri rappelle curieusement le radical du verbe latin posse signifiant "pouvoir" (verbe). Cela montre à quel point la langue était encore balbutiante à cette époque, faite de tâtonnements multiples avant de se stabiliser (Tu en sais quelque chose en parcourant les archives !). C'est particulièrement notable, comme je le disais dans mon dernier post, que j'avais modifié, au sujet des verbes les plus usuels tels que "faire", "avoir", "être", "aller", etc.
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Pour ce feron provençal ("ils firent"), pas de problème particulier et pas besoin de passer par une influence du français. Le G latin entre deux voyelles a tendance à disparaître dans toutes les langues romanes, dans un contexte précis dépendant aussi de l'accent tonique ou de la longueur de la voyelle, (ou bien à subsister, mais en étant prononcé comme un G voisé ressemblant à un R...; ou encore à évoluer en un son proche du TH anglais comme l'espagnol hicieron...). En provençal, le C intervocalique (prononcé K, et devenu G) a disparu : Latin fēcērunt > fēgērunt > fē(g)ērunt > fērun(t) > feron. Les mots les plus employés, comme le verbe "faire", "être", "avoir", "aller", etc., sont ceux qui évoluent et s'usent le plus !
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Finalement, le passé simple provençal est formé sur le parfait latin pour les 3e personnes du sg. et du pluriel. Pour les 4 autres personnes, le passé simple provençal semble formé à partir des désinences en -ERI du futur antérieur latin ! Cela peut s'expliquer en raison de la distinction très nette que faisaient les Latins entre les temps de l'infectum (imparfait, présent, futur) marquant l'action en cours, et les temps du perfectum (plus-que-parfait, parfait ou passé simple, futur antérieur) exprimant l'action achevée. Le provençal, tout comme le français et l'espagnol, ont préféré former le futur antérieur à partir du verbe AVOIR au futur + participe passé ("Ils auront payé") plutôt que d'utiliser la désinence latine en -ERI du futur antérieur latin (pacaverint = "ils auront payé"). Du coup, cette terminaison en -ERI, non utilisée pour marquer le futur antérieur, aura été récupérée par les Provençaux pour former le passé simple des 1ère et 2ème personnes du sg. et du pluriel, ce qui peut se justifier dans la mesure où futur antérieur et passé simple sont deux temps du perfectum. Perfectum latin: pacavERo (J'aurai payé) pacavi (Je payai) pacavERAm (J'avais payé) pacavERIs pacavisti pacavERAs pacavERIt pacavit pacavERAt pacavERImus pacavimus pacavERAmus pacavERItis pacavistis pacavERAtis pacavERInt pacavERUnt pacavERAnt
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Merci à toi. Je me rends compte que ce -R- est présent dans le provençal pagueRon, dans l'espagnol pagaRon, mais aussi dans le français payèRent ! Au parfait latin, seule la marque de la 3e personne du pluriel est en -ERUNT (ou ERE). Le passé simple provençal aurait-il été formé à partir de cette seule marque du pluriel latin, sauf pour la 3e personne du singulier où le provençal est quasiment identique au latin ? Parfait latin :
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Intéressante cette marque du passé simple en -éri (que l'on ne trouve pas dans l'espagnol pagué, pagaste, pagó...). Ce R de éRi est-il présent aux six personnes, ou seulement à la 1ère personne, stp ? Cela serait passionnant d'étudier l'évolution, et la singularité, de la conjugaison provençale à partir du latin, et de faire une étude comparée des différents types de conjugaison des autres langues romanes !
