Aller au contenu
  • billets
    117
  • commentaires
    381
  • vues
    695 425

La rétribution post-mortem


existence

666 vues

On retrouve dans la plupart des religions la rétribution. Selon ce principe, nos actions positives sont récompensées et les actions négatives punies. C'est en première approximation semblable à la loi du talion, "oeil pour oeil, dent pour dent". Il s'agit d'une loi primitive pour éviter que les gens se fassent justice eux-mêmes.

Dans le cas de la religion, on considère qu'il y a une rétribution qui est effectuée sans qu'il y ait besoin d'une intervention particulière des êtres humains. Pour le monothéisme, ce sera un dieu et un diable qui donneront récompense et punition. Pour le bouddhisme, cette rétribution se fait naturellement, c'est le principe du karma. Dans d'autres traditions, ce sont les esprits des ancêtres. En d'autres termes, le principe de rétribution est présent dans différentes religions, et cela n'implique pas quel type d'agent effectue cette rétribution (un dieu, un seul dieu unique, plusieurs dieux, des esprits des ancêtres) ou même s'il y a un agent tout court.

Or, bien entendu, on observe peu la rétribution. Malgré la justice humaine, certaines personnes ayant commis de nombreuses mauvaises actions sont en liberté pendant que des innocents se font tuer. Cela peut entrainer une frustration si on désire la justice. Comme la rétribution n'a pas lieu pendant notre vie, il ne reste que l'éventualité d'une rétribution post-mortem. Or l'esprit humain est dualiste, c'est-à-dire qu'il imagine de façon séparée les esprits et les corps. La religion s'infiltre dans cette brèche pour affirmer la vie après la mort et la rétribution. La brèche dualiste rend possible d'imaginer intellectuellement. Mais cela n'explique pas la motivation à de telles croyances.

En effet, la croyance au Paradis et à l'Enfer, ou au Karma, sont particulièrement ambivalentes. Il y a peu de chances qu'on les désire parce qu'on a autant à perdre qu'à y gagner. A moins de penser le bien et le mal avec un point de vue centré sur soi et sur la conception qu'on en a. "Le bien, c'est ce que je trouve bien, alors ce seront les autres qui seront punis". Mais on a aucun garantie que cette conception soit absolue, ni même qu'il y ait une conception absolue du bien et du mal. Si l'on pense comme cela, à notre décharge, on peut prendre en compte que c'est souvent comme cela qu'on éduque les enfants, en leur disant que certains comportements, de façon absolue, sont bons et d'autres sont mauvais. De façon générale, les adultes essayent de donner une image cohérente de la loi, ce qui peut laisser penser que la loi est cohérente, et même qu'il y a une loi universelle.

Il y a donc une fragilité, à cause de la conception dualiste de l'esprit et du corps, et à cause de la conception universaliste du bien et du mal, à penser qu'il y a une rétribution post-mortem.

La peur de la rétribution négative ou l'Enfer entraine l'évitement de certains comportements. Cet évitement peut être causé aussi par autrui et il peut donner de la consistance à la croyance à la punition. En d'autres termes, par peur de la rétribution, on évite certaines choses, ce qui donne consistance à l'Enfer, qui entraine à son tour une peur de la rétribution. On obtient un renforcement circulaire. Même si on ne croit pas vraiment à l'Enfer, on peut en être affecté en ayant un discours athée et en le présentant comme le bien et le mal du point de vue de la société. Il y a une certaine résonance entre cette normativité "sociale" et la normativité religieuse. En fait, cela forme un tout : les parents dictent des règles aux enfants, argumentent que c'est comme cela dans la société, et quand cette normativité est considérée comme universelle, on en déduit le principe universel de rétribution du bien et du mal. C'est-là que se loge la religion, en affirmant détenir l'explication de cette rétribution, et de savoir qui est cet agent mystérieux qui rétribue.

D'un point de vue monothéiste, on est soi du côté de dieu soit du côté du diable. Les athées n'étant pas du côté de dieu... sont donc du côté du diable. Mais en réalité, les choses sont plus complexes. On peut représenter deux axes perpendiculaires, un axe étant la croyance en dieu, et un autre étant la croyance en une rétribution "métaphysique". On obtient quatre quadrants :

·························Croyance en un dieu·····································

··································▲··············································

··················satanisme·······│·······croyance au "bon" dieu·················

··Pas de··························│··············································

··rétribution ◄───────────────────┼───────────────────────────────► Rétribution··

··métaphysique····················│·································métaphysique·

···················athéisme·······│·······bouddhisme·····························

··································▼··············································

·····················Pas de croyance en un dieu··································

D'un point de vue athée, donc, il n'y a pas de rétribution métaphysique, mais cela n'empêche pas qu'il y ait une justice humaine, des actions humanitaires, de l'activisme politique, etc. Ces moyens sont bien entendu imparfaits, ce qui veut dire que certains "méchants" ne sont pas punis et ne le seront jamais, puisqu'une fois qu'ils sont morts, ils ne subissent aucun jugement. Mais il ne faut pas trop s'attacher à la notion de punition, parce qu'elle n'est pas toujours la bonne solution et la notion de responsabilité est souvent plus complexe qu'on ne l'imagine.

Une certaine prudence s'impose, parce qu'il n'est pas garanti que ce qu'on trouve bien soit bien dans l'absolu. Il semble que la base la plus stable soit celle du bien-être : plus il y a de gens qui ont du bien-être, mieux c'est. En d'autres termes, faire du bien à soi-même sans nuire aux autres, et faire du bien aux autres sans nuire à soi-même. Cela dit nous sommes subjectifs, on ne se rend pas compte de tout. Il est donc nécessaire d'être attentif, pour se rendre compte si l'on se trompe. En effet, il se peut qu'on pense que le bien soit dans une certaine action, mais qu'on se rendre compte finalement que ce n'est pas le cas. La morale est alors une construction dans notre esprit, qui est en évolution.

En résumé, être athée, c'est renoncer à l'idée qu'il y ait une rétribution post-mortem qui serait la "justice absolue". Tout au plus, nous sommes à peu près égaux devant la mort. Quand on est athée, on ne peut pas se dire "de toutes façons, il sera puni par un dieu ou par son karma". On est présent en adulte responsable, et il est nécessaire d'avoir une représentation raisonnable de notre rayon d'action. Nous pouvons simplement faire ce qui nous semble le bien à notre échelle.

D'ailleurs, on peut questionner la rétribution en Paradis et en Enfer. Ce sont des récompenses infinies et des punitions infinies, elles ne peuvent donc pas être en bonne équivalence par rapport aux actions. Une telle justice ne serait pas parfaite, et même, en fait injuste. Il me semble que leur importance exagérée vient pour compenser le fait que ce sont des rétributions hypothétiques et lointaines.

2 Commentaires


Commentaires recommandés

Invité
Ajouter un commentaire…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement
×