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Ensauvagement


Jano

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Membre, 55ans Posté(e)
Jano Membre 29 messages
Baby Forumeur‚ 55ans‚
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– Salut, tu t’appelles comment ?

Une main virile se referma sur la sienne.

– Damien.

– C’est lui dont je t’ai parlé, il est de confiance, dit l’autre qui l’accompagnait.

– OK, moi c’est Richard. Ici tu ne verras pas de brutes aux crânes rasés ni d’abrutis néo-nazis, que de bons patriotes. Quelles sont tes motivations ?

Damien devina qu’il n’avait pas intérêt de se planter tant son interlocuteur le fixait droit dans les yeux.

– Je veux me mettre au service de la France. On est en train de se faire bouffer. Par les migrants, par les musulmans, ils ne respectent pas nos valeurs. Tout ce qu’ils veulent c’est profiter du système.

– Grâce à ces pourris de politiciens qui ont ouvert nos frontières. Ils font rentrer les loups dans la bergerie, pour qu’ensuite ils construisent des mosquées et nous mitraillent à la Kalachnikov !

Richard le prit par l’épaule.

– C’est bien Damien, il est temps de se réveiller, de réagir, avant que les étrangers ne s’imposent dans ce pays. On nous dit racistes mais c’est faux, nous sommes juste les protecteurs de la civilisation chrétienne. Suivez-moi.

Il descendit les escaliers sombres de l’atelier désaffecté, jusqu’à une grande salle où s’affairait une dizaine de personnes. Sur les murs on voyait accroché des drapeaux tricolores alternant avec les anciens drapeaux de l’armée vendéenne. Damien se sentait plein d’enthousiasme, enfin il rencontrait de vrais combattants, des purs, pas ces minables de Panthéon qui se contentaient de vociférer sans lever le petit doigt.

– Oh les gars, deux minutes d’attention !

Les visages se relevèrent de leurs occupations en direction du trio.

– On a une nouvelle recrue, un étudiant.

Quelques applaudissements retentirent.

– Un renfort nécessaire car vous le savez, on passe à l’action cette nuit. Ces bâtards vont comprendre qu’ils ne sont pas les bienvenus ici. Le Coran et toutes ces conneries, c’est chez eux !

Murmures d’approbation. Richard reprit avec davantage de virulence.

– Plus ils rentreront dans le pays, plus ils chercheront à reproduire leur putain de mode de vie et détruire le nôtre. S’ils ne sont pas contents de ce qu’ils trouvent en France, qu’ils se barrent ailleurs et on va les aider !

Des poings se levèrent à l’unisson, une vigoureuse Marseillaise retentit que Damien entonna à son tour, ému, sa main posée sur le cœur.

 

* * *

 

Les trois voitures se suivaient à vive allure sous le défilement des néons blafards du périphérique. Jean-Louis, qui avait joué l’intermédiaire, s’adressa à Damien.

– T’as peur ?

– Je ne serais pas là si j’avais peur. La résistance mérite qu’on prenne des risques.

Le passager côté conducteur se retourna vers lui.

– T’inquiètes, on va tuer personne. On veut simplement leur filer la frousse pour les faire décamper. Faut pas qu’ils se sentent en sécurité chez nous.

– C’est où ?

– Au bord de la Seine, près de Saint-Ouen. On a repéré un petit campement. Pour l’instant on peut pas s’attaquer à plus grand mais ça viendra. Les gens en ont marre de la racaille et vont nous rejoindre, c’est sûr.

Le cortège quitta le périphérique, s’engagea dans les boulevards puis à travers un dédale de rues pour gagner une zone reculée. Par liaison téléphonique, les trois véhicules se coordonnèrent pour stationner séparément, non loin d’une poignée de tentes dressées sur les rives de la Seine.

