Criterium

J'ai lu Vampir de Hanns Heins Ewers. C'est un roman assez particulier. L'histoire de son écriture vaut elle-même le détour ; l'auteur étant un immigré allemand au début du XXe aux états-Unis, frappé d'interdiction d'écrire et de publier, le manuscrit a dû être détruit plusieurs fois in extremis, parfois par des amis. Il mériterait de figurer parmi les Livres maudits ¿ d'ailleurs, peut-être que Bergier en parle. Le personnage principal, Frank Braun, est un avatar d'Ewers, une sorte d'espion allemand aux états-Unis, docteur ès droit cynique et contradictoire, avec un fort penchant pour la manipulation. Le livre ne passait pas bien en Allemagne non plus, comme il y est écrit que le peuple élu, pour Ewers, n'est ni vraiment le peuple allemand ni vraiment le peuple juif, mais spécifiquement les juifs allemands ¿ une idée qui ne devait pas avoir la côté à la fin des années 20... Ce roman est celui dans lequel l'aspect autobiographique Frank Braun/Ewers est le plus évident, une véritable invitation à relire la biographie (assez fascinante) d'Ewers. Sinon, c'est bien écrit, et cela diffère de l'autre roman que j'avais lu dans lequel intervient Frank Braun : L'apprenti sorcier. Vampir est mieux écrit, au niveau du style, et un peu moins choquant/édifiant, au niveau des anecdotes semées çà et là ; et pourtant, il y en a. Petit clins d'¿il à toutes les perversions, cela reste un roman qui marque au fer rouge. Quant à l'histoire elle-même, elle diffère énormément des habituelles histoires de vampire ; ce n'est qu'un sujet en trame de fond, et ce vampirisme est psychologique. La quatrième de couverte prévenait déjà : du fait de ce réalisme, l'effet dérangeant du roman est exacerbé. Ce n'est en rien un roman fantastique ; c'est un hybride politique/drame/tranches de vie/voyages/etc. ¿ inclassable. J'ai bien aimé. :blush:

J'ai honte, mea culpa. Je vais me racheter en te recommandant les nouvelles de Dostoïevski également, par exemple Le Double ou Les Nuits Blanches qui sont d'absolument savoureux récits ¿ impossible de ne pas ressentir les humiliations du personnage principal de la première nouvelle en même temps que lui les éprouve, de ne pas frissonner devant le cynisme de la seconde ¿ un auteur qui est sympathique au sens étymologique du terme.

Personnellement, je le trouve excellent, comme d'ailleurs tout ce que j'ai pu lire de Dostoïevsky pour le moment. Je l'avais lu jeune, il y a longtemps, et les souvenirs me restent ; la longueur du livre n'est pas rebutante, et tout se lit de façon très fluide. Il faut dire aussi que cet auteur a un certain don pour nous faire ressentir les personnages (tu te souviendras longtemps de Raskolnikov). Souvent, ce qui gêne dans la littérature russe, ce sont les profusions de noms imprononçables et impossibles à mémoriser. Pour ma part, cela m'a parfois gêné, par exemple chez Boulgakov, mais jamais chez Dostoïevsky. Je serais curieux de lire l'avis de Rhadamanthe ; moi, en tout cas, je te recommande ce livre. :blush:

Luce, excellent choix! C'est l'un (certains disent le) chef-d'¿uvre de la littérature russe du XXe. Les zestes d'humour et d'absurde déposés çà et là dans le livre, et les passages avec Ponce Pilate également, sont truculents. Oh, et tu apprécieras d'autant plus sieur Woland si tu as lu ou des souvenirs du Faust de G¿the. J'ai appris récemment que le frère de cet écrivain était un grand scientifique ayant travaillé à l'Institut Pasteur de Paris, sur des bactériophages qu'il allait pêcher dans les égoûts du XVe. Et là je vais commencer Vampir de Hanns Heins Ewers, que j'ai finalement réussi à trouver ; me voilà, Frank Braun, toi qui avait le mal d'Europe! :blush: