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Au fil de l'eau...


sagaidatch

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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« Toutes les représentations du monde sont fausses parce qu’elles supposent qu’il existe un monde dont nous nous faisons une image ».

Pensée intéressante. C’est un fait que notre habitude est de nous tenir hors du monde pensant qu’il existe un monde séparé de nous. Mais nous sommes dedans, sans possibilité de ne pas être dedans. Gabriel nous invite à penser autrement.

Quant au mot « monde », il existe bien que le monde n’existe pas. Dès que nous pensons un mot notre réflexe est de croire qu’un objet lui correspond, c’est plus fort que nous. Il s’agit là d’un réflexe inconscient qui s’impose à nous.

Le temps n’existe pas, mais le mot existe, qu’est-ce à dire ? Cela signifie que le temps n’est pas un objet, cela signifie que ce mot ne renvoie pas à un objet mais à une description de tel ou tel événement. Le temps existe seulement si je « décompresse » le mot « temps », et que je dis : le temps c’est le parcours d’une aiguille sur un cadran par exemple. Cela me donne une durée. Et les durées je les place sous le mot « temps ». Nous subsumons les durées sous le concept « temps ». Le temps n’est pas un objet mais un procédé de langage, un procédé de simplification. C’est comme le mot « conscience ». Ce mot ne correspond à aucun objet. C’est un mot descriptif d’un certain état mental. Il en est de même des mots qui désignent une action. Au mot « marche » ne correspond aucun objet, il lui correspond une certaine action. La « marche » n’existe pas, le mot ne désigne en effet aucun objet, le mot désigne l’action de marcher.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Markus Gabriel appelle constructivisme cette théorie selon laquelle nous avons des images du monde, ou des images du monde extérieur. Nous n’avons pas accès au monde extérieur, nous n’avons accès qu’aux effets du monde extérieur sur nos sens. Et le cerveau constitue ou fabrique une image, qui est dite représentation ou encore image du monde, ou encore modèle du monde. Le constructivisme est bien sûr fondé par Kant, mais c’est aussi le constructivisme qui fonde les sciences humaines et surtout les neurosciences.

Le constructivisme a le mérite d’être rationnel mais Gabriel note son défaut, que j’avais moi-même repéré mais que je ne parvenais pas à formuler. Dans le constructivisme quid du cerveau ? Dans le constructivisme tout se passe comme si le cerveau était un donné en soi. Donc le cerveau serait le seul objet de l’univers dont nous n’aurions pas une image, qui serait un donné en soi. Or cela est incompatible avec le constructivisme. Si nous avons de tout une image, une représentation, alors le cerveau lui-même est une image, une représentation. Ce que je dis du cerveau, avec sa matière, ses neurones, ses activités électriques, etc. sont aussi des représentations, des images du monde. Donc le cerveau qui est une représentation fabriquerait des représentations. Une image fabriquerait d’autres images. Le cerveau lui-même ne peut pas exister comme réalité en soi si je vais jusqu’au bout de la logique du constructivisme. Je ne peux être sûr de rien, pas même de l’existence du cerveau dès lors que je suis constructiviste.

Je suis d’accord avec Gabriel, quelque chose ne va pas dans cette théorie de la représentation. Il y a quelque chose de fabriqué dans le constructivisme. Il projette sur le cerveau ce que nous pensons que doit être le scientifique, un être hors du monde qui observe le monde. Kant modélise l’esprit humain comme étant identique au scientifique. Plus tard c’est le cerveau qui sera modélisé (par les neuroscientifiques) comme étant identique, dans son activité, à l’activité du scientifique. Le cerveau modélise (le réel). Mais c’est le scientifique qui pose des images du monde, pas le « cerveau » ou encore : pourquoi le cerveau serait-il un être « scientifique» ?

Le constructivisme ne marche pas. Pourtant je continue de penser que nous sommes « agis » quand nous recevons des impulsions qui mobilisent nos sens. Sortons du carcan de la causalité, et renonçons à ce réflexe imposé par l’inconscient : tout a une cause. Oublions. Donc nous sommes « agis » (et ne cherchons pas à savoir si quelque chose agit). Nous sommes « agis » et nous formons bien des images. Alors il faut en conclure que ces images ne sont pas des représentations de quelque chose qui s’appellerait : le réel. Ces images ne sont pas représentations, ne sont pas des modèles, elles sont autre chose. Quoi ?

