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A la recherche d'une éthique (un peu) permissive


B3renger

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Nouveau, 25ans Posté(e)
B3renger Nouveau 2 messages
Baby Forumeur‚ 25ans‚
Posté(e)

Chers forumeurs,

J'étais ce matin en train de réfléchir et d'écrire sur l'échec de ma précédente relation amoureuse et à ses raisons, afin d'en tirer peut-être des leçons pour l'avenir, quand j'ai réalisé quelque chose. Pour contextualiser, l'un des points d'achoppement les plus importants de notre relation était qu'elle était polyamoureuse et que je ne l'étais pas. Nous avons commencé notre relation en couple libre, - ce qui me faisait souffrir et que je n'acceptais qu'à contrecoeur, mais ce n'est pas le sujet - jusqu'à ce qu'elle finisse par rompre son autre couple pour que nous ayons tous deux une relation monogame. Elle n'appréciait pas vraiment cette situation et me le faisait sentir, en sous-entendant que j'étais trop jaloux, que la monogamie était malsaine parce qu'elle venait du manque de confiance en soi et qu'elle était possessive. On a finalement rompu pour d'autres raisons, mais ce problème a pas mal empoisonné notre relation sur le long terme.

Cela m'a fait penser que l'un des aspects les plus problématiques de cette discorde était pour moi que je n'arrivais pas à justifier philosophiquement, éthiquement et intellectuellement la monogamie. Au fond de moi, je sentais qu'elle avait raison, que son argumentation était irréfutable ; si je voulais que l'on soit monogames, c'était bien parce que je voulais la garder pour moi, rien que pour moi, et que c'était en partie parce que je manquais de confiance en moi, et qu'autrement j'aurais pu accepter une relation polyamoureuse, parce que j'aurais pu être plus ouvert, moins dépendant, moins jaloux. Je ne suis pas ici pour débattre de la monogamie ; ce que je veux dire, c'est que j'avais fini par ressentir qu'elle avait moralement raison, que si tout le monde était polyamoureux tout irait beaucoup mieux dans le monde et que les relations seraient de manière générale beaucoup plus saines. Et que, malgré ça, je n'ai jamais eu vraiment l'intention d'accepter un couple libre et je ne le veux toujours pas aujourd'hui : il y avait contradiction entre mon incapacité à justifier philosophiquement mes actes et mon incapacité égale à m'en empêcher. Cela m'a parfois amené à paniquer, et à émettre des demandes déraisonnables, qui revenaient pratiquement à d’une part admettre que c’était mal et d’autre part à exiger d’obtenir satisfaction quand même, comme preuve d’absolue fidélité indépendamment de ce qui était bien ou mal.

De manière générale, j’ai besoin de me sentir rassuré quant à mes relations et de savoir que je pourrais compter sur leur soutien en vertu de notre amitié/amour et pas du bien-fondé de mes actions, mais aussi parce que je déteste sentir que ce que je fais est moralement injustifiable, ce qui me pousse à fabriquer une forme de légitimité reposant uniquement sur mes besoins ; c’est-à-dire d’adopter une conception du monde où un acte serait moralement justifié à partir du moment où il répond à un besoin. Si je devais formuler ma position en une phrase, dans le cadre de ma relation avec les autres, ce serait probablement : « je sais que ce que j’attends de toi est moralement injustifiable, mais je veux que tu le fasses quand même par amour pour moi', que tu ne considères pas qu’il s’agisse d’un compromis temporaire et que tu n’essaies jamais de me faire changer d’avis, parce que je veux que ma simple volonté et mes besoins te soit suffisants pour que tu considères qu’il s’agisse de raisons légitimes à l’accepter. Je veux que tu te dises « C’est mal, mais il en a besoin, alors je vais le faire et je l’accepte complètement.'' ». ».

Je sais que c’est tordu, mais je sais aussi que les actes dont je parle renvoient en fait à des comportements, comme la monogamie ou la consommation de biens produits à partir d’une exploitation injustifiée, qui sont partagés par quasiment toute l’humanité. Ce qui pose problème et qui est malsain est uniquement 'mon attitude par rapport à ces actes, ma façon de les conceptualiser comme immoraux et de vouloir les accomplir quand même''. Parce que j’ai une conscience aigüe de ce qui est bien et mal, probablement plus que les autres, qui ont la chance de vivre innocemment, dans le sens où ils font du mal sans s’en rendre compte et obéissent à leurs névroses sans s’en rendre compte. Moi, je m’en rends compte, et contrairement aux autres personnes à en être conscientes, je n’essaie pas de changer mon comportement. Je continue donc d’agir comme tout le monde, sauf que je m’en sens coupable, tout en m’agitant furieusement pour essayer de me légitimer à mes propres yeux, ce qui n’est possible qu’en adoptant un système philosophique légitimant une forme d’égoïsme, l’autre alternative étant d’accepter d’être un être mauvais, ce qui est cependant beaucoup trop douloureux. Je répète que je ne fais rien de plus que la plupart des gens. C’est ça, le pire : je suis par mes actes quelqu’un de tout à fait quelconque. C’est juste que les autres ne se rendent pas compte du mal qu’ils participent à propager. Et est-ce que je crois au fond de moi que la monogamie est mauvaise et qu’un système polyamoureux généralisé serait plus sain, sans jalousie ni frustration ? Oui. Est-ce que j’ai la moindre attention d’accepter une relation libre ? Non.

