Bernard
Il n’était pas volubile à la façon d’un Renard,
Disait à peine bonjour, au revoir à la limite
Et comme il avait toujours vécu seul tel un ermite,
À l’usine automobile, on le surnommait Bernard.
Nul n’aurait pu le surprendre à conter dans le détail
Les périples anodins d’une existence rangée,
Ce n’est pas que ce gredin en eût eu l’humeur changée,
Mais il n’avait su apprendre à se confondre au bétail.
Les quelques soirs de virée au bar après le boulot,
Il n’était pas invité ou seulement pour la forme,
Personne n’eut suspecté qu’il déviât de sa norme
Pour le temps d’une soirée aller tâter du goulot.
Lorsqu’il roula sous la table, il fut réduit à chasser
Quelques rumeurs le disant du rang des fous ou des bègues,
Joignant le peu reluisant babil creux de ses collègues
Qu’il eût trouvé lamentable avant de se fracasser.
Depuis cette renaissance, oubliant son sobriquet
On l’appelait par son nom de descendance allemande,
Chaque fois, crénom de nom, on en faisait la demande
Et non sans reconnaissance il venait au bistroquet.
Il mourut, triste ironie, au moment même du pot
De son départ mis sur pied avec grande minutie ;
Avec la Camarde il sied d’apprécier la facétie
Mais nous l’avons bien honnie en ralliant seuls le tripot.
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