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il est plus que probable que les images ou les sensations dont nous prenons conscience sont en fait des informations « travaillées » par l’inconscient. Non pas des informations sur un extérieur que nous contemplerions, mais des informations destinées à permettre l’action (ou la réaction). Ces informations sont le résultat de milliards d’années d’expériences, expériences matérialisées dans nos gènes, notre corps, cette matérialité constituant une mémoire. Nous sommes « mémoire ». Notre corps lui-même est « mémoire ». Ce sont nos constructions intellectuelles qui sont des modèles, des représentations, mais ce qui nous vient à l’esprit à chaque seconde n’est pas représentation, c’est ‘information’ non sur les choses mais sur nos possibilités d’action.

« Le cerveau est fait pour l’action »

Remarque intéressante sur la religion : « En son sens non fétichiste, la religion est cette impression que nous participons à un sens, même s’il dépasse de beaucoup tout ce que nous comprenons ».

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Etoile noire Membre 619 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a un autre problème : lorsque l’être imaginé devient réel, alors l’être imaginaire s'effondre dans l'esprit. 

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.

R.D

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 30/05/2019 à 22:01, Etoile noire a dit :

Il y a un autre problème : lorsque l’être imaginé devient réel, alors l’être imaginaire s'effondre dans l'esprit. 

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.

R.D

Je ne crois plus que les êtres immatériels qui vivent dans nos esprits soient toujours des ombres ou des fantômes comme le suggère Desnos. Certains sont là, ils sont bien présents. Peut-être y a-t-il plusieurs degrés d’intensité dans l’existence.

Quand vous apparaissez ici, je vous perçois bien présente. Cela me trouble, ce sentiment que vous êtes là, présente à moi. Ce qui augmente le trouble c’est ma volonté de vous rendre matérielle. Mais je ne peux pas franchir ce pas qui sépare l’être que vous êtes dans mon esprit et l’être que vous êtes, ailleurs, là d’où vous écrivez. Il est impossible d’identifier les deux. Je pourrais penser alors qu’il y une étrangeté totale entre l’être que vous êtes dans mon esprit et l’être que vous êtes là où vous vivez, là où votre corps gîte. Et pourtant non il n’ y a pas séparation totale entre les deux êtres, il y a un lien entre les deux, quand je parle à l’être immatériel ici je parle aussi à «quelqu’un» qui fait partie de vous, là-bas, d’où vous écrivez. Mais cet être commun aux deux je ne sais pas comment le définir, je ne sais pas qui il est.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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M. Gabriel : « Pourquoi je ne suis pas mon cerveau »

« Le naturalisme part du fait que tout ce qui existe relève du domaine des sciences de la nature, ce qui signifie...que l’on admet...que la matérialisme est vrai » « cette affirmation qu’il n’existe que des objets matériels, des choses qui appartiennent à...la réalité matérielle-énergétique».

Mais alors qu’en est-il de la conscience ?

Cette distinction matériel/immatériel est décidément la distinction la plus éclairante, la plus pénétrante pour distinguer les façons de penser entre elles (peut-être est-ce même le critère de distinction entre la « sensibilité » occidentale et la « sensibilité » orientale).

Mais, sans même parler de la conscience, parlons de choses simples, par exemple le nombre deux est-il matériel ou immatériel ? Est-il réel ou irréel ? Relève-t-il du naturalisme ?

