La petite église d'Angoville-Au-Plain

Actuellement dans mon coin (le Cotentin) nous sommes à bloc dans les commémorations du 75ème anniversaire du débarquement. A cette occasion (c'est comme ça tous les ans d'ailleurs) de nouveaux témoignages ou documents relatifs à cette époque réapparaissent. C'est ainsi que se fait l'histoire...

Je voudrais dans ce cadre, vous raconter l'histoire de la petite église d'Angoville-Au-Plain.

Angoville-Au-Plain, tout petit village (50 habitants environ) de la Manche à proximité d'Utah-Beach, et pas loin de Sainte-Mère-l'Eglise, ne sait pas en ce début juin 1944 qu'il est un lieu hyper stratégique, dans l'optique Alliée d'isoler la presqu'île du Cotentin du reste de la Manche.

Le village est occupé par un fort contingent allemand de grenadiers et par un groupe de commandos parachutistes.

Dans les premières heures du 6 juin 44 des commandos américains, et des soldats du génie de la 101ème air-borne, de l’infanterie du 501ème et du 506ème sont parachutés à proximité du village.

Le village est rapidement et silencieusement investi par les alliés : une trentaine d’allemands se rendent.

Comme le village est calme, (le gros des troupes allemandes avait son campement à l'extérieur du bourg) les 2 infirmiers de la 501ème d'infanterie Kenneth J Moore et Robert E Wright décident d'installer une antenne médicale avancée dans la petite église d'Angoville. Le reste de la troupe américaine continuant d'avancer sur les objectifs.

Mais c'est sans compter sur la résistance des allemands. Résistance à ce point sérieuse qu'ils reprennent le village en fin de journée.

Quand les paras allemands investissent l'église-infirmerie ils s'aperçoivent que les deux infirmiers américains soignent indifféremment leurs compatriotes, mais aussi les soldats allemands blessés ainsi que les civils, victimes co-latérales comme on dit maintenant! Alors ils ressortent et clouent sur le portail de l'église un drap blanc avec une grande croix rouge.

L'antenne médicale de la petite église qui devait être au calme, sera au cœur de la bagarre (mais seul lieu de paix préservé) des premières heures du 6 jusqu'au 8 juin dans la soirée. Durant cette période, le village sera repris puis reperdu plusieurs fois par les deux parties.

Les deux infirmiers soignèrent sans interruption et sans distinction pendant ces 3 jours tous ceux qui se présentaient ou qu'on leur amenait. Ils avaient juste instauré la règle impérative que les blessés des deux armées devaient se débarrasser de leurs armes avant de pénétrer dans l'église-infirmerie. Ils soignèrent ainsi plusieurs dizaines de personnes, militaires et civils, dont un tout jeune enfant.

L'histoire raconte qu'à la fin de cet épisode il y avait un joli tas d'armes des deux armées, mélangées à l'entrée de l'église.

Robert E Wright et Kenneth J Moore ont reçu pour leurs actes héroïques la Silver Cross, et une stèle commémorative en leur honneur est installée à côté de la petite église.

Les 2 héros ont eu l'occasion de revenir en 2002 sur les lieux de leurs exploits, dans l'église elle-même, mais pour une messe cette fois !

Dans la petite église d'Angoville-Au-Plain peu de choses ont changé, si ce n'est un vitrail, depuis installé à la gloire des deux héros. Mais les bancs de l'églises eux, sont les mêmes qu'à l'époque, et on peut y voir encore aujourd'hui les traces (lustrées) du sang des blessés sur lesquels ils furent soignés...

La Normandie regorge d'histoires comme celle-ci, de héros inconnus mais gardés en mémoire sur place, il est des villages comme celui-ci où chaque année on commémore des types qui se sont comporté avec honneur, je ne parle même pas de bravoure. Certains trouve "ringard" ces cérémonies, mais quand on parcours le coin et qu'on tombe régulièrement sur des tombes disséminées dans la campagne de mecs qui sont venus à 20 ans mourir ici, on se marre pas. Ado, je n'ai pris conscience de l'horreur (dont pourtant me parlaient mes parents) que lorsque je suis allé à Colleville et que je me suis trouvé au milieu de ces milliers de tombes, de gars à peine plus vieux que moi, dont certains sont morts avant d'avoir compris ce qui leur arrivait. J'ai aussi compris que e l'autre côté, on leur avait pas non plus trop demandé leur avis..

Dans le même temps s'ils avaient filtré les blessés, ils seraient morts.

J'imagine qu'en temps de guerre, monopoliser les ressources pour l'ennemi réclame un enjeu stratégique loin du romantisme 75 ans plus tard.

il y a 7 minutes, zenalpha a dit :

J'imagine qu'en temps de guerre, monopoliser les ressources pour l'ennemi réclame un enjeu stratégique loin du romantisme 75 ans plus tard.

je suis pas certain qu'ils aient eu le temps de se poser ce genre de question; dans ces coups de temps là, on doit être dans l'action et rien d'autre.

Z'ont peut-être transformé une foulure en amputation des deux jambes.

Du bon boulot.

Il y a 17 heures, BELUGA a dit :

je suis pas certain qu'ils aient eu le temps de se poser ce genre de question; dans ces coups de temps là, on doit être dans l'action et rien d'autre.

Absolument, dans de telles situations ces types là fonctionnent à l'adrénaline, et c'est pas comme on cinéma, si on rate une scène on peut pas la rejouer...!

Un des bancs de l'église encore marqué des traces de sang 75 ans après

Un autre