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Fondement sur le rapport capital/revenu (Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle)


Docteur CAC

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Mon intérêt pour ce livre est venu assez bêtement : à la sortie du livre les chroniqueurs de Canal+ avaient eu la glorieuse idée de tourner en dérision la complexité du livre autour d'un défi : celui de le lire en moins de 24h de surcroît de 1000 pages rendez-vous compte ! une torture

:mouai:. Au delà d'installer un rituel malsain permettant de mettre en exergue l'ignorance crasse des journalistes, je trouvais intéressant les extraits lu régurgités et cela m’avait au moins permis de comprendre le thème du livre : une analyse historique de l'évolution du capital. Alors je m'étais promis de ne pas faire l’écueil de dire à la suite de la lecture de ce livre "ça y est ! j'ai vu la lumière dans un océan d’obscurantisme qui m’entoure !", faire cela reviendrait à ne pas respecter le travail de l'auteur mais vous pouvez en déduire que si je prends la peine d'écrire un billet sur ce livre c'est qu'il m'a plu ... (qui a dit « Merci Captain Obvious » ?! ).

Dès l'introduction du livre qui sert - pour les aguerries au vocable économique - de contrat de lecture du livre et pour les moins habitués à les rassurer, on comprend la richesse de l'analyse de l'auteur : bien plus qu'une analyse économique alambiquée et ronflante nous avons la promesse de l'auteur d'avoir une vraie dissection historique du système capitaliste. C'est ambitieux mais c'est un beau projet surtout que l'auteur met un accent particulier à expliquer toute la complexité méthodologique que cela provoque.

Nous sommes apparemment à un tournant : les patrimoines se reconstituent à un tel point que l'on pourrait revenir aux rapports du début du siècle dernier (voir Graphique).

Piketty résume « les forces en présence » : il y a déjà eu de la part des économistes une analyse de l'évolution des patrimoines (en France et dans le monde) mais il est clair que travailler sur cette question est très fastidieux du fait de la quantité d'information à traiter et des moyens dont disposent l'économiste. La collecte faite, l'auteur est bien conscient des travers de l'économie à entreprendre des réflexions :

Disons-le tout net : la discipline économique n'est toujours pas sortie de sa passion infantile pour les mathématiques et les spéculations purement théoriques, et souvent très idéologiques, au détriment de la recherche historique et du rapprochement avec les autres sciences sociales.

Aborder la question de l'inégalité, c'est aussi aborder les forces divergentes et les forces convergentes qui ont pu être a l’œuvre dans l'histoire. L'analyse des inégalités peut-elle permettre de retenir une tendance historique ?

Au delà des considérations économiques qui peuvent être fondamentalement idéologiques sous le vernis technique, il y a le débat sans fin lorsque l'on met en relation la justice et l'égalité dans la société (un livre me vient a l'esprit par exemple : l'idée de justice d'Amartya Sen mais bhon la bibliographique est ... je dirais ... développée). Sans vouloir y trouver une réponse, peut-on juste légitimer moralement les possibles inégalités qui peuvent exister dans notre société ? peut-on juste à un moment arrêter d'opposer à l'autre l'argument du pragmatisme ? le principe d'une société juste n'est-elle pas de pouvoir faire coexister une certaine injustice dans la mesure où "les critères" sont moralement et socialement défendables ? disons le tout net : le but de ce livre n'est pas de trouver une solution pour supprimer l'inégalité sociale.

L'inégalité fondamentale des revenus :

Pour commencer il faudrait définir plusieurs notions pour mettre tout le monde au même point : j'en vois 2 principales : le revenu et le capital.

Prenons donc les choses dans l’ordre : définissons ce qu'est un revenu au niveau macroéconomique (autrement dit au niveau d'un pays, d'une région ou d'un continent) :
Le revenu national mesure l'ensemble des revenus dont disposent les résidents d'un pays donné au cours d'une année, quelle que soit la forme juridique que prennent ces revenus.

Ensuite nous avons la notion de capital à préciser :
Dans le cadre de ce livre, le capital est défini comme l'ensemble des actifs non humains qui peuvent être possédés et échangés sur un marché.

Cette définition exclut le capital humain et est entendu comme un synonyme de patrimoine. j'ajoute aussi que le revenu du capital est un élément du revenu national avec le revenu du travail.

L'étude du rapport Capital/Revenu n'est pas un indicateur d'inégalité mais simplement il permet d'être renseigné sur la présence du capital dans une société. Mais nous avons aussi d'autres indicateurs comme le revenu national moyen
au combien perfectible comme tous les indicateurs utilisant une moyenne qui n'offre pas de renseignement sur les disparités dans la population (souvent en économie, on utilisera les indicateurs utilisant la médiane : partageant la population à 50%/50%).

Le rapport capital/revenu en Europe, 1870-2010

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Lecture : le total des patrimoines privés valait entre 6 et 7 années de revenu national en Europe en 1910, entre 2 et 3 années en 1950, et entre 4 et 6 années en 2010.

Source: Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle, 2013, p.54

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On en viendrait alors à attendre que la guerre fasse le ménage ?

Voir graphique :

Voir graphique :

La mise en rapport de la production mondiale et de la population fait bien ressortir un déséquilibre mais surtout que les anciens équilibres sont en train de changer, pas pour tout le monde mais suffisant pour changer "le centre de gravité économique".

