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Chapitre Premier - Le Voyage #2


latin-boy30

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Ils étaient arrivés à Munich vers vingt heures, dans la soirée. Il faisait nettement plus chaud qu'à Copenhague. L'Italie n'était qu'à une centaine de kilomètres à vol d'oiseau. Leur dilemme de la soirée serait de trouver un train de nuit avec de quoi dormir à l'intérieur, en espérant que le pilote soit bien réveillé et ne les envoie pas dans le décor. Les accidents s'étaient faits plus fréquents depuis la révolution, les leaders estimant que la sécurité ferroviaire n'était pas éloignée du "luxe petit bourgeois". Hans et Lars auraient souhaité voir le pilote, afin de le connaître un minimum pour se faire une idée. Ils ne sortirent point de la gare. Après avoir quitté le transgermanique Hambourg-Munich, ils partirent directement pour le quai où une vieille rame de corail international les attendait.

-Guten abend meine herren, les accueillit un grand dadais au fort accent oriental, souriant, dans un vieux costume des services ferroviaires allemands d'Ancien Système.

-Bonsoir, répondirent simultanément les deux danois. Vous parlez anglais ? On est danois.

Le grand turc passa à l'anglais.

-Je suis Khemal, dit-il. Si vous prenez le train pour Istanbul, je serai votre pilote au cours de cette nuit. Allez-vous jusqu'en Turquie ?

-En effet, répondit Lars. A quelle heure arrivons-nous à Istanbul ?

-Dans vingt quatre heures environ, je ne connais pas l'heure précise mais c'est demain soir, répondit Khemal en grillant une cigarette. Il leur en proposa, ils acceptèrent volontiers.

-Il y a à manger dans le train ? demanda Lars.

-Oui, ne vous inquiétez pas, répondit Khemal. Le voyage sera long, mais il se déroulera sans encombres. Je conduirai toute la nuit, puis aux aurores mon collègue me remplacera. Je reprendrai un peu avant l'arrivée. Ne vous en faites pas, je serai assez alerte durant la nuit, si c'est cela qui vous préoccupe.

Il leur indiqua les couchettes les plus tranquilles du train à quai juste devant eux. Ils remercièrent le pilote et s'installèrent à bord. Ils mangèrent des sandwiches au moment où le train s'en allait vers sa prochaine étape : Salzbourg, en Autriche. Avant de s'endormir, ils décidaient de jouer à la bataille navale sur leurs WorkPods respectifs.

Le WorkPod était apparu dans les années 2030, et avait révolutionné l'informatique. Ni vraiment un ordinateur portable, ni vraiment une tablette, c'était un peu entre les deux, très fin et aisément maniable. Il possédait un écran à résolution excellente, non altérable aux chocs violents. De forme rectangulaire, il comprenait l'écran dans l'essentiel de sa superficie. Au bas de l'écran, une fente diffusait un laser très élaboré qui diffusait devant l'écran la projection d'un clavier sensible. Il n'y avait pas physiquement de clavier, mais la lumière formait des touches rouges et si par exemple, vous promeniez le doigt dans la zone lumineuse du "A", et bien une lettre "A" pouvait apparaître en traitement de texte à l'écran. La sensibilité pouvait être réglée par une application intégrée. Pour que l'utilisation soit assez fiable et optimale, l'utilisateur devait faire en sorte que le clavier de lumière soit disposé sur une surface plane devant lui. Un socle de type chevalet était réglable au dos du WorkPod.

Ils jouèrent à la bataille navale jusqu'à Linz. Les paysages autrichiens étaient charmants. Au moins, les révolutionnaires n'avaient pas trop maltraité la nature. Bien au contraire, la révolution était aussi écologique. En 2041, un nouvel accident dans une centrale nucléaire en Afrique du Sud avait définitivement monté l'humanité contre le nucléaire.

Ils dormirent huit heures, se réveillèrent peu après Budapest. Quittant leurs couchettes, ils regagnèrent leurs places près des fenêtres, parmi les sièges réguliers.

Vers onze heures, le train passa en Roumanie. Ils lisaient sur WorkPod pour passer le temps. Ironiquement, ils bénéficiaient d'un avantage de la révolution : les insurgés s'étaient battus pour que tous les livres possibles soient accessibles en ligne, en numérique. Sauf les livres jugés contre-révolutionnaires. Mais les lectures de Hans et Lars n'étaient pas spécialement politiques ou économiques. Hans lisait un vieux livre de Stephen King et Lars terminait un thriller français particulièrement violent, d'un certain Maxime Chattam.