Et ça s'applique à plein de domaines. J'ai conscience que consommer est mal, que je participe à un système oppressif qui repose sur l'exploitation des pauvres à l'autre bout du monde, je me dis parfois même que la gauche woke a raison en parlant de racisme systémique ; je trouve moralement injustifiable de tuer des animaux pour les manger, - étant donné qu'il existe des alternatives - j'ai conscience de mon impact très négatif sur l'environnement, etc... et pourtant, je ne peux ni ne veux m'arrêter.

Pour résumer, j’aimerais pouvoir continuer de mal agir sans me sentir coupable et en étant pleinement accepté par les autres pour cela. Avec une morale ressemblant à : « Fais du bien quand tu le peux et quand tu en as envie, mais ne te prends-pas trop la tête et pense d’abord à tes besoins, tu en as le droit. ». Ce que je vous demande, ce n'est pas de m'aider à devenir quelqu'un de meilleur, qui serait capable de s'améliorer sur tous ces points. J'ai envie de penser à moi en premier. Ce que je voudrais, ce serait trouver une philosophie qui me permettrait de ne pas changer de comportement tout en ayant une légitimité morale et philosophique cela. Je sais que la morale chrétienne est par exemple fondée sur le pardon de la faiblesse de l'homme, mais qu'elle est conditionnée par un désir sincère de s'améliorer, ce qui n'est pas mon cas, en tout cas pas pour certaines choses. Je ne veux pas dire que je suis un monstre ; juste que je n'ai pas la moindre intention de devenir vegan, polyamoureux, ou d'arrêter de consommer. Et que je veux arrêter de me sentir illégitime à cause de ça. Comme ça, je pourrais dans le même temps me justifier auprès des autres, et leur demander leur soutien en vertu de cette philosophie et de leur amour pour moi plutôt qu'en vertu de ce qui est objectivement bon pour les autres. J'ai très peu de connaissances en philosophie, mais je pense que je peux y trouver une solution, peut-être chez Nietzsche, peut-être chez quelqu'un de complètement différent, je ne sais pas. Est-ce que vous avez des pistes à me proposer ?

En espérant que vous passiez une bonne journée.

 

P.S : l'exemple de la monogamie est davantage un moyen d'entrer dans le sujet qu'une question que je veux aborder sur le fond ; je n'ai pas l'intention d'arrêter la monogamie et je voulais juste donner un exemple pour montrer un cas où je sens être immoral sans avoir l'intention de changer. En gros, est-ce qu'il existe une philosophie justifiant le fait de vivre en pensant d'abord à ses besoins, sans aller jusqu'aux libertaires (je précise en outre que je suis pour un Etat fort et, dans une certaine mesure, conservateur, pour les valeurs républicaines et le patriotisme surtout) ?

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 268 messages
Mentor‚ 33ans‚
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Je me permets de faire remonter ce sujet.

Pour une fois que quelqu'un se présente avec une question, ça mérite d'être souligné, non ?

 

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Membre, 34ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 065 messages
Mentor‚ 34ans‚
Posté(e)

Bonjour @B3renger

Je me permets de vous répondre, non pas parce que je pense pouvoir vous aider, mais parce que je me suis reconnue dans votre problématique. Non pas sur la forme (monogamie ou polygamie), mais sur le fond, soit l'incohérence en général.

J'ai dû lire et relire plusieurs fois ce que vous avez écrit, et même alors, je ne suis pas sûr de bien tout comprendre. Alors ne m'en voulez pas si je suis un peu à côté de la plaque et n'hésitez pas à me le dire.

Je trouve l'analyse de votre comportement face à la monogamie et la polygamie (d'ailleurs vous n'utilisez pas ce mot, mais je préfère utiliser le même champ sémantique), pas tout à fait correct. Votre compagne peut avoir moralement raison, mais ce n'est pas pour autant que sa raison, ses raisons sont transposables à toutes et tous et que ce serait un bienfait pour le monde entier. En déduire que les relations polygames seraient beaucoup plus saines est déjà une contradiction dans votre discourt: moi je ne me sens pas "sain" dans cette situation, mais cette situation que je refuse serait plus saine pour tout le monde. Tout le monde est comme vous et elle: tout le monde voit midi à sa porte.