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
ROMANCE DE LA LUNA, LUNA (Romancero Gitano) A Conchita García Lorca La luna vino a la fragua con su polisón de nardos. El niño la mira, mira. El niño la está mirando. En el aire conmovido mueve la luna sus brazos y enseña, lúbrica y pura, sus senos de duro estaño. Huye luna, luna, luna. Si vinieran los gitanos, harían con tu corazón collares y anillos blancos. Niño, déjame que baile. Cuando vengan los gitanos, te encontrarán sobre el yunque con los ojillos cerrados. Huye luna, luna, luna, que ya siento sus caballos. Niño, déjame, no pises mi blancor almidonado. El jinete se acercaba tocando el tambor del llano. Dentro de la fragua el niño, tiene los ojos cerrados. Por el olivar venían, bronce y sueño, los gitanos. Las cabezas levantadas y los ojos entornados. Cómo canta la zumaya, ¡ay, cómo canta en el árbol! Por el cielo va la luna con un niño de la mano. Dentro de la fragua lloran, dando gritos, los gitanos. El aire la vela, vela. El aire la está velando. Chaque poème du Romancero gitano se déroule comme un court métrage où l'action dramatique a un commencement, un milieu plein de suspens, et une fin. Ici, Lorca veut créer un mythe de toutes pièces. Un enfant, se trouvant entre la vie et la mort, est attiré par la beauté de la lune, laquelle est en réalité la mort personnifiée. Séduit par tant de beauté, l'enfant touche la lune, et meut aussitôt. L'on ne peut atteindre la beauté que dans la mort. Le lieu de l'action est une forge, où les gitans exercent leur métier. Dans les "chants de la forge", qui figurent parmi les plus profonds et les plus déchirants du répertoire flamenco, s'exprime toute la souffrance qu'il soit donné à un être humain d'endurer. Le martinete est chanté a capella au rythme lent du marteau sur l'enclume. Un martinete interprété ici par le cantaor gitan Samuel Serrano : https://www.youtube.com/watch?v=-zT6nV3UKvA (A noter que le chanteur garde "la tête haute", à l'instar du cavalier gitan de Lorca). Traduction du poème par André Bellamich (Poésies, II) : Romance de la lune La lune vint à la forge avec ses volants nards. L'enfant, les yeux grands ouverts, la regarde la regarde. Dans la brise qui s'émeut, la lune bouge les bras, dévoilant, lascive et pure, ses seins blancs de dur métal. Va-t'en, lune, lune, lune. Si les gitans arrivaient, ils feraient avec ton coeur bagues blanches et colliers. Enfant, laisse-moi danser. Quand viendront les cavaliers, ils te verront sur l'enclume étendu, les yeux fermés. Va-t'en, lune, lune, lune. je les entends chevaucher. Enfant, laisse-moi, tu froisses ma blancheur amidonnée. Battant le tambour des plaines approchait le cavalier. Dans la forge silencieuse gît l'enfant, les yeux fermés. Par l'olivette venaient, bronze et rêve, les gitans, chevauchant la tête haute et le regard somnolent. Comme chante sur son arbre, comme chante la chouette ! Dans le ciel marche la lune tenant l'enfant par la main. Autour de l'enclume pleurent les gitans désespérés. La brise qui veille, veille, la brise qui fait la veillée. Ce poème a été mis en chanson par le chanteur espagnol Paco Ibañez, au timbre de voix si merveilleux ! Cette chanson, au rythme vif et marqué, contraste du tout au tout avec la lenteur du martinete ; elle met particulièrement en valeur le rythme assonancé du poème de Lorca : https://www.youtube.com/watch?v=HwJKOsY_dw0 -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
On peut noter, dans ce autre poème consacré à la soleá, la présence du mot "tierno" (tendre), que nous avions déjà rencontré dans le poème intitulé Alba, pour qualifier ce style de cante jondo plus mélancolique, en effet, et moins rude que la siguiriya. Ci-dessous une video Youtube, où la gitane María la Sabina interprète une soleá traditionnelle avec beaucoup de tendre émotion : https://www.youtube.com/watch?v=ZqxnO0QooYE -
"Le miroir précieux n'est pas matériel. Tout est rien. Tout est ku. Où donc la poussière pourrait-elle se déposer ?" (Taisen Deshimaru, La pratique du zen, p. 196)
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« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Le titre de la conférence où figure le mot "théorie" pourrait en effet induire en erreur. Chacune des conférences de Lorca est en réalité un chef-d'oeuvre de prose poétique ! Tu vas découvrir que Lorca considérait ce duende comme étant pas si éloigné du daimon d'Aristote ou même du génie selon Descartes !! -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Traduction, Poésies II, Gallimard : AUBE Cloches de Cordoue dans le petit jour. Cloches de l'aube à Grenade. Toutes les filles vous entendent, qui pleurent la tendre soleá endeuillée. Les jeunes filles de la basse et de la haute Andalousie. Les filles d'Espagne, au pied menu, aux jupes frémissantes, qui ont mis des lumières à tous les carrefours. Oh ! cloches de Cordoue dans le petit jour, et vous, cloches de l'aube à Grenade ! Sur le moment, il m'a semblé difficile de commenter ce poème, même si l'on est saisi inexplicablement par sa beauté et sa musicalité. Ce poème peut surprendre par l'absence de personnifications, de métaphores extraordinaires ou d'objets fétiches auxquels nous a habitué Lorca. Mais ce poème demeure typiquement lorquien parce qu'il est écrit avec les cinq sens et pour les cinq sens : il entre par les yeux et les oreilles. C'est merveille de voir toutes ces filles, si petites et fragiles, mettre des lumières aux carrefours de Cordoue, puis de toute l'Andalousie, puis de toute l'Espagne ! Le poète réagit comme un enfant ("Oh !") devant pareille illumination, les lumières cédant le pas à l'obscurité de la nuit suggérée par les lamentations de la soleá "endeuillée" chantée par les filles. Voilà ! Lorca, c'est le poète du merveilleux, baigné jusqu'à sa mort par les berceuses de sa tendre enfance ! Pourquoi donc cet ordre décroissant : Cordoue d'abord (haute Andalousie) puis Malaga (basse Andalousie), jusqu'au reste de l'Espagne ? Peut-être en souvenir du passé historique et culturel de l'ancienne capitale des Maures et de l'influence de la poésie arabe de l'époque dont certains thèmes vont coïncider avec le pathétisme viscéral des Andalous. Bien sûr, le lecteur peut simplement se laisser aller aux émotions que lui inspirent le poème. Mais personnellement, j'éprouve peut-être à tort le besoin de chercher aussi à comprendre, dans la mesure du possible, les motifs ayant pu guider les paroles du poète. Dans ce cas, rien de tel que d'écouter ce que le poète a pu écrire sur sa poésie. Lorca fit de nombreuses conférences sur le Cante Jondo et son architecture, le Romancero Gitano, l'image poétique de Góngora, sur les berceuses enfantines, sur la théorie et le jeu du duende. Sa conférence sur le duende est disponible en français : https://cboisnardphotographies.files.wordpress.com/2012/10/jeu-et-thc3a9orie-du-duende-traduction-avec-rc3a9fc3a9rences9.pdf -
Si tu me demandes de rechercher la page, j'ai retrouvé les premières paroles prononcées par Socrate au livre I de La République : "J'étais descendu hier au Pirée, accompagné de Glaucon, fils d'Ariston, pour faire mes prières à la déesse...". Il s'agit de la déesse Bendis, d'origine thrace, dont le culte semblerait d'introduction récente à Athènes. D'aucuns pourraient être surpris du désir de Socrate de célébrer une divinité si peu athénienne. Mais n'est-ce pas la preuve, malgré tout, que la piété de Socrate était indiscutable ?
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Veux-tu dire "recherche la page stp" ?
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Je me souviens d'un dialogue de Platon où, au tout début, Socrate venait de sortir du temple après avoir honoré les dieux. Je ne vois pas en quoi cette pratique serait opportuniste, sinon dans la bouche mensongère de ses accusateurs.