Prenant plus de vitesse, le train traçait vers Bucarest. Il y parvint vers dix-sept heures. Peu après, il passa la frontière bulgare. Hans et Lars préférèrent attendre de se trouver dans l'ancienne capitale ottomane pour manger un morceau. Ils en avaient assez des sandwiches du train. Un peu plus d'une heure après un arrêt à Burgas, sur la côte bulgare, le train passa enfin la frontière turque, et donc il sortait de l'espace européen officiel.

Vers vingt-et-une heures, ils étaient enfin à Istanbul. Faisant leurs adieux à Khemal, ils descendirent sur le quai et furent fouillés par les douaniers. La révolution n'était pas parvenue à éradiquer totalement les frontières. Après une légère fouille, on les laissa sortir sur le parvis de la gare.

Le soir, ils mangèrent dans un troquet en plein centre historique. Révolution oblige, le restaurant était assez auto-géré, il fallait aider le restaurateur et se servir soi-même, c'était devenu comme ça dans tous les restaurants du monde. Deux androïdes se relayaient toutefois pour servir les clients.

Même avec la quasi-gratuité du service, je préfère l'ancien système, pensèrent presque télépathiquement les deux voyageurs danois. Ce n'était pas totalement gratuit, il fallait rémunérer le restaurateur un minimum. Hans et Lars lui laissèrent des batteries de rechargement pour les androïdes. Ils leur en restaient de leur vie au Danemark, quand ils avaient brièvement utilisé des synthétiques pour diverses tâches.

Mais ils avaient mangé très correctement. Ils dormirent dans un hôtel collectif dans le centre-ville. Après une nuit agitée, ils se levèrent éreintés et partirent à la recherche d'un tramway pour l'aéroport. Une jeune voyageuse anglaise qui allait également en Australie les rencontra. Elle s’appelait Kate, avait trente deux ans. Jolie blonde aux yeux châtains. Tous trois, ils trouvèrent une rame de tramway pas trop bondée pour l'aéroport, à l'autre bout de la ville.

Ils étaient montés dans l'avion solaire vers onze heures. Le mastodonte était un des plus grands au monde. Les gros avions de ligne classiques avaient été interdits à la révolution, accusés de trop user de kérosène, alors en catastrophe, les ingénieurs avaient du cogiter des modèles alternatifs. Celui-ci, dans lequel Hans, Lars et Kate étaient montés, pouvait contenir deux cent personnes. Son fuselage était assez étrange, la devanture prenant l'apparence d'un bulbe végétal un peu aplati. Les deux ailes, démesurées, étaient bardées de panneaux photovoltaïques.

Au moment où Hans se demandait encore où pouvait être Sainte-Myrtille, une jolie jeune française lui tapota l'épaule dans l'avion.

-Hans Sorensen ? demanda-t-elle d'un fort accent du Sud de la France.

-Sainte-Myrtille. Je me demandais quand allions-nous te voir. Tu m'as reconnu grâce à la photo que j'ai du laisser filtrer sur Galliam-34, non ?

-Tout juste, sourit-elle. Mon financé, Romain, présenta-t-elle à ses côtés.

Romain les salua brièvement.

Lars et Kate se présentèrent aux deux français. Céline Dumont prit Hans Sorensen à part un moment.

-Dis, l'anglaise, elle va sur l'île aussi ?

-Je n'en sais strictement rien, peut-être bien ou peut-être pas. Il faudrait la tester un peu sur ses centres d'intérêts et tout ça...

Au bout de deux heures, l'avion solaire survolait Antalya et traçait droit vers Jérusalem. Courte escale. Kate avait finalement été identifiée avec sûreté, par une conversation périlleuse en apparence car sujette à trahison éventuelle, comme une potentielle concordianne. Elle voulait aller sur l'île également.

Quelques heures après, le pilote passa un message par radio, en turc, en anglais, en hébreu et en arabe.

"Nous amorçons notre descente sur Jérusalem, un arrêt de trois quarts d'heure. Puis, nous aurons environ cinq heures de vol jusqu'à Mascate, terminus de cette ligne. Merci de votre attention."

Au niveau de la Jordanie, la climatisation interne tomba en panne. La chaleur de la péninsule arabique risquait de faire des siennes au cours du voyage... Par mesure de sécurité, tout pilote d'avion solaire refusait de survoler les grands déserts. Il était préférable d'atterrir en catastrophe ou de se cracher non loin d'une ville ou des eaux qu'en plein désert.

Au niveau du Koweït, un androïde put enfin réparer le climatiseur. Plusieurs voyageurs furent rassurés.

A suivre...

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