La croissance : un mirage ?

Dès la partie sur les revenus, on comprend que faire une comparaison internationale (pour dégager des tendances longues pertinentes) induit d'utiliser les meilleurs outils. Ici l'auteur nous en présente deux : soit on prend en compte l'effet des taux de change que les monnaies peuvent supporter soit on peut parler en PPA.

Si on a pu noter le processus de convergence consistant au rattrapage des pays émergents sur les pays développés, il apparait logique que nous en verrons les effets en relevant les niveaux de croissance. Allons nous revenir à un état stationnaire ? l'auteur laisse à penser que oui et que cela n'aurait rien d'exceptionnel : l'erreur est de croire que nous pourrions retrouver et maintenir le niveau de croissance des 30 glorieuses. Comme nous l'avons vu, la destruction d'une part très importante du capital du fait de la guerre explique en grande partie le rattrapage des 30 glorieuses (Voir graphique :
).

Une autre question se pose : au delà de simplement constater les niveaux de croissance qui peut n'être que la conséquence d'un effet démographique, il faut aussi voir si cette croissance a permis d'améliorer la qualité de vie de la population (toujours dans le but d'analyser les inégalités qui restent encore aujourd’hui très présentes entre les pays émergents et les pays développés). La question de la pertinence des indicateurs économiques est classique mais elle est plus prégnante dans les comparaisons sur le long terme.

En effet, il n'est pas possible d'échapper dans une analyse de long terme à la loi de la croissance cumulée : une croissance faible continue conduit à une croissance importante sur le long terme (Voir graphique :
).

En ayant un regard sur les courbes historiques, on pourrait alors avoir ce que j’appelle un "effet dé-zoom" : en effet il faudrait revenir à une période plus faste. Selon l'auteur nous nous focalisons sur une période de l'histoire exceptionnelle qui peut grandement s'expliquer par les destructions de la guerre. Les références aux 30 glorieuses apparaissent-elles encore alors pertinente ? Est-il si dénué de sens qu'après le rattrapage le rythme de croissance diminue pour devenir stationnaire ?

Cette période de forte croissance accompagnée d'un boom démographique aura au moins permis de retenir une leçon économique sur la relation entre baisse des inégalités sociales et croissance économique forte :
Toutes choses égales par ailleurs, une croissance économique forte tend en effet à avoir un rôle égalisateur, car elle diminue l'importance des patrimoines issus du passé, et donc de l'héritage.

La question n’est pas de prédire avec exactitude l'évolution de la démographie : c'est d'abord en finir avec le réflexe pavlovien de croire au Graal des 30 glorieuses fameuse époque « dorée ». Pour ensuite réfléchir sur les conséquences de la démographie sur le partage de la richesse. En effet, comment pourrait-on imaginer que les choses se seraient passées exactement de la même façon avec une croissance comme celle que nous connaissons aujourd'hui ?

Finalement, la croissance doit être analysée plus finement parce-qu’elle n'est ni un but socialement, économiquement et politiquement tenable sur le long terme ni une variable explicative suffisante. Rien que l’étude et la prise en compte de l'inflation peut aussi donner un aperçu des mouvements que nous pourrions rencontrer (« L'inflation depuis la Révolution industrielle », (p.177)). Donc on voit bien qu'en prenant en considération les éléments d'analyse donnés par l'auteur il serait intéressant d'étudier plus en détail la dynamique de ce rapport Capital/Revenu. Le prochain article sur le sujet sera donc consacré à l'évolution historique de ce rapport Capital/Revenu dans plusieurs pays.

3 Commentaires


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Deux questions me viennent alors :

1) Pourquoi la croissance des Trente Glorieuses n'est pas retrouvable? (La chose doit m'échapper, je pense, à l'heure actuelle)

2) Qu'est-ce qu'une croissance qui peut être considérée comme "convenable" socialement, économiquement et politiquement?

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Bonnes questions :-)

1/ Il faut reprendre le premier graphique et les en déduire les conséquences des guerres mondiales et les mettre en relation avec le rattrapage opéré pendant les 30 glorieuses (5.5% de croissance du PIB). On ne peut pas négliger l'effet de rattrape économique de pays déjà industrialisé grâce au plan Marshall, IDE, à la démographie qui va créer de nouveaux équilibres.

Aujourd’hui on compte beaucoup sur les gains de productivités et sur l'innovation sauf que cela ne peut pas tout faire (et le capital n'a pas était divisé par 2... avec 50 millions de morts ...ce qui est un meilleur moteur de croissance ...c'est cynique mais bon...).

Et puis investir en France a un cout marginal plus élevé, tout simplement : autrement dit pour créer 1 unité de quelque chose il faut plus d’investissement, plus de travail. C'est techniquement pas un problème mais ailleurs c'est moins couteux.

Et sans vouloir revenir à ce niveau de croissance, il faut se souvenir de la loi de la croissance cumulée : même 0.5% par an va au niveau d'une génération être très important., tout dépend pour qui cela profite est dans quelle proportion. alors quand on pense à la loi D'Okun qui préconise un taux de 3% ... bhon j’espère avoir répondu a ta question.

2/ bha la il faudra attendre la suite et partie 2 du livre.

Merci pour la lecture.

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