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Comprendre le christianisme


existence

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Certains aspects ont déjà été évoqués : les églises avec leur taille imposante pour impressionner et suggérer l'autorité, et le paradoxe entre ego et représentation du monde. Cependant, cela concerne aussi d'autres religions, puisque les lieux de cultes sont toujours conçus pour être impressionnants, des grandes mosquées avec leurs minarets dont la hauteur suggère l'autorité aux temples bouddhistes avec leurs stupa exprimant la verticalité dans le niveau spirituel. D'autre part, l'ego est toujours un sujet central, que ce soit par son extériorisation dans le cas des croyances divines, à sa négation dans le bouddhisme, en passant par la fusion du soi avec le grand Soi, il est toujours représenté dans une tension entre le rien et le tout, qui découle selon mon analyse du paradoxe de la représentation du monde évoqué dans le billet précédent.

Dans le cas du christianisme, l'autorité religieuse est associée à la croix avec Jésus-Christ. Autrement dit, cette religion place au sommet hiérarchique un être humain en train de souffrir, en train d'être sacrifié. Cela forme une équation "autorité = victime". Cela peut être interprété de diverses manières, comme par exemple que les victimes sont les chefs. Dans ce cas, les individus chercheront à se mettre en avant en tant que victime pour avoir un statut social et obtenir ce qu'ils veulent. Cela peut être également par le travail, comme une torture par laquelle on obtient le pouvoir de l'argent. Inversement, on peut considérer qu'une autorité doit être victime. Les chefs doivent alors souffrir pour mériter d'être les chefs. Et éventuellement, leur décapitation rendra leur sacrifice effectif. En ce sens, la haine du patron est très chrétienne. De façon générale, l'équation chrétienne "autorité = victime" met en avant la tension des relations pouvoirs et l'ambiguïté de la soumission, et suscite l'identification à cette figure ambivalente.

Or l'idée d'être sacrifié est effrayante. Cela peut donc dissuader d'affirmer sa puissance personnelle. On sera d'ailleurs accompagné par les croyants à penser que la moindre affirmation de soi qui soit un peu dissonante avec les normes ambiantes est une affirmation d'être Dieu, de vouloir dominer le monde... et donc une raison d'être sacrifié à l'instar de Jésus-Christ. D'où la peur de Jésus. Parce que sinon, pourquoi aurait-on peur d'un être si gentil, si doux, etc. ? Ce n'est pas par peur qu'il nous punisse, mais par peur qu'on soit puni, qu'on soit sacrifié si on lui ressemble un peu trop. D'où la projection de soi, des ambitions d'exister et de l'altruisme vers ce personnage imaginaire. La présence de Jésus-Christ, c'est en fait notre présence, que l'on cache, que l'on nie, par peur d'être sacrifié. Voilà qui constitue le premier versant du christianisme : une équation terrifiante résumée par "Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ" (Ephésiens 5:21).

L'autre versant est bien entendu la culpabilisation pour la mort de Jésus-Christ, présentée comme une façon de nous sauver de nos péchés. Toute cette conception repose sur de nombreux sous-entendus qu'il faut éclaircir. Tout d'abord, le mot "péché" désigne, comme dans toutes les traditions monothéistes, la désobéissance. Il ne désigne pas, comme on a pourtant l'habitude, de faire des actions positives ou négatives. Ce n'est que par le postulat que Dieu est le bien par définition que l'on arrive à la conclusion qu'un désobéissance à Dieu serait de faire le mal. En réalité, pour peu que vous fassiez le bien en répétant que Dieu n'existe pas, d'un point de vue monothéiste, vous êtes dans le péché, puisque vous transgressez le commandement n°3 qui est d'utiliser le nom de Dieu en vain, et d'une certaine façon le premier commandement qui est que l'on est censé vénérer Dieu et Dieu seulement. Comme dit, cela s'applique à d'autres religions, comme par exemple l'Islam selon lequel "Il n'y a d'autre Dieu qu'Allah". En d'autres termes, la notion de "péché" est une notion hiérarchique, semblable à la faute d'insubordination dans le cadre du travail, puisque "le fait d'exprimer péremptoirement, en des termes injurieux pour son supérieur hiérarchique, la volonté de ne pas suivre les instructions de son employeur et de travailler selon les seules méthodes et objectifs, constitue un acte d'insubordination caractérisé, et donc une faute grave".

La mort de Jésus-Christ est donc censé nous sauver... de la désobéissance. Curieuse chose ! En fait, c'est que Jésus-Christ n'est que le côté sympathique du dieu chrétien, qui d'un autre, nous menace, tout comme dans l'Islam, à nous faire souffrir éternellement si on ne lui obéit pas et qu'on ne le met pas sur un piédestal. On cherche en vain la bonté d'un tel Dieu... Et si on ne croit pas qu'un tel Dieu existe (ne serait-ce que parce qu'il n'est visiblement pas très "bon"), et qu'on ne souhaite pas lui obéir, en quoi est-ce qu'on aurait besoin d'être sauvé ? Sans Enfer, le mobile pour le sacrifice de Jésus-Christ n'est pas valable. Et si Dieu le Père veut nous prendre en otage en nous menaçant de tuer son fils si on ne fait pas ce qu'il veut, on peut légitiment refuser d'entrer dans un tel jeu. C'est dommage pour son fils. On peut faire semblant 5 minutes, mais à un moment donné, il faut neutraliser le preneur d'otage à moins de soumettre la société entière à une forme de terrorisme incestueux.