Paresseux, comme s’il était endormi, le fleuve s’écoulait lentement en miroitant d’un éclat spectral. Les moteurs se coupèrent, les coffres s’ouvrir en silence. Dedans matraques, battes et caisses remplis de cocktails molotovs. À leur vue Damien eut un instant d’hésitation.

– On… on est sûr que ce sont des migrants ?

– Bien sûr, que des négros, ils ont rien à foutre ici.

Jean-Louis, planqué derrière un talus, portable à l’oreille, leur fit signe de la main. Sa maigre troupe vint se rassembler auprès de lui.

– J’attends le signal, chuchota-t-il. Bon, on est bien d’accord ? On les chasse puis on crame leur taudis.

Damien tripotait nerveusement sa batte, il sentait le poids des deux molotovs glissés dans sa veste. Son cœur cognait dans sa poitrine, au rythme de l’angoisse qui maintenant commençait à l’étreindre.

– Allez, en avant !

L’ordre résonna comme un appel à devenir le bras armé d’une cause qui ne souffrait d’aucune hésitation. Damien se précipita en hurlant, batte à bout de bras. Il s’engouffra dans la première tente qui se présentait, agrippa une forme et la tira dehors avec violence.

– Casse toi ! Casse toi !

Il découvrit deux yeux hagards, affolés, au milieu d’une face sombre. La forme s’arracha de ses mains et se hâta de disparaître dans la nuit. Damien fut alors bousculé par un acolyte, empoignant un occupant par les pieds pour le traîner dans la poussière. S’ensuivit une avalanche de coups qui fit frémir le jeune homme.

– Hé, on doit juste leur faire peur.

– Ta gueule, faut qu’il s’en souvienne ! Y reviendra pas si on frappe fort !

Tout autour des cris, des silhouettes paniquées tentant d’échapper aux matraques, fuyant en désordre à toutes jambes. Damien aperçut sur sa droite une petite ombre sangloter, seule au milieu de l’agitation. Il s’apprêta à faire un mouvement dans sa direction mais à ce moment elle fut soulevée, emportée entre les bras rapides d’un fuyard. Les fourrés se refermèrent derrière eux.

– Molotovs ! Balancez les molotovs !

Damien reconnut la voix forte de Richard. Les mains tremblantes, il se saisit de son briquet pour allumer le chiffon imbibé d’essence glissé dans le goulot. Déjà les armes incendiaires faisaient leur œuvre, embrasant une par une les tentes désertées. Il distingua alors dans un renfoncement du terrain un abri de fortune, celui-ci était pour lui ! Avec rage il jeta la bouteille contre les mauvaises planches surmontées de bâches en plastique. Les flammes s’élevèrent aussitôt, aidées par le carburant. Il chercha alors des yeux ses camarades quand, soudain, un hurlement de femme lui glaça le sang. Une torche vivante émergea de l’abri en feu, se frappait le corps désespéramment pour tenter d’éteindre les flammes ! Sa longue djellaba flambait, dévorant les cheveux et la chair. Damien resta pétrifié, incapable d’esquisser le moindre geste. Les autres, alertés par les cris, ne bougèrent non plus, tétanisés par la vision de la malheureuse qui allait en tous sens. Sa course folle se termina dans les eaux de la Seine où elle se précipita, tête baissée. Les flots boueux la recouvrirent, l’emportèrent sans qu’il ne fut possible de savoir si elle réapparaissait plus loin.

– On se tire, vite !

Il ne fut pas nécessaire de le répéter tant la bande s’éparpilla vivement vers les voitures. Les portières claquèrent, démarrage sur les chapeaux de roue. La dernière attendit Damien, toujours figé sur la berge. Jean-Louis le pressa :

– Magne-toi, faut pas rester ici ! Les flics vont débouler !

Comme absent, celui-ci ne bougeait pas, le regard perdu dans les eaux qui s’écoulaient en silence vers la mer.

 

 

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 60 735 messages
107ans‚ ©,
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C'est aussi une façon de voir "l'ensauvagement", merci. 

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