Erreur de justice
Nous avons un besoin de justice, et cela est en partie la source des conflits entre les spiritualités. Enfin, pas exactement le besoin de justice, mais comment nous l'entendons et comment nous la mettons en pratique.
La première erreur est d'oublier le contexte. La deuxième erreur est la loi du Talion, c'est-a-dire de faire à autrui le meme mal que l'on pense qu'il a fait. Pour parler de la première erreur, je vais suppose que l'on est dans la perspective de la loi du Talion, parce que cela est plus parlant. Ensuite, j'expliquerai en quoi cette loi est une erreur de justice.
Voyons la première erreur. Si dans un souci d'équité, on veut appliquer la loi du Talion, mais qu'on oublie le contexte, on est dans l'injustice. Prenons un sujet léger pour détendre l'atmosphère : l'euthanasie consiste à tuer quelqu'un qui est en souffrance et n'a pas de perspective de vie. Le contexte est qu'une personne soit en souffrance et n'ait pas de perspective de vie. La loi du Talion appliquée sans contexte serait que l'on tue la personne qui a pratiqué l'euthanasie. Un meurtre pour un meurtre. Mais l'euthanasieur n'est pas dans le meme contexte. Il n'est pas en souffrance et il a une perspective de vie.
Si l'on applique la loi du Talion avec le contexte, cela veut dire que si l'euthanasieur un jour se trouve dans la souffrance et sans perspective de vie, il soit également tué. Et il se peut que ce soit le souhait de l'euthanasieur lui-meme dans une telle situation, par exemple sur un lit d'hopital.
Le contexte change tout, et si on l'oublie, on fait l'opposé de la justice tout en croyant faire la justice ! Ce qui peut causer cette erreur est une pensée morale simpliste comme "tuer c'est mal", "voler c'est mal", etc. De facon semblable, ce serait comme vouloir faire justice contre un pauvre qui a volé dans un magasin pour manger, et que l'on depossèderait au profit du magasin afin de faire justice. La loi du Talion ne peut pas etre appliquée du fait de l'asymétrie.
Voila pour la première erreur, qui est une application erronée du principe d'équité. La deuxième erreur est la loi du Talion elle-meme. En fait, cela ressemble à de la vengeance, n'est-ce pas ? Et d'ailleurs cela est dit clairement quand on dit que quelqu'un doit etre puni. J'ai expliqué dans un billet précédent que en quoi l'empathie est préférable a la vengeance. En soi, cela est deja un bon argument pour remettre en question cette loi morale, ou tout au moins de faire une pause et de la questionner.
Les gens qui recherchent la vengeance semblent motivés par le desir de maintien du pouvoir et le principe d'impressionner pour obtenir un certain comportement. La vengeance repond donc à un désir de pouvoir, la peur de perdre la face, et à d'autres besoins, comme par exemple le besoin de sécurité ou un quelconque besoin auquel on considère qu'autrui s'oppose. C'est par exemple un thème qui revient souvent avec la tromperie amoureuse. Il apparait que l'équité est assez secondaire dans tout cela, et on se trompe soi-meme à penser que l'on est motivé par elle.
La loi du Talion est donc motivée par un désir violent d'etre satisfait et la peur de la dévalorisation, c'est-à-dire au besoin d'etre valorisé. Et elle a generalement un effet paradoxal. On entre dans un conflit sans fin, ce qui est résumé par "la haine engendre la haine", plutot que d'arriver à la réponse des besoins, qui est pourtant spontanée quand on arrive à les entendre et à les faire entendre avec empathie.
Il peut aussi y avoir un désir de solidarité avec les victimes dans la loi du Talion. Mais cela ne fait que déplacer la question, et cela est équivalent à se demander ce que ferait la victime si elle en avait les moyens. Et d'ailleurs, on peut se tromper sur ce que voudrait la victime, et projeter un désir de pouvoir sur elle. Peut-etre la victime voudrait seulement du réconfort et l'assurance qu'elle ne sera plus une victime.
C'est sans doute tous ces écueils qui font dire parfois que la solution est dans l'abandon de la notion de moralité et de justice. Comment pourra-t-on trouver la paix entre les spiritualités (y compris l'athéisme) dans ces conditions ?
Il me semble que la réponse réside dans la prise en compte du contexte des actions, du désir de valorisation et de la possibilité d'obtenir que nos besoins soit répondus avec une communcation non violente. Cela demande non pas de sortir de toute notion de justice et de moralité, mais de sortir de la réaction primitive "Soit je le mange, soit il me mange".
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