Une Histoire Vraie

Une histoire vraie...

Je me dois d'avertir le lecteur qui pourrait trouver le début de ce récit trop rustique, voire trivial ou même vulgaire à son goût : qu'il s'accroche au mieux selon ses capacités de résistance ! Ne dit-on pas "qu'il faut souffrir pour être belle" ?! Qui n'oserait retourner du fumier de ses mains s'il était sûr d'y trouver un trésor ? C'est dans les abîmes les plus noirs et obscurs de notre misérable humanité que plongent et se nourrissent les racines du sublime !...

Donc, j'étais ce jour-là, marchant sur la place du village. Tout devant le Château. Quelque tranchée creusée dans le goudron, sans doute à des fins de voirie, et de tuyauterie se présentant perpendiculairement au sens de ma démarche, d'un léger saut je la franchis. ( Elle n'avait tout au plus qu'une cinquantaine de centimètres de largeur). Mais voilà qu'au zénith de mon saut, je recevais sur mes épaules qui me sautait dessus depuis l'arrière, Élise Paturo !

Stop !  Arrêt sur image !

Déjà vous me demandez comment je fais pour savoir qu'il s'agit bien de cette Élise-là puisque elle m'a sauté dans le dos et que je ne l'ai pas encore vue ? Non, mais est-ce que je vous en pose, moi des questions ? C'est un peu fort, ça, tout de même ! C'est bien moi qui raconte l'histoire non ? Et si je veux que ce soit cette Élise et pas une autre, ce sera elle ! Bon !

Encore dois-je vous la décrire...

Une beauté ! Un petit nez pointu, des lèvres charnues, des joues lisses, parfaites, arrondies mais pas trop, une chevelure très fournie, coiffée en une seule tresse épaisse dans le dos qu'on pourrait croire Walkyriesque si elle était blonde. Mais elle est châtain foncé. Les yeux d’Élise ? Noirs ! MAIS d'une douceur infinie plus un éclair de gaieté, d'amusement et de très longs cils noirs...

Une petite originalité avec ça, ou plutôt un grande : Élise est une GÉANTE ! Elle n'est encore qu'une gamine, mais hors normes ! Si bien que quand elle me tombe sur le dos, pile au dessus de la tranchée, ses 80 kilos, plus mes 80 à moi ça me fait... 160 kilos à supporter ! A vue de nez, j'aurais même dit quatre-vingts plus quatre-vingts, cent quatre-vingts !

Là c'est mon père qui intervient :

-- Tu exagères ! Je ne l'imagine pas plus lourde que moi !

Mon père est très grand, comme moi, mais lui, est tout mince ! Plus d'un mètre quatre-vingts, mais soixante kilos tout au plus ! Il est pénible mon père ! Il veut toujours avoir raison ! Et le pire, c'est qu'il a... toujours raison !

Donc si je refais mon compte, mes quatre-vingts plus les soixante (bon poids !) d’Élise, ça fait tout de même...  CENT QUARANTE KILOS sur le dos !

Vous imaginez ce que je supporte depuis le début de "l'arrêt sur image" ? Je veux bien être costaud, mais tout de même, y'a des limites !

Résultat, bien que je tente de me freiner au mieux sur les côtés de la tranché un pied de chaque côté, je tombe au fond ! Avec Élise sur le dos...

Au fond, au fond... je n'ai pas précisé : ce n'est pas un gouffre ! Disons un mètre, un mètre cinquante tout au plus.

Le problème (c'est là que les âmes sensibles feraient bien de s'éloigner un instant pour me retrouver plus loin), le problème, c'est que le fond de la tranché est... tapissé de merde....

Je vous rappelle qu'il s'agissait de travaux de voirie...

Mais ça m'apprendra ! Hier pour amuser les petits, je leur ai chanté la version potache de Malbrough ! Celle qu'on chantait à tue-tête en promenade, en montant aux Adrets le jeudi après midi, pensant faire enrager les surveillants qui s'en foutaient complètement :

"Malbrough s'en va-t-en guerre !

Les deux mains les deux pieds dans la merde !..."

.......

Etait-ce prémonitoire ? Ou simplement préparatoire ?

........

Enfin, Élise la géante m'a sorti de là ! Je me suis retrouvé assis parterre contre le mur du château, les jambes allongées. M'a-t-elle fait du bouche à bouche ? Je ne sais. En tout cas elle m'a réveillé d'un baiser très goulu... Un baiser de géante !

Passons !

Par la suite, je suis allé me laver à la fontaine de la Place. Mais les "salissures" avaient croûté (!!!) et l'eau ne suffisait pas. J'ai donc demandé à un gendarme qui habitait au coin, près de la maison d'Aîné Marin s'il ne pouvait pas me prêter un savon... ce qu'il a bien voulu faire.

Toujours sans succès ! J'ai alors pensé rentrer chez moi. Là, sous l'évier du cellier, nous tenons plusieurs bouteilles de produits chimiques qui pourraient certainement servir de solvant. Essence de térébenthine, acétone, white spirit ? Après tout il ne s'agit que de... matière organique ?...

Mais je réalise que vous ne savez rien du mystère de la Géante Élise...

Le père Paturo qui avait fui l'Italie de Mussolini s'était engagé dans l'Armée Française. en 40... Et il avait été fait prisonnier. Prisonnier en Allemagne. Laissant sa femme et sa gamine Sylvie seules dans leur ferme de Saint Jean... Et voilà que quand il est revenu d'Allemagne à la fin de la guerre, il n'y avait plus un fille, mais deux auprès de sa femme ! Élise était née ! Fruit du péché... Sa femme avait "fauté", et plus grave : avec un allemand ! (D'où la tresse Walkyienne.) Et peut-être son nom ?

Beethoven, "fur Élise"...

Peut-on se représenter l'ambiance qui a pu régné pendant des années dans la ferme de Saint Jean Là où ils habitaient ? Non ! Lourde assurément. Mais cette ferme en a été considérée par tout le village comme un lieu maudit. Personne ne s'y rendait jamais. Et quand Sylvie, la sœur d’Élise s'est mariée, dans l'église du village, en face de la fontaine aux ablutions : personne !

Personne ne voulait, personne ne daignait "leur" parler... Le mépris était total et général.

Personne ? Non : Mon père ! Lui, il est allé la féliciter Sylvie ! Et il lui a souhaité tout le bonheur du monde...

Pourtant, lui, le "Vicomte des Blaquières" avait bien dû prendre la maquis pour échapper aux allemands pendant la guerre...

Mais je l'ai déjà dit :

"Mon père avait raison" !...

Si l ambiance c est lourde. C est pas maudit c est même plutôt tout l inverse

C'est une vieille histoire ?

Il y a 2 heures, pila a dit :

C'est une vieille histoire ?

Meuh non ! C'est mon rêve de cette nuit !

Après, la guerre de 40, c'est plus vieux, c'est sûr  !

Mais les lieux n'ont pas changé...

Il y a 2 heures, pila a dit :

C'est une vieille histoire ?

Non, Monsieur ! C'est l'Histoire ! AVEC UN GRAND "H" !

"Vous n'aurez pas, l'Alsace et la Lorraine !

 Et Malgré vous, nous resterons français !.....

Tra, la lala ! La, la, la la, lalèreu !....."

Une, deux, une, deux !.....