M. Gabriel va partir de ce principe, auquel j’adhère : tout ce qui existe ne relève pas des sciences de la nature, n’est pas physique, n’est pas matériel. « Il existe des réalités non matérielles »

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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L’esprit humain n’est pas un phénomène exclusivement biologique. « L’esprit humain se fait une image de soi et engendre ainsi une multitude de réalités mentales » « Ce processus a une structure historique qui n’est pas achevée » «L’esprit humain ne possède pas de réalité distincte de ces images de soi » « Il existe pour produire des images de soi et il s’incarne dans cette idée qu’il se fait de soi » « C’est pour cette raison qu’il a une histoire , l’histoire de l’esprit » « Le moment où nous sommes de cette histoire de l’esprit, l’époque moderne, produit le neurocentrisme » [le neurocentrisme soutient qu’exister comme être humain doué d’un esprit ne serait rien d’autre que d’avoir un cerveau] en harmonie avec le grand thème actuel : la connaissance par les sciences. «Mais ce que nous avons de plus en plus oublié, c’est historicité de notre époque »

Lutte entre deux théories : le dualisme qui affirme qu’en plus de la chose-cerveau il y aurait aussi dans l’Univers une chose-conscience et le monisme qui réfute cette idée. Le neuromonisme soutient que la chose-conscience est identique au cerveau. Cette attitude sous-entend que la conscience est une chose, c’est là une erreur décisive.

Deux facettes de la conscience. La conscience intentionnelle et la conscience phénoménale. La conscience intentionnelle : s’inscrit dans un but, une intention ; la conscience phénoménale : descriptif du pur phénomène conscient. sans tenir compte d’une quelconque intentionnalité.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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M. Gabriel fait remonter à maître Eckhart la création du Moi. Cette création aboutit à cette idée, chez Eckhart, que Moi et Dieu ne font qu’un. Je ne m’intéresse pas trop à la logique qui le conduit à affirmer cela (vu qu’il existe toujours un cheminement logique pour aller d’un point mental A à un autre point mental B, dès lors qu’on veut, avant tout raisonnement, aller de A à B). Cette identification aboutit à l’expulsion de Dieu, Dieu n’existe plus, n’existe plus que le Moi. «Le Moi élimine Dieu du monde pour prendre sa place».

Ce n’est pas si simple de remplacer Dieu par le Moi pourtant. Il faut faire un effort supplémentaire pour parvenir à remplacer Dieu par le Moi. Certains s’unissent à Dieu, ils deviennent Dieu par fusion avec lui, du coup ils deviennent même dans leur esprit immortels. Pourquoi pas. Certains pensent même que c’est ça la « vraie » foi : s’unir à Dieu et devenir immortel. En fait il s’agit là d’une variante de l’athéisme. Un athéisme audacieux. La plupart des athées ne parviennent pas à réaliser un tel coup de force. Du coup ils restent avec leur Moi, assez désenchantés, car ils ont bien conscience de la limite de ce Moi. Il sombrent souvent dans ce que nous appelons le nihilisme. Mais entre expulser Dieu du monde et tomber dans le nihilisme ou devenir Dieu et se prendre pour un être puissant et immortel (pourquoi pas pour un surhomme) il est probable qu’il existe d’autres chemins de pensée.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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La science reprend les structures de pensée du monothéisme. Elle expulse Dieu de la nature et elle le remplace par le Moi qui observe les choses à la manière de Dieu (avant que ce dernier soit expulsé). L’homme, le Moi, adopte sur les choses le point de vue de Dieu, le point de vue que l’homme attribuait à Dieu. Cela correspond à la thèse du désenchantement de Max Weber. Cette thèse situe dans l’Antiquité le début de ce désenchantement lorsque les prophètes hébreux chassèrent les dieux (du polythéisme) pour ne plus en mettre qu’un à leur place. La nature fut alors vidée des esprits qui l’habitaient. Il en resta tout de même un : Dieu. Mais un seul Dieu c’est plus austère que des milliers de dieux vivant un peu partout, en tout (comme cela se passe en Chine, là-bas il y a des dieux partout, en Inde aussi). De plus ce dieu était un Dieu du désert (selon Weber) c’est dire que ce n’était pas un Dieu marrant (d’ailleurs les Hébreux ont passé leur temps, avant qu’Esdras ne revienne de Babylone, à honorer les dieux des autres peuples surtout les dieux de leurs épouses non israélites). Aujourd’hui le désenchantement est absolu, le Dieu (du désert) a été à son tour viré : il n’ y a plus personne dans l’Univers que soi, que le Moi. C’est flippant.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il arrive un moment où les philosophes finissent par devenir exaspérants. Markus Gabriel renouvelle la philosophie en renouvelant son vocabulaire mais il finit par tomber dans des puits sans fond quand, par exemple, il analyse le Moi. Il ne parvient pas à dire ce qu’est le Moi, dès lors qu’il part du principe que le Moi n’est pas une chose. le Moi est un « être » immatériel. Mais comment définir un être immatériel ? Il n’y arrive pas.

