Aller au contenu
  • billets
    33
  • commentaires
    51
  • vues
    10 852

Sous-sol VI


Circeenne

631 vues

Nous nous enfonçâmes avec précaution dans la forêt où la bruine nous surprit. Nous nous arrêtâmes tous les dix pas pour scruter l’environ à l’aide de nos torches mais la visibilité était très mauvaise et le sol glissant. Il m’arrivait de finir sur la cuisse en foulant une mousse trop humidifiée. Malgré les conditions, nous continuâmes à avancer. Je découvris alors une sorte de fosse naturelle qui serpentait sur plusieurs mètres et jusqu’à disparaître dans le brouillard. Je me disais qu’autrefois, elle aurait pu être le berceau d’un ruisseau mais il n’y avait pas de traces passés d’un possible cours d’eau. De grands arbres bien distancés en délimitaient le pourtour. Leurs plus larges racines sortaient de terre pour former des arcs épais qui crochetaient ce dénivelé où quelques pierres lourdes avaient trouvé un refuge hasardeux. Je n’avais pas vraiment de connaissances topographiques pour pouvoir être catégorique sur mon jugement mais à regarder de plus près, cet endroit, me paraissais trop régulier et à taille humaine pour avoir été moulé par la nature. Bizarrement cela m’évoquait une tranchée. Je posais alors la question à un des soldats s’il y avait eu ici des combats durant la seconde guerre mondiale, il me répondit avec un air dubitatif qu’il n’en savait rien. Je n’insistais pas davantage et on suivait ce chemin en regardant dans toutes les directions sans en voir la surface. Je suggérais donc de former une ligne de marche de sorte à pouvoir ajouter à notre champ de vision les deux côtés manquants de la surface. Nous marchâmes ainsi longuement.

Par moments, je laissais aller le groupe en m’attardant sur ces arbres gigantesques et massifs qui ajoutaient de l’ombre à l’obscurité. J’y jetais mon rayon de lumière de la base à la cime pour n’y voir que des paréidolies subtiles mais surréalistes. Ces formes menaçantes avaient l’air de mettre en garde qui s’aventurerait ici pour troubler le repos des esprits. Je devenais subitement très superstitieuse et mon imagination s’élançait dans divers scénarios horrifiques. Transi par des sentiments désagréables, je me mis à rejoindre les autres au pas de course.

Sur le point de les rejoindre, la cavité perdit subitement de sa profondeur et attira net mon attention. Je vis sur ma droite, légèrement plongée dans la brume diffuse, un enfoncement quadrilatéral bien en évidence mal épuré par la végétation qui lui avait donné une épaisseur veloutée. Ce me parut très étrange et mon doute quant à l’aménagement humain de ce terrain s’amenuisait. Pour être sûre, il me fallait voir de plus près. Avec mon genou et en m’aidant d’une racine froide et mouillée, je me hissais en dehors de cette cuvette. J’avançais dans un espace quasi lunaire. Aucun bruit, aucun animal, c’était comme un vide profond et effrayant où seul la bruine clapotait sur les branchages et le sol velu.

À mon grand étonnement je remarquais que l’enfoncement était bien une structure immergée. Cette forme particulière ne pouvait être que celle d’un bunker. Mais il n’y avait aucune entrée seulement quelques meurtrières oblongues. Il y avait certainement d’enfouie une ramification de galeries. Je saisis mon talkie et m’adressais à Petrov pour mieux comprendre l’histoire liée à cette région. Il me répondit que le propriétaire avait fait construire un abri pour se protéger contre une attaque nucléaire. Je fus très étonnée et je réfutais ces propos en affirmant que ce n’était pas assez profond pour cela et qu’il y avait des meurtrières, éléments militaires servant à éliminer l’infanterie. Il fut vague et me pria de ne pas m’éloigner de l’objectif. Mécontente, je demandais à savoir, j’enquêtais sur un meurtre dans une zone militaire et je fus catégorique. Je ne voulais pas que l’on me cache des choses. Ce manoir ne devait pas en être un. Je lui parlai alors du document que j’avais initialement trouvé sur le corps de la victime. Après un soupir, il restait silencieux et attendait la suite de mes propos. Je sentais son agacement et cela a calmé mes ardeurs. Je repris avec douceur que le meurtre pouvait être en lien et que je n’étais pas là pour troublait les affaires intérieures du pays, mais une enquête biaisée ne peut pas être une enquête efficiente. Il m’expliquait alors que ce terrain est en effet un terrain militaire classé top secret durant la guerre froide et servait de base tactique de lancement de missiles balistiques contre de potentiels ennemis européens ou situés outre-Atlantique. Le bâtiment avait des allures de riche habitation afin de tromper les avions espions. Je le remerciais de ces éléments et demandais à pouvoir m’introduire à l’intérieur. Il se peut que Romain y ait pénétré et laissé ces effets personnels, car il avait l’habitude de passer la nuit dans les lieux insolites qu’il visitait. Petrov refusait fermement, assez pour que je m’avisasse de toute récidive. Un long silence radio mima une guerre de position. Je réfléchissais et repris en argumentant qu’il fallait que nous travaillions conjointement pour résoudre cette affaire au plus vite sans quoi la famille de la victime ne pourra jamais faire le deuil, sans trop de succès. Mais Petrov fut plus sensible à l’idée que l’Europe sera certainement solidaire envers l’Ukraine quand la Russie irait encore presser quelques territoires obligés de l’époque soviétique. Elle se montrerait ainsi reconnaissante. Petrov se tut et me priait d’attendre un moment, il allait en référer à ces supérieurs.

Quelques longues minutes plus tard et sous certaines conditions que j'acceptais, Petrov m’annonça qu'il me guiderait dans ces galeries souterraines mais que je devrais m'abstenir de toutes photos.

L'orage se mit à mugir et il fallait interrompre la recherche à l'extérieur, la pluie nous y aura contraint dans tous les cas. Le vent se levait et agitait les branches des arbres qui semblaient vouloir nous envouter dans une danse lourde et lente.

Nous nous regroupâmes avec énergie vers l'avant du bâtiment où nous fîmes l'amère découverte d'un soldat sauvagement égorgé. Une énorme flaque de sang brune gisait sur une terre mâchée par la pluie.

Nous étions tous stupéfaits...

3 Commentaires


Commentaires recommandés

Invité
Ajouter un commentaire…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement
×