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Elements de réflexions sur la question juive
tison2feu a répondu à un(e) sujet de aliochaverkiev dans Philosophie
Voilà qui semble bien plus fouillé par rapport à l'une des analyses précédentes qui prenait comme point de départ la période des Wisigoths en Espagne, sans tenir compte de réalités plus anciennes qu'il convenait de rappeler. Comme ce travail a l'inconvénient malgré tout de ne jamais être référencé, je me permets de mentionner au moins le nom de Capucine Nemo-Pekelman dont les recherches portent principalement sur l’histoire juridique des juifs aux époques tardo-antique et médiévale. Elle est l'auteure d'une étude très détaillée intitulé "Le législateur chrétien a-t-il persécuté les juifs ? : Empire romain, IVe-Ve siècles" (25 p. 2012), où elle commence d'abord par s'interroger sur les conditions dans lesquelles on peut parler à bon droit d’une législation persécutrice. Disponible gratuitement : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00711056/document -
A tes yeux, le sentiment qu'ait pu expérimenter Socrate à propos de la mort serait celui de curiosité, vérifiable dans la phrase rappelée par toi : "Si c'est un sommeil, c'est un bonheur. Si c'est un passage dans un autre lieu, où l'on doit rencontrer les héros des temps passés, quel plaisir ce sera de converser avec eux !". Lorsque le Stagirite tient ce raisonnement, c'est seulement pour démontrer que dans les deux cas la mort est un bien. Mais considérer que Socrate exprimerait ici un sentiment de curiosité, c'est prendre le risque de détourner complètement l'esprit de ce raisonnement en imaginant que notre philosophe ne serait au final qu'un agnostique curieux de savoir si la mort est un passage dans un autre lieu ou rien de plus qu'un sommeil. Admettre un seul instant que Socrate puisse accorder quelque crédit à l'hypothèse de la mort-sommeil, c'est admettre par voie de conséquence que notre philosophe aurait alors toutes les raisons de douter de l'existence de cette voix divine qui l'a habitée durant toute sa vie. Ce qui est impensable et faux : jusqu'à sa mort son daimon lui inspire plus que jamais la voie qu'il convient de suivre. S'il est bien un sentiment qui semble dominer chez Socrate, notamment à la fin du procès, c'est sa sérénité d'esprit. Mais nous savons qu'il s'agit ici d'un portrait dressé par Platon, sans qu'il soit possible de connaître totalement les sentiments qui ont bien pu traverser Socrate le jour de sa mort.
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« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
"Puñal" fait partie des poèmes intitulés "Poème de la soleá", la soleá étant, avec la siguiriya, le style flamenco le plus profond. Traduction par André Belamich (Poésies II, Gallimard) : Poignard Le poignard entre dans le coeur, comme un soc de charrue dans le désert. Non. Ne le cloue pas dans ma chair. Non. Le poignard, comme un rais de soleil, incendie les terribles profondeurs. Non. Ne le cloue pas dans ma chair. Non. -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Et puis la tarentule évoque aussi la tarentelle, danse endiablée de Naples ; l'agitation provoquée par le tarentisme n'est pas sans rappeler ce fameux duende ou état second dont nous avons parlé supra. "Las seis cuerdas" fait partie d'un ensemble de poèmes intitulé "Graphique de la petenera", la petenera faisant également partie du répertoire des chants flamencos les plus profonds. A noter qu'en espagnol, la rosace (de la guitare) se dit la boca de la guitarra. * * * Un autre poème consacré à la guitare : Adivinanza de la guitarra-Seis caprichos En la redonda encrucijada, seis doncellas bailan. Tres de carne y tres de plata. Los sueños de ayer las buscan pero las tiene abrazadas, un Polifemo de oro. ¡La guitarra! Devinette de la guitare-Six caprices Au carrefour rond, six vierges dansent. Trois de chair et trois d'argent. Les rêves d'hier les cherchent mais ils les tiennent enlacées, Polyphème d'or. La guitare ! -
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
J'imagine que la girouette fait partie chez Lorca de ces objets symboliques qui, comme la guitare d'ailleurs, anime le coeur du poète en maintenant une tension du mouvement qui seul permet de ressentir dans sa totalité la plénitude du monde. C'est ce qui fait se mouvoir son coeur et sa chair au plus profond de lui-même. La girouette tourne les pages du livre du temps, et rien ne doit être fixé, conceptualisé, systématisé. La girouette doit faire tourner son coeur jusqu'à le conduire au temps de la création poétique, laquelle permet de recréer l'intensité d'expériences passées et la profondeur de sentiments fluctuants. Ce thème de la girouette est abordé dans deux des poèmes de jeunesse de Lorca intitulés "Girouette" et "La girouette tombée". http://espacesinstants.blog.tdg.ch/tag/girouette Dans "La girouette tombée" (ou "La girouette gisante"), le poète se différencie d'une part, puis s'identifie à la girouette : https://ciudadseva.com/texto/la-veleta-yacente/ -
