Le pourquoi du comment
- Tu viens?
Mon ami m'appelle de l'extérieur. La porte est entre-ouverte. Il m'attend pour y aller. A cette guerre. Ce caprice idiot de politiciens. Cette ingratitude des humains envers eux-mêmes. Personne ne la voulait, mais ils l'accueillaient tous. Ils s'y résignaient. Parce qu'il faut bien se défendre, protéger ceux que nous aimons, ce que nous aimons, ce que nous espérons. Au prix de nos vies. De leurs vies. Au prix de quoi? Des larmes et du fer?
- Mec, on nous attend!
Comment pourrais-je accepter cette situation? Comment lui expliquer que jamais je ne parviendrai à me lever de cette chaise, à déplacer ces jambes qui me pèsent, pour me joindre à lui et rejoindre la caserne? Il ne comprendrait pas. Je me sens si loin de lui en cet instant. Si loin de tout. Je préfèrerais encore avaler une grenade dégoupillée. Ce nécessaire départ résonne comme une bombe. Le tic-tac devient incessant. Elle va bientôt exploser.
- Tu es là?
Je n'ai pas la force de tuer quelqu'un que j'aurais pu croiser hier dans la rue, quelqu'un que j'aurais pu connaître à travers des entrevues anodines ou prévues, quelqu'un qui est, au fond, tel que moi. Je manque de cette foi pour aller me faire descendre par un inconnu qui ne me verra pas réellement, embusqué derrière un solide rocher à deux kilomètres de là. Mais puis-je seulement refuser cette décision qui vient d'en haut, qui répond à une évidence? Qui suis-je pour m'y opposer, pour vouloir y échapper?
La porte grince. Il entre.
Mon choix est fait. Je ne peux me convaincre ni me persuader de sombrer dans la démence d'un monde. Je n'ai pas construit ma vie sur des principes pour les délaisser aujourd'hui. Je ne me trahirai pas. Pas comme eux. Je me demande si j'aurais pu permettre d'éviter cette tragédie à venir, si je n'ai pas été détourné d'un autre chemin, si, au final, je n'ai pas manqué la possibilité d'être meilleur. Ai-je été digne de mon existence? Trop de questions. Aucune réponse. Comment savoir? Il n'est plus temps de se chercher. Il faut s'évader. Quitter ce monde qui veut m'engloutir. M'anéantir. Mieux vaut mourir pour ses idées que se faire massacrer pour quelques folies.
Il atteint la cuisine, saisit le papier à l'écriture mal assurée déposé sur la table vide, et y lit ces quelques mots :
"Là où réside le calme ne peut souffler la tempête."
Il lève les yeux, continue jusqu'à la porte de derrière qui donne sur le jardin. Le ciel commence à gronder. L'oiseau de feu arrive. Personne n'ira.
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