Vous connaissez sans doute le principe de la poutre et de la paille, selon lequel, quand on reproche quelque chose à quelqu'un, nous sommes sommes coupables de 100 fois pire. Plus précisément, cela est exprimé par l'idée que quand nous voyons une paille dans l’œil d'autrui, il y a une poutre dans notre œil. Comme l'œil est un organe très sensible, cela entraine une réaction réflexe. Comment ça une paille ? Horreur ! Et moi j'ai une poutre dans l'œil ? Où ça ? Pendant que l'on cherche désespérément où la poutre peut bien se trouver, on nous fait savoir qu'il s'agit de notre culpabilité. La culpabilité qui ne se voit pas non plus. On nous invite alors à supposer qu'on est coupable alors que rien ne nous le faisait penser. En effet, comment nier l'absence de quelque chose qui ne se voit pas ?
Quel effet ce principe peut-il avoir ?
C'est relativement simple, cela entraine une culpabilité énorme. Supposons que vous reprochez à quelqu'un de vous avoir frappé, cela veut dire que vous avez fait 100 fois pire, donc que vous avez tué quelqu'un. La personne qui se plaint d'être frappé est donc un meurtrier ! Et supposez que vous reprochez à quelqu'un d'avoir tué quelqu'un, cela fait de vous un tueur en série !
Dans ces conditions, on n'osera pas faire le moindre reproche, exprimer le moindre avis négatif par soi-même. Plutôt complimenter l'assassin que de risquer de finir en prison avec lui. On invoquera à la place des normes impersonnelles, comme ce qui est écrit dans un règlement, une loi, ou bien entendu un texte sacré. Voilà comment on obtient l'humilité. Une considération raisonnable de soi-même ? Non, mais une peur d'exprimer ce qu'on pense !
L'expression de toute souffrance peut-être interprétée comme un reproche, et que ce reproche peut être démultiplié contre soi-même par le principe de la poutre et de la paille. Cela entraine un refoulement de ses souffrances et de la frustration. Aimer autrui dans une telle configuration est très difficile.
Certes, on a alors la paix sociale, chacun étant noyé dans la culpabilité de ce qui lui arrive. Une paix mélancolique, inhibitrice. Et à quel prix ! N'est-il pas naturel dans une telle situation de penser qu'on est mauvais soi-même, ce qui est d'ailleurs encouragé par la religion nous traitant de pécheurs. La seule solution proposée par cette dernière ? La soumission, l'obéissance pour se faire pardonner.
Pourtant, quand nous faisons un choix, nous ne savons pas par avance tout ce qui va nous arriver. Et aucun dieu ne vient nous prévenir. Si on choisit d'aller à un lieu A plutôt qu'un lieu B, on ne sait pas nécessairement qui l'on va rencontrer, notamment si ce lieu est public. Ce qui nous arrive est donc, de notre point de vue, en partie aléatoire. Nous ne pouvons donc en être responsable !
Qui voudrait vivre en se pensant un être horrible responsable d'autant de problèmes ? La conclusion logique d'une telle façon de voir les choses est le suicide ! Pour le croyant, c'est là qu'interviennent Dieu le Père et Jésus. Sur Jésus, il peut reporter la haine qu'il a de lui-même, et ainsi trouver du réconfort dans la contemplation de son agonie supposée. Et Dieu le Père propose un pardon, aussi mauvais qu'on soit. Ainsi, plutôt que de se punir soi-même et mettre un terme à notre existence si malfaisante, on s'en remet à Dieu. De toutes façons, c'est Dieu qui nous a créé, alors, il ne va pas se plaindre que nous soyons mauvais, n'est-ce pas ? On comprend la réticence qu'un croyant peut avoir d'abandonner sa religion. Comment va-t-il gérer toute cette culpabilité sans la religion ?
La religion propose donc des outils pour surnager dans cette noyade de culpabilisation. Ne pourrait-on pas à la place ne pas culpabiliser, cesser de s'accabler quand on reproche quelque chose autrui, et cesser de penser que tout ce qui nous arrive est notre faute ? Pour cela, il est nécessaire de remettre en question la poutre et la paille.
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