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Le libre arbitre


Grenouille Verte

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Le libre-arbitre est la capacité de l'homme (ou de toute autre créature) de choisir indépendamment de toute cause. C'est, finalement, la possibilité de faire un choix incausé.

Voici une définition alternative, proposée par un professeur de philosophie : "La notion de libre arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c'est à dire d'être à l'origine de ses actes. Autrement dit un sujet libre est sensé pouvoir choisir de lui-même ce qu'il choisit, sans être poussé à l'avance d'un coté ou d'un autre par quelque influence ou cause que ce soit."

Par le libre arbitre, l'homme serait donc placé au-dessus des lois de la nature, c'est-à-dire du déterminisme. Spinoza y voit une illusion. Pour ce philosophe, l'homme n'échappe pas au déterminisme de la nature : L'homme n'est pas "dans la Nature comme un empire dans un empire" (éthique, III), il est soumis aux règles naturelles et n'a "aucun pouvoir" sur la Nature.

Là où Spinoza oppose au libre-arbitre le déterminisme de la Nature, Luther dans le De Servo Arbitro y oppose la volonté divine. Les deux points de vue, quoique différents, ne sont pas si éloignés car pour Spinoza Dieu=Nature. Voici ce que dit Luther en 1525 : "Nous croyons, en effet, que Dieu sait et ordonne tout par avance, et qu'il ne peut faillir ni se laisser arrêter par rien dans (...) sa prédestination ; si donc nous croyons que rien n'arrive sans sa volonté, (...), il ne peut y avoir de libre arbitre ni chez l'homme, ni chez l'ange, ni chez aucune créature. De même, si nous croyons que Satan est le prince de ce monde et qu'il combat le règne du Christ de toutes ses forces et de toute sa ruse, retenant les hommes actifs aussi longtemps que l'Esprit de Dieu ne les lui arrache pas, il est encore une fois très évident que le libre arbitre ne peut exister."

Luther.jpg

Martin Luther

I Le déterminisme et le non-déterminisme

Le principal obstacle au libre-arbitre est donc le déterminisme. Les évènement déterminés par quelque chose (peu importe que la détermination soit du à des causes, à la volonté divine ou à autre chose) s'opposent au libre arbitre : notre volonté ne peut rien contre eux, ces évènement arriveront nécessairement.

Néanmoins, en regardant les lois actuellement connues de la physique, on y trouve des lois déterministes, avec, parfois (en physique quantique) l'intervention du hasard. Le déterminisme laplacien est donc remis en cause : un évènement n'est pas déterminé entièrement par les causes passé, puisque le hasard peut intervenir.

Nous avons donc identifié une source de non-déterminisme : le hasard.

Comparons maintenant avec le libre-arbitre. Le libre arbitre est la possibilité de choisir indépendamment des causes. Le libre-arbitre permet donc de faire un choix non-déterminé à l'avance.

Nous avons donc deux formes de non-déterminisme :

  • le hasard
  • le libre arbitre

Les deux sont par nature différents (on ne choisit pas le résultat d'un phénomène aléatoire).

Autant les scientifiques ont pu observer le hasard de la mécanique quantique, autant il n'existe aucun phénomène physique non-déterministe connu qui expliquerait le libre arbitre.

Notre propre pensée nous vient de notre cerveau, siège de notre conscience, qui obéit, comme toute choses, aux lois physique. Or, lorsque les savants observent notre cerveau, ils n'y trouvent que les phénomènes physiques/chimiques habituels, on ne voit pas apparaître de nouveaux phénomènes non-déterministe. Un individu ne choisit donc pas : ses choix sont soit prédéterminés, soit aléatoires (soit une combinaison des deux).

Si parfois la pensée humaine nous semble non-déterminée, n'est-ce pas simplement parce qu'elle est trop complexe à prévoir ?

spinoza.jpg

Spinoza

Dans une lettre à Schuller, Spinoza explique, par une habile métaphore, pourquoi et comment nous sommes déterminés :

Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées par des causes extérieures à exister et à agir d'une certaine façon déterminée. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple : une pierre par exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement et, l'impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la pierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d'une certaine manière déterminée.

Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, pense et sache qu'elle fait effort, autant qu'elle peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurément, puisqu'elle a conscience de son effort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elle est très libre et qu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut. Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leur appétits et ignorent les causes qui les déterminent. Un enfant croit librement appeter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu'ensuite, revenu à la sobriété, il aurait voulu taire. De même un délirant, un bavard, et bien d'autres de même farine, croient agir par un libre décret de l'âme et non se laisser contraindre. Ce préjugé étant naturel, congénital parmi tous les hommes, ils ne s'en libèrent pas aisément. Bien qu'en effet l'expérience enseigne plus que suffisamment que, s'il est une chose dont les hommes soient peu capables, c'est de régler leurs appétits et, bien qu'ils constatent que partagés entre deux affections contraires, souvent ils voient le meilleur et font le pire, ils croient cependant qu'ils sont libres, et cela parce qu'il y a certaines choses n'excitant en eux qu'un appétit léger, aisément maîtrisé par le souvenir fréquemment rappelé de quelque autre chose.