Il gamberge aussi avec l’emploi des mots. Il dit « le monde n’existe pas » sous entendu « nous ne pouvons pas observer le monde de l’extérieur puisque, où que nous soyons, nous sommes toujours dans le monde. Donc le monde n’existe pas en tant qu’objet observable » (Il faudrait se tenir à l’extérieur du monde pour pouvoir l’observer, mais ce n’est pas possible car il n’existe rien en dehors du monde dès lors que nous définissons le monde comme étant la collection des tous les existants). Mais l’idée « monde » existe puisque je parle du monde. Donc le monde n’existe pas mais il existe aussi. Bien sûr tout dépend dans quel champ de sens apparaît le mot « monde ». Mais cela il faudrait tout de même le préciser plutôt que de passer d’un champ de sens dans un autre sans prévenir le lecteur. A moins que le but du philosophe soir de « séduire » son lecteur, ce qui est probable.

Je suis d’accord avec lui quand il estime qu’il semble difficile, au moins pour un occidental, de sortir de monothéisme. Il y a le monothéisme historique, la croyance en un Dieu créateur du monde, doté d’une Volonté qu’il vaut mieux savoir décrypter si nous ne voulons pas finir en enfer. Il y a le monothéisme moderne, dans lequel nous pouvons distinguer deux voies. Le monothéisme du Moi et le monothéisme de la Cause première. Dans le monothéisme du Moi, le Moi est tout (le Dieu historique est remplacé par le Moi-Dieu) monothéisme qui lui-même se divise en deux voies : le nihilisme ou la théorie du surhomme. Le monothéisme de la Cause première est celui des scientifiques ou des rationalistes (les adorateurs de la raison). Il existe une Cause première dont tout dépend, dont tout procède. Bref le monothéisme triomphe : il y a un « être » qui est tout : Dieu, le Moi ou la Cause première. Markus Gabriel a raison sur ce point : les Occidentaux ne parviennent pas à sortir du monothéisme.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Dans son exercice la conscience réflexive se situe dans un extérieur au monde. Dans ce cadre-là cette idée que la division psychique extérieur/intérieur est une illusion prend tout son sens. Le corps même devient un extérieur à soi, le corps lui-même fait alors partie de l’extérieur. La conscience réflexive adopte le point de vue de Dieu. D’où l’identification par maître Eckhart du Moi à Dieu. Moi = Dieu (selon lui). Mais le Moi ainsi défini par maître Eckhart n’est pas le moi d’aujourd’hui, ce n’est pas le moi de la psychanalyse. Le Moi dont parle Eckhart c’est l’être qui adopte le point de vue de Dieu, qui regarde le monde d’un point de vue radicalement extérieur au monde. Le corps et avec lui tout le psychisme (dont le moi de notre époque) est renvoyé dans le monde des objets observables. C’est l’objectivité absolue. La conscience réflexive, dans son exercice, se retire du monde, et observe le monde à la manière de Dieu à partir d’un extérieur qui n’est plus nulle part. Nous pouvons objecter qu’adopter un tel point de vue est impossible, nous agissons comme si c’était possible.

Il faut distinguer la conscience (conscience de) tout court, qui établit une frontière entre extérieur et intérieur, et la conscience réflexive, qui se retire même du soi ou du moi ou du corps. Nous sommes, dans le cadre de la conscience réflexive, dans l’immatériel pur, absolu.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Les « faits » les impressions, les phénomènes arrivent, apparaissent à notre conscience. Plus exactement nous prenons conscience de « phénomènes » qui apparaissent, qui se révèlent. C’est le côté perceptif de la conscience, le côté « passif » disent certains. Nous « recevons ». Les philosophes, des hommes le plus souvent, mettent rapidement de côté la perception interne pour ne parler que des perceptions « externes ». C’est ce que fait Kant quand il parle de la sensibilité ou encore de l’intuition (qui pour lui n’a pas du tout le sens que nous, Français, donnons à ce mot).