Je ne vais plus parler de vous, parce que je me sens incapable de faire ceci. Vu que je ressens ce même genre de dilemme, je vais tenter de parler à partir de ce que moi j'ai pu vivre et comment je m'analyse.

J'ai souvent été confronté au problème de la morale. Et je me suis aperçue que la morale qui nous dirige nous est "fournie" à la naissance, c'est à dire qu'elle nous est inculquée et que nous la copions sans l'avoir pour autant choisie. C'est pourquoi je me suis sentie fautive pour tellement d'actions et même de pensées que je trouvais la vie insupportable. A un moment donné, j'ai brisé des codes moraux face à ceux qui m'avaient élevés. Ils m'ont alors maudite, bannie et jugée coupable et condamnée. Leur verdict a été comme une peine de mort, un refus total de ma propre existence. Cette rupture a été salvatrice pour moi, l'action violant la morale marqua le début d'un pèlerinage. La morale dont on m'avait chargé, est devenue "leur" morale et non plus "ma" morale, je ne m'y identifiais plus, je pouvais donc créer ma propre morale, ma propre éthique. J'ai été dépouillée, mise à nue à leur yeux, humiliée par leur morale, mais je me suis renforcée en étant "l'incohérence" du mécanisme de leur morale: leur morale était incompatible avec ce que j'avais fait, et pour autant incompatible avec leur réaction.

Dans ma morale, il n'y a plus ni bien ni mal. Je ne juge jamais des gens, mais des actions, dans le sens où les actions sont améliorables, mais que les gens ne s'améliorent ni ne se détériorent jamais, il n'y a que les actes qui parlent et façonnent le monde. Mais, pardon, je sors du sujet je crois.

Pour en revenir à la phrase qui définirait votre relation aux autres:« je sais que ce que j’attends de toi est moralement injustifiable, mais je veux que tu le fasses quand même par amour pour moi', que tu ne considères pas qu’il s’agisse d’un compromis temporaire et que tu n’essaies jamais de me faire changer d’avis, parce que je veux que ma simple volonté et mes besoins te soit suffisants pour que tu considères qu’il s’agisse de raisons légitimes à l’accepter. Je veux que tu te dises « C’est mal, mais il en a besoin, alors je vais le faire et je l’accepte complètement.'' ». ».

Rien ne me choque dans ce que votre "demande", et je suppose qu'elle est tout à fait possible et réalisable.

Si vous dites que c'est moralement injustifiable, c'est que vous croyez qu'il y a une morale universelle ou tout au moins une morale qui est la même pour vous et votre compagne, est-ce pour autant le cas? Vous exigez l'amour inconditionnel, et pour autant vous n'arrivez pas à concilier le fait que vous demandiez cet amour et que cet autre personne puisse exiger le même amour et que ce soit des demandes incompatibles dans la forme. Les actes sont là pour prouver ou invalider un positionnement par rapport à un but donné. Si quelque chose cloche il faut soit changer les actes soit le but. Oui, changer les partenaires est bien trop aléatoire comme solution!

Si la relation est vécue comme un échange, je trouve qu'il est normal d'installer une relation équilibrée dans le sens où chacun trouve son compte sans jamais pouvoir présenter une facture impayée. Cela dit, ce n'est pas ce genre de relation que je recherche, mais je la trouve tout à fait raisonnable et bien faite.

Je vais abréger un peu et juste lancé des idées qui me sont venues à la lecture de ce que vous avez écrit.

Vouloir s'améliorer est assez malsain, car il y a toujours quelque chose dans le style: "je n'arrive pas à m'accepter tel que je suis, alors je tente de créer une fiction". Alors qu'en réalité, il n'y a pas lieu de s'améliorer, mais d'améliorer des actes par rapport à un but. Enlever les actes ou le but et plus rien n'a de sens ou d'utilité. Remettre en cause des actes et des buts est le seul moyen d'arriver à quelque chose de cohérent et d'acceptable pour moi.

Consommer n'est pas mal, vous vous trompez, vous êtes trompé par une morale qui veut que consommer soit mal. Changer la morale et adaptez la à votre propre conception des choses. Pour autant si vous espérez vous justifier aux yeux des autres, vous êtes incohérent, car vous voulez tout et son contraire sans aucune conséquence. Vouloir créer sa propre morale ou s'encadrer dans une philosophie qui vous justifierai  à vos yeux ne va pas pour autant vous justifier au yeux de tous: tous n'ont pas votre conception. Peut-être que vous recherchez un argument d'autorité qui déresponsabiliserait et que vous pourriez brandir à la face du monde pour que votre propre existence ne soit pas remise en question, que votre image soit honoré par tous. Somme toute c'est tout à fait banal et tout le monde vise à ça, au moins à un moment donné...d'où l'impossibilité de se sentir tout à fait heureux, car tout est toujours remis en question qu'on le veuille ou non.

J'ai trop parlé et j'aimerai avoir votre retour!

Bonne journée à vous aussi.

 

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