Voilà qui, si je ne me trompe, explique suffisamment ma manière de voir sur la nécessité libre et celle qui est une contrainte, comme aussi sur la prétendue liberté humaine, et cela permet de répondre aisément aux objections de votre ami. Il dit avec Descartes : est libre qui n'est contraint par aucune cause extérieure. Si par « être contraint » il entend « agir contre sa propre volonté », j'accorde que dans certaines actions nous ne sommes nullement contraints et qu'en ce sens nous avons un libre arbitre. Mais si par être contraint il entend agir en vertu d'une nécessité (ainsi que je l'ai expliqué) bien qu'on n'agisse pas contre sa propre volonté, je nie que nous soyons libres en aucune action.

Spinoza nie ici que la volonté humaine soit une source de non-déterminisme. Tout le contraire donc de ce que pensait Descartes : "la volonté est tellement libre de sa nature qu'elle ne peut jamais être contrainte". :dev:

II Responsabilité et libre-arbitre

Dans la première partie, nous avons argumenté sur l'inexistence du libre-arbitre. Cependant, cette inexistence pose le problème moral de la responsabilité. Si nous n'avons pas de libre-arbitre, sommes nous quand même responsable ?

Traditionnellement, la responsabilité est fondée sur le libre arbitre. Ainsi, selon Kant, seule la liberté du choix permet d'imputer à la volonté la responsabilité de l'acte. Nous ne serions alors pas responsable des actes que nous n'avons pas choisi de commettre, des actes que nous ne pouvions que commettre, par déterminisme.

Mais est-ce justifié de baser la responsabilité sur le concept de libre-arbitre ?

Imaginons que demain, un chercheur arrive à modéliser complètement le cerveau humain, et montre que nous n'ayons pas de libre-arbitre, que nous sommes entièrement déterminé, et pire, qu'il est possible de prédire ce que nous allons faire ou penser.

Devra-t-on, à cause de ces résultats, dire que personne n'est plus responsable de rien ? devra-t-on libérer immédiatement tous les criminels ?

Il semble évident que non : même en imaginant que nous soyons déterminés, la notion de responsabilité nous serait utile. En réalité, peu importe que nous ayons un libre-arbitre ou pas. Dans tous les cas la responsabilité est un concept dont nous avons besoin. Il en découle que la responsabilité ne peut pas être une conséquence du libre-arbitre.

D'ailleurs, les juristes qui ont établi la notion de responsabilité n'ont jamais cherché à prouver l'existence d'un quelconque libre arbitre. La notion de responsabilité a émergé par nécessité, indépendamment des questions philosophies sur le libre-arbitre.

Remarque : l'absence de libre-arbitre ne signifie pas qu'il est impossible à un condamné de se réinsérer, elle signifie juste que cette réinsertion est du à un mélange de hasard et de nécessité.

III Folie et Libre Arbitre

Le "fou" peut, en droit, être considéré comme irresponsable. L'un des principaux argument en faveur de cet état de fait est que le "fou" ne disposerait plus de son "libre-arbitre". Mais il est évident que si un homme sain d'esprit n'a pas de libre arbitre (voir les parties précédentes), le cinglé n'a pas "moins" de libre arbitre (il n'a pas moins que "zéro" libre-arbitre).

A partir de là, il est possible de se demander si l'irresponsabilité pénale est réellement justifiée.

Car qu'est-ce qui provoque l'irresponsabilité ? L'irresponsable est, celui qui n'a pas choisi (car "fou") de faire les atrocités qu'il a commise. Le responsable est celui qui n'a pas choisi (car "déterminé") de faire les atrocités qu'il a commise.

IV Animalité et Responsabilité

procesAnimaux.jpg

Un procès très cochon

Autant la folie diminue en droit la responsabilité des êtres humains, autant la faible conscience des animaux augmente leur responsabilités vis à vis du droit. La justice pour animaux est (en France mais aussi ailleurs) beaucoup plus expéditive : on arrive très facilement à l'euthanasie.

On pourra constater le paradoxe qu'il y a à exonérer le fou qui n'est pas conscient de ce qu'il fait, et à, en même temps, plus condamné la bête.

Conclusion

L'Homme ne disposerait pas de libre arbitre, mais ce fait ne diminue en rien sa responsabilité devant la loi. Par contre, ce fait nous invite à reconsidérer la manière dont sont jugés les "fous".

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