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Plénitude.


versys

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Membre, Posté(e)
versys Membre 18 366 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

   La tempête a soufflé toute la nuit.

   Un jour sale se lève sur la côte basque, pluie fine et ciel plombé, comme souvent en janvier, mais le vent s'est calmé.

   Vers huit heures, Patrick prend sa voiture et se dirige vers la corniche, route littorale entre Hendaye et Socoa, qui surplombe l'océan.

   Il conduit lentement, rien ne presse... il croise de rares véhicules et double un groupe de cyclistes espagnols qui roulent au milieu de la route, comme toujours.

   Cette route, il la prend pratiquement tous les jours, et parfois plusieurs fois par jour. Le spectacle de l'océan offre des nuances chaque fois différentes et souvent superbes.   

   Aujourd'hui, il est gris foncé et encore un peu moutonneux, avec de belles vagues, les surfeurs vont se régaler. Ils se fichent comme d'une guigne du temps qu'il fait; leur regard reste fixé sur la hauteur et la fréquence de déroulé des vagues.

   Patrick fait pas mal de photo en amateur, il lui est arrivé de shooter depuis cette corniche, mais ce n'est pas le spot qu'il préfère. Les ports, l'arrière pays, les collines et la montagne offrent une mine inépuisable de sujets et de plans.

   Mais ce qu'il recherche alors, c'est avant tout la capture de la lumière rare, furtive et éphémère  des levers et couchers de soleil, lumière tamisée et rasante unique qui sublime et transforme un paysage ou tout autre sujet en extérieur en oeuvre d'art. Il faut juste être là au bon endroit, et surtout au bon moment, pas une minute avant ou après. Mais il a réussi aussi de superbes plans par temps légèrement brumeux en montagne.

   Ce qu'il recherche aussi et qu'il apprécie tant, c'est le sentiment de plénitude qu'il éprouve dans ces moments là... seul...

   ... comme quand il passe des heures sous son filet de camouflage, acheté dans un surplus militaire, derrière son Nikon et téléobjectif 150-600 à l'affût de chevreuils, renards ou sangliers qui veulent bien se monter... rarement.

   Mais pour la photo, l'inspiration, l'envie, le désir ont abandonné Patrick... tellement de choses l'ont abandonné, et le cocktail Xanax-Paroxetine ne suffit plus depuis longtemps.

   C'est quoi son problème ? ce rejet permanent de toute occasion de partage, d'échange ? Quelqu'un lui a dit un jour qu'il avait un coeur de pierre; une autre a dit qu'il était maso, et qu'il n'y a rien de pire que de vivre avec un maso...

   Mais c'est pas nouveau, ado, déjà, il décevait ses copains et s'est toujours montré infidèle autant en amour qu'en amitié.

   Il se gare sur un des parkings de la corniche, désert ce matin, alors qu'il est envahi de touristes en été qui viennent admirer la vue et faire des selfies... C'est vrai que quand le ciel est dégagé, c'est superbe... la pointe espagnole d'Hondarribia et Pharo de Iguel à gauche, Biarritz plus au loin à droite. Aujourd'hui, on ne voit rien de tout cela.

   Patrick s'avance vers le bord; marée basse, quarante mêtres plus bas, un chaos de feuilletages de rochers tranchants.

   Il s'avance encore... le bout de ses pieds est maintenant au dessus du vide...

 

   enfin......

   

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 17 597 messages
Forumeur confit,
Posté(e)
Il y a 2 heures, versys a dit :

 enfin......

Faut il en déduire qu’en réalisant un selfie, Patrick s’est malencontreusement suicidé  à l’insu de son plein gré du haut de la falaise ? :cray:

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Membre, nyctalope, 40ans Posté(e)
Criterium Membre 2 873 messages
40ans‚ nyctalope,
Posté(e)

Peut-être... mais pas forcément, car l'auteur veut peut-être jouer avec nos émotions. D'ailleurs, au début je me disais qu'il était à l'affût à l'aube et au crépuscule du rare "rayon vert", un chasseur à objectif, prêt à tout pour capturer la furtive image. Mais on dirait qu'il avait d'autres intentions. Sans doute s'intéresse-t-il tout particulièrement à la flore qui ne pousse que sur les aspérités des falaises de la région? Et qu'il faut s'approcher si près du vide pour pouvoir réussir à obtenir le parfait cliché "macro" du spécimen. Ce faisant, il contemple sûrement les roches saillantes, quarante mètres plus bas, sur lesquelles viendront se briser les vagues de la prochaine marée — y'a-t-il des animaux étranges abrités çà et là, attendant celle-ci patiemment? Comme lorsqu'il reste immobile, camouflé en pleine nature, s'aventurant là où l'on ne va pas — la plénitude de l'instant, loin de la cymbale du monde moderne — peut-être est-ce là où se diluent ses défaillances, où s'atténuent ses peines.

:)

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