Nous prêtons l’existence à ce qui apparaît, à ce dont nous prenons conscience. Ce qui apparaît vient d’un extérieur spatial (la sensibilité des sens, c’est-à-dire, dixit Kant : les sensations, matière du phénomène, lesquelles sensations proviennent elles-mêmes des cinq sens). Mais ce qui apparaît finit toujours par être intériorisé (dans la forme a priori du temps, le temps étant le sens interne pour Kant). Jusque là pas de problème c’est assez cohérent. Sauf que c’est incomplet. Car la perception interne, le sentiment, ce n’est tout de même pas rien, même si Kant balaie cette perception estimant qu’elle relève de la psychologie (qu’il semble dédaigner). Les perceptions internes sont regroupées sous le mot « sentiment », ce mot ayant là encore un autre sens que celui que les Français lui donnent. Sous le mot sentiment j’entends l’ensemble des perceptions internes, c’est-à-dire les sentiments au sens français, plus les impressions type souffrance, plaisir, paix, joie, etc.

Ces sentiments sont aussi appelés aujourd’hui qualia (singulier : quale, attention c’est du latin) ce mot étant utilisé par Gabriel Markus qui est...allemand, qui a bien conscience que la langue française n’est pas vraiment adaptée à la philo et qui fait de son mieux pour différencier les sens possibles d’un même mot lorsqu’il écrit en français.

Ce qui est critiquable chez Kant, c’est qu’il finit par identifier raison et objectivité, si bien que la raison (pure) s’oppose finalement au sentiment (subjectivité). Cette opposition est fausse. La raison s’applique aussi au sentiment. Il vaut mieux opposer, au mot sentiment, le mot : pensée, comme le font certains psy, même si cette opposition n’est pas encore totalement satisfaisante. Mais opposer la raison au sentiment est un abus.

Donc nous prêtons l’existence aux perceptions externes et internes, nous prêtons l’existence à ce que nous recevons. Ce que nous recevons de l’extérieur est mis sous la forme « espace » puis cette forme spatiale est intériorisée sous la forme « temps ». Là dessus je suis ok avec Kant.

Ce qui relève de la perception interne en revanche ne me parait relever que de la forme « temps ».

Quand nous sommes dans une attitude réceptive, nous avons le sentiment que ces perceptions ont une autonomie, que nous ne les créons pas, plus exactement que la conscience ne les crée pas. C’est en tant qu’ « être » conscient que nous partons du principe que ce que nous recevons n’est pas le produit de la conscience, n’est pas conçu par notre conscience, que ce sont des matériaux extérieurs à notre conscience, des matériaux que nous allons ensuite travailler.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Stigmatiser les politiques de droite qui rallient Macron relève d’une certaine innocence d’esprit. Il n’ y a pas ralliement idéologique, il y a ralliement à un chef. La droite a toujours gouverné en France sous la V République. On objectera que Mitterrand était de gauche. Il fut de gauche le temps d’une élection et le temps , trois ans, de 1981 à 1983, d’apparaître pour ce qu’il était : un homme de droite flirtant avec l’extrême-droite. Les combats, à droite, ont toujours été des combats de chefs. L’opposition gauche-droite a toujours été factice, là encore il ne s’est jamais agi que de combats de chefs, gauche et droite ayant toujours défendu le même système politique et économique avec juste quelques variantes marginales (plus ou moins d’État, plus ou moins de social). Les choses sont aujourd’hui claires : Macron a réussi à s’imposer comme chef des droites.