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Juste un petite réflexion supplémentaire à propos de l'interprétation possible à donner à propos de ces "cinq épées"qui blessent à mort la guitare. Je comprends ton raisonnement consistant à identifier ces épées / poignards avec les 5 cordes de la guitare (des années antérieures à 1800) par analogie avec le thème du poème "Le rossignol andalou". Les cordes étant un symbole mortifère. Mais cela pose problème parce que dans tous les poèmes où Lorca évoque la guitare flamenco, il s'agit d'un instrument à 6 cordes (Cf. les poèmes "Las seis cuerdas", "En el huerto de la petenera", "Adivinanza de la guitarra-Seis caprichos"). Voilà pourquoi je propose une autre interprétation : ces 5 épées symboliseraient en fait les 5 doigts de la main droite du guitariste qui "blessent", au propre et au figuré, le coeur même de la guitare, surtout lorsque l'on sait avec quelle violence sont exécutées la plupart des techniques flamencas (rasgueo, golpe, picado, alzapúa, etc. que l'on peut vérifier en écoutant le début de la video ci-dessus). * * * Afin de montrer à quel point il est impossible de dissocier Lorca de son amour pour la guitare flamenca, voici un poème "Memento" (Poema del Cante Jondo) : Cuando yo me muera, enterradme con mi guitarra bajo la arena. Cuando yo me muera, entre los naranjos y la hierbabuena. Cuando yo me muera, enterradme si queréis en una veleta. ¡Cuando yo me muera! ("Quand je mourrai, enterrez moi avec ma guitare sous le sable. Quand je mourrai, parmi les orangers et la menthe. Quand je mourrai, enterrez moi, si vous le voulez, dans une girouette. Quand je mourrai !") -
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Il s'agit non pas de M. Machado mais du philosophe et recteur de l'Université de Salamanque Miguel de Unamuno qui, d'abord favorable au mouvement phalangiste, a fini par prendre en horreur la tournure des évènements durant la guerre civile espagnole : Il répondit au "Viva la muerte" franquiste lancé au fond de l'amphithéatre de l'Université par ces mots : "Cette université est le temple de l’intelligence. Et je suis son grand prêtre. C’est vous qui profanez cette enceinte sacrée. Vous vaincrez parce que vous possédez plus de force brutale qu’il n’en faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre, il faudrait que vous ayez des arguments. Or, pour cela, il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la Raison et le Droit avec vous. Je considère comme inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai terminé." http://www.lafauteadiderot.net/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=543 -
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tison2feu a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Littérature
Bonsoir, Lorca avait un rapport fusionnel avec le monde gitan et c'était un très grand connaisseur de la musique gitano-andalouse. Ce poème est une évocation de l'un des styles les plus profonds, sinon le plus plus profond du chant flamenco : la siguiriya ("chant profond" = cante jondo). De nombreuses techniques de la guitare flamenca, sur lesquelles je ne peux m'étendre, sont ainsi suggérées afin de créer une ambiance que seuls peuvent vivre les amateurs éclairés (aficionados) en atteignant une sorte d'état second (el duende). Sous cet éclairage musical, voici quelques éléments relatifs à la traduction en français : Se rompen las copas / de la madrugada = "Voilà que se brisent les coupes / du petit jour". Lors de soirées flamencas, tout débute par des chants plutôt légers et festifs, et ce n'est que vers deux ou trois heures du matin, voire plus tard à l'aube, que tous les participants chantent et jouent des styles très profonds, dont la siguiriya. Le silence du petit jour est brisé véritablement par le pleur lancinant, répétitif, de la guitare. Es inútil callarla = "Il est inutile de la faire taire". La répétition de ces deux vers suggère le leitmotiv du rythme (compás) qui se répète de façon continue tous les douze temps de la mesure. Corazón malherido / por cinco espadas = "Coeur blessé à mort / par cinq épées". Nouvelle allusion au jeu du guitariste : "jouer de la guitare" se dit en espagnol : tocar la guitarra ou herir la guitarra (littéralement "blesser la guitare"). Malherir = "blesser à mort". Pour se faire une idée précise de ce style de musique envoûtante, voici les sons noirs (sonidos negros) d'une siguiriya (à la guitare, l'excellent El Perla, au style sobre et très incisif, au chant Rancapino Chico) :