Mais pourquoi donner une telle importance à cet événement ? Nous parlons là d'un homme, un prêcheur, d'il y a 2000 ans, qui se serait fait exécuté par le pouvoir romain, qui lui a bien rendu puisque c'est précisément ce pouvoir, par l'entremise de l'empereur Constantin, qui a fait du christianisme la religion officielle de l'empire romain et a ainsi assuré sa propagation. Si les faits sont avérés, le pouvoir romain a donc payé sa dette au-delà de toute comptabilité, étant donné le nombre de morts qui ont suivi parmi les hérétiques, les personnes croyant autre chose, ou bien les personnes vraiment athées. En effet, on a considéré comme athées des gens qui avaient simplement une compréhension un peu différente du dogme. Si l'on mettait à la place de Jésus-Christ sur sa croix un "mécréant" sur un bûcher, on se rendrait rapidement compte de l'insignifiance de l'éventuel sacrifice de Jésus.

C'est là qu'intervient l'astuce. Jésus ne serait pas un simple prophète, mais serait en fait Dieu. Ou bien le fils de Dieu, on ne sait plus trop bien, mais en gros, Dieu. Bien évidemment, on attend toujours les preuves, les seules étant avancées seraient des miracles dans la Bible, livre qui par définition ne peut pas être pris sérieusement, puisqu'il est l'instrument de propagande du christianisme. Imaginez qu'on prenne un livre à la gloire de Staline pour savoir ce qu'il s'est passé en URSS. On imagine mal un tel livre décrire avec précision les polices politiques et les goulags. De façon moins dramatique, une source orientée par définition, n'est pas une source d'information valable au sujet des faits. Les travaux des historiens sont à ce sujet bien plus crédibles, et semblent montrer que très peu de choses sont avérées dans la Bible. Il n'y a donc aucune raison de croire a priori que Jésus a fait des miracles et donc qu'il serait le fils de Dieu. Donc aucune raison a priori de donner une importance démesurée à cet événement. Si Jésus a existé et a été crucifié, c'est un homme parmi de nombreux autres qui a eu un sort horrible. Fin de l'histoire, remballez les crucifix.

Cela dit, pour comprendre le christianisme, il faut examiner ce qui se passe si l'on donne une telle importance à Jésus-Christ. Si c'est bien Dieu, qui est censé être le créateur de l'Univers, on se trouve devant un meurtre d'une importance au moins aussi grande que l'Univers. C'est donc une gravité infinie. Et lorsque quelque chose est grave, on a tendance à se sentir responsable, même quand on ne l'est pas. Depuis les quelques personnes censées avoir été responsables de l'exécution de Jésus au temps des romain, c'est l'humanité entière, de façon transversale, à travers le temps et l'espace, qui se trouve coupable et dans l'obligation d'expier. Car bien évidemment, on ne trouverait aucune raison valable pour légitimer une mort d'une telle importance. Et dans ce cas, les innombrables morts dans le chemin du christianisme ne sont pas grand chose, juste quelques dégâts collatéraux dans le but "d'aplanir le chemin du seigneur". Il s'agit en fait d'une distorsion de l'utilitarisme, où, en donnant une importance démesurée au devenir d'un individu, on en arrive à mépriser tout le reste. Cette culpabilisation universelle nous soumet, nous oblige à l'obéissance pour se faire pardonner, nous prive de notre liberté tout comme l'endettement permettait à une époque de transformer un homme libre en esclave. Voilà comment Jésus nous sauve du péché : en faisant de nous des esclaves de Dieu.

Dans le même temps, tout cela est censé avoir été prévu. Dieu le Père aurait sciemment envoyé son fils en mission suicide, dans le but de convertir les humains, selon le principe que la fin justifie les moyens. Ce serait une distorsion utilitariste dans le sens inverse, à savoir de ne pas donner assez d'importance au devenir d'un individu et à considérer que son sort n'est pas important étant donné que cela peut apporter du bien au plus grand nombre. D'où l'idée que le sacrifie de Jésus est censé être pour le bien de tous. Les témoins de Jéhovah parlent étrangement de "rançon".

3 Commentaires


Commentaires recommandés

Des tas de mecs encore de nos jours se nomment Jésus. Après la lecture de ceci, Nom de Dieu qu'est ce qu'ils doivent avoir peur de la mort.

Un bon point cela dit sur le fait que l'esprit de l'Ancien Testament n'est pas le même que dans le Nouveau : un dieu plutôt vindicatif et impulsif dans le premier.

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D'autre part, tant qu'on reste dans les normes, on est pas accusé de vouloir prendre la place de Dieu. En fait, c'est même le contraire qui se produit, on est soutenu d'affirmer sa toute-puissance quand elle est en conformité avec les normes sociales. En effet, dans ce cas, on nie soi-même et on se fait le bras armé de la puissance divine fantasmée.

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