Ce qui est étonnant c’est que, face à la droite, aujourd’hui le bloc qui lui fait pièce n’est pas un bloc de gauche mais un bloc d’extrême droite. A méditer.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Macron a mis fin à la grande hypocrisie selon laquelle la gauche (politique) était opposée à la droite (politique). Il a su réunir gauche et droite sous son seul parti (ou mouvement). Cela dit il y a sans doute des raisons objectives à l’avènement d’une telle unification (pour le moment je ne vois pas lesquelles). Car tout de même l’intérêt de la gauche et de la droite était de fourvoyer les électorats dans des différenciations exagérément dramatisées : première gauche, seconde gauche, droite légitimiste, droite orléaniste, droite bonapartiste. Ces différenciations permettaient de ratisser large.

Maintenant on sort de l’hypocrisie. Toutes ces « tendances » sont subsumées sous la REM. Y a t il une opposition possible ?

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satinvelours Membre 3 006 messages
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La distinction sens extérieur/perception extérieure/sens spatial et sens intérieur/perception intérieure/sens temporel paraît pertinente. La perception extérieure (les cinq sens) confère aux choses perçues un caractère de réalité plus affirmé que la réalité conférée par la perception intérieure aux sentiments (en appelant sentiments l’ensemble des perceptions intérieures). Les objets extérieurs (locution superfétatoire si l’extériorité n’appartient qu’aux objets) s’imposent à nous, dans leur existence, de manière radicale. Impossible de passer outre leur existence sauf à mettre en danger ma propre existence. Alors que je peux, dans une certaine mesure, passer outre mes sentiments. Je peux toujours philosopher sur la réalité ou la non-réalité de la voiture qui m’arrive dessus je finis par choisir de lui donner la réalité et l’existence si je veux survivre. Les monde des objets extérieurs (perçus donc par les cinq sens) est justement composé d’objets c’est-à-dire de réalités localisées dans l’espace (et dans le temps puisque les perceptions extérieures laissent une trace dans le monde des perceptions intérieures, sous la forme d’impressions et de mémoires). Nous avons déjà là un fil conducteur : ce que je ne peux pas localiser, ce que je ne peux pas spatialiser n’est pas : objet. Ainsi l’espace n’est pas un objet. Tous les objets sont dans l’espace mais l’espace n’est pas dans l’espace. L’espace n’est pas un objet perceptible, les tentatives pour le définir à la manière d’un objet seront toujours vaines. L’espace ne fait pas partie du monde extérieur même si nous logeons le monde extérieur dans l’espace.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Les perceptions extérieures et intérieures (ce dont nous prenons consciemment connaissance) ne sont pas des représentations. Ce postulat adopté par les philosophes occidentaux est faux. Nous prenons connaissance d’informations. Ces informations sont sélectionnées en fonction de l’action, de l’action possible, du danger, du danger possible. Aucune perception n’est fondée sur une évaluation préalable d’un « réel » indépendant de nous. « Le cerveau est fait pour l’action ». Les représentations que nous nous faisons ensuite sont le produit d’une délibération consciente. C’est l’activité consciente qui bâtit le « réel » et ses représentations. Ce ne sont pas nos perceptions. Nos perceptions visent à la survie et à la réalisation de nos besoins (survie encore) et désirs (accomplissement de soi). Le mur que je perçois est l’information suivante, élaborée par l’activité inconsciente avant de parvenir à la conscience où l’information se transforme en image (le mur) : dans telle direction, à telle distance, il existe une « compacité » propre à empêcher mon déplacement. C’est tout. Il n’ y a pas considération d’un « réel» il y a considération de phénomènes propres à permettre ou à interdire l’action.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Kant pense que le phénomène est au fond l’empreinte du « réel », de la chose en soi, sur l’esprit humain. C’est en cela qu’il induit le lecteur en erreur. Car il pense alors que l’esprit traite cette empreinte. Or l’esprit ne traite pas une empreinte, il traite un ensemble d’informations. Et c’est ainsi qu’il est possible de lever ce grand mystère propre à la philosophie kantienne : comment se fait-il que l’esprit puisse traiter une réalité, le phénomène, totalement hétérogène avec l’humain, avec la réalité humaine ? Les commentateurs kantiens se cassent les dents sur ce problème et leurs explications sont extrêmement fumeuses. Mais si l’esprit humain ne traite que les informations qui concernent uniquement l’être humain, fait de chair (matière) et de sentiments, alors le mystère s’éclaircit. Car tout ce qui est hétérogène avec l’humain n’est tout simplement pas traité par l’esprit humain. C’est d’ailleurs ce qu’écrit Kant lorsqu’il décrit comment les catégories de l’entendement s’emparent du phénomène pour l’expurger de tout ce qui n’intéresse pas l’humain. Ses descriptions (du traitement des informations phénoménales) sont toujours pertinentes. Ses trois synthèses, la synthèse de l’appréhension dans l’intuition, la synthèse de la reproduction dans l’imagination, et la synthèse de la recognition dans le concept, notamment, sont époustouflantes. Mais sa description est tout de même une spéculation, c’est-à-dire le résultat de son activité consciente. Il tente de décrire la nature de l’activité inconsciente pour expliquer la perception. On peut retenir que l’activité inconsciente ne cherche pas du tout à donner une image d’un soi-disant réel. L’activité inconsciente traite les phénomènes dans la mesure où ils concernent l’humain, dans la mesure donc où ils présentent une menace ou au contraire une opportunité pour l’activité humaine. Cette activité inconsciente ne traite que ce qui est « humain » dans le « réel ».

