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Rencard avec mon Ricard


konvicted

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Rencard avec mon Ricard

Je suis tranquillement accoudé au comptoir,

Noyant dans un petit jaune mon bleu à l'âme,

Quand mes yeux se posent sur ce p'tit brin de femme,

Sûr'ment nonne ou gothique, elle est sapée en noir.

Elle a l'air, elle aussi, seule comme la mort,

Alors, là, je me dis : "je finis mon Ricard

Et j' m'en vais mettre mon isolement tricard,

Lui balancer quelques âppats, voir si ell' mord".

Donc, ayant descendu mon verre de whisky,

J'ose lui faire l'honneur de ma compagnie

Et essaie d'engager la conversation, c' qui

N'a jamais été chez moi une litanie.

Et au moment de commencer à m'exprimer,

Je reste coi, la bouche ouverte à ne rien dire

Pendant ce qui me semble être des heur's, ou pire,

Bien que cela n'ait probablement pas duré.

Mais quand on me met à la porte du bistrot

Le lendemain matin, sous prétexte qu'il ferme,

Je réalis' que je n'ai pas pu mettre un terme

A mon silence, j'avais dû boir' beaucoup trop.

Toujours est-il que j' me dis : "j'ai laissé filé

Une occasion de plus de perdre une raison

De fréquenter ce rade plus que ma maison,

Une belle fille que je n' reverrai jamais".

Le soir-même dans le café habituel,

Je revois la même donzelle que la veille,

Je me dis : "cette fois, il faut que j'essaie,

C'est sans doute ma dernière chance avec elle".

Ni un' ni deux, je finis mon prochain picon

Et m'élance vers sa table, une fois encore,

Je me présente et lui demande son prénom,

Elle me répond : "appelle-moi donc la Mort".

Après être passé pour le dernier des cons,

Répliquant : "je n'ai pas son numéro, désolé",

Elle me précise que c'est son petit nom,

Que j'aurais pu fair' l'effort de le deviner.

C'est vrai que cela explique pas mal de choses,

Comme sa faux et ses orbites toutes vides,

Aussi, son teint et son anorexie morbides,

Pas même sur ses os, un' petite peau rose.

La surprise passée, j' lui demand' son portable,

Elle me dit : "laisse tomber, t'es pas mon type,

Reviens quand tu seras plus vieux et plus minable,

En attendant, je suis sur ce pochtron au flipp',

Je sens que je vais bientôt pouvoir le faucher".

Moi, très soucieux de ses intérêts, je lui lance :

"Ce mec m'a l'air sans le sou, pourquoi le voler ?"

Mais elle ignore mon conseil, quelle arrogance !

Là, j'ai compris, que la Mort était sympathique

Mais qu'ell' manquait de goût et de discernement,

Qu'elle finirait dans les bras d'un alcoolique

Par intérêt, sans saisir qu'il n'a pas d'argent.

Moi, j'ai plaqué mon rade comme un saligaud,

C'en est fini pour moi d'êtr' rond comme un ballon

Mais pas de chercher en vain mon alter ego,

Pour l'éternité s'il le faut, Dieu sait qu' c'est long.

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Avec cette neige à foison

Qui coiffe, coiffe ma toison

On peut me croire à vue de nez

Blanchi sous le harnais

Eh bien, Mesdames et Messieurs

C'est rien que de la poudre aux yeux

C'est rien que de la comédie

Que de la parodie

C'est pour tenter de couper court

A l'avance du temps qui court

De persuader ce vieux goujat

Que tout le mal est fait déjà

Mais dessous la perruque j'ai

Mes vrais cheveux couleur de jais

C'est pas demain la veille, bon Dieu

De mes adieux

Et si j'ai l'air moins guilleret

Moins solide sur mes jarrets

Si je chemine avec lenteur

D'un train de sénateur

N'allez pas dire "Il est perclus"

N'allez pas dire "Il n'en peut plus"

C'est rien que de la comédie

Que de la parodie

Histoire d'endormir le temps

Calculateur impénitent

De tout brouiller, tout embrouiller

Dans le fatidique sablier

En fait, à l'envers du décor

Comme à vingt ans, je trotte encore

C'est pas demain la veille, bon Dieu

De mes adieux

Et si mon coeur bat moins souvent

Et moins vite qu'auparavant

Si je chasse avec moins de zèle

Les gentes demoiselles

Pensez pas que je sois blasé

De leurs caresses, leurs baisers

C'est rien que de la comédie

Que de la parodie

Pour convaincre le temps berné

Qu'mes fêtes galantes sont terminées

Que je me retire en coulisse

Que je n'entrerai plus en lice

Mais je reste un sacré gaillard

Toujours actif, toujours paillard

C'est pas demain la veille, bon Dieu

De mes adieux

Et si jamais au cimetière

Un de ces quatre, on porte en terre

Me ressemblant à s'y tromper

Un genre de macchabée

N'allez pas noyer le souffleur

En lâchant la bonde à vos pleurs

Ce sera rien que comédie

Rien que fausse sortie

Et puis, coup de théâtre, quand

Le temps aura levé le camp

Estimant que la farce est jouée

Moi tout heureux, tout enjoué

J'm'exhumerai du caveau

Pour saluer sous les bravos

C'est pas demain la veille, bon Dieu

De mes adieux

Paroles et Musique: Georges Brassens 1976 © Editions musicales 57

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