C’est l’activité consciente qui, ensuite, va construire des modèles ou des représentations. Elle utilise pour cela son versant réflexif. Il ne s’agit plus de la conscience qui appréhende (la conscience de «quelque chose », qui est juste la réceptivité de la perception) elle utilise sa capacité à réfléchir sur ses propres perceptions. Alors, et alors seulement, apparaît tout un monde spéculatif. C’est dans le cadre de l’activité de la conscience réflexive qu’apparaissent les concepts, puis les Idées, Dieu, l’âme, l’esprit etc. Tous ces mots renvoient à l’activité spéculative de la conscience réflexive.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Ce que nous tenons pour vraies ce sont nos perceptions. Avant qu’elles deviennent représentations (re-présentations). Le seul fait de nommer les choses en transforme la nature. Si je découvre une chaîne de montagnes, encore inconnue pour moi, elle me parait floue. Mais si je nomme les sommets et les vallées en me référant à un atlas, soudain la chaîne se précise. Je passe de la simple perception à la représentation. La chaîne m’est re-présentée par le seul fait de pouvoir en nommer les constituants. Notre réflexion (la conscience réflexive) se développe à partir du langage.

L’acte de nommer me fait aussi passer de la perception (réception d’informations) à l’idée qu’il existe un lieu d’émission, un objet-source de ces informations. L’idée qu’il existe un objet source provoque à son tour l’idée que je suis un sujet de réception, d’où la conception d’une séparation radicale entre l’objet source et l’objet réceptif. (D’où aussi cette volonté des Hébreux de ne pas nommer « Dieu » ni de le représenter, puisque dans leur foi, « Dieu » ne peut pas être un objet (fut-il divin), ce qu’il devient forcément s’il est nommé ou représenté).

Qu’est-ce que cela signifie : nommer, et donc accéder à l’idée d’objet ? Cela signifie que nous entrons sous le règne de la causalité. La causalité régule l’activité consciente. Elle est le mode de fonctionnement de la conscience. La causalité induit l’idée d’une source à toute émission d’informations. C’est l’activité consciente , construite autour du langage, qui introduit la causalité, et la construction de l’idée d’objet-source, ou objet-cause en complément de ce qui n’est que perception.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Dans l’action la psyché fonctionne uniment. Le psychisme est tel que toutes ses composantes fonctionnent ensemble.

La conscience apparaît comme un lieu de recension d’informations (perceptions internes et externes) un lieu d’élaboration de modèles, de projets, qui à leur tour deviennent des informations versées dans la psyché.

Dehaene, le Code de la conscience, Odile Jacob, page 228 :

« Lorsque nous prenons conscience d’une information, celle-ci entre dans un système de stockage qui la maintient en ligne et la rend disponible au reste du cerveau » « La conscience est le dispositif qui stocke l’information et la rend disponible à tous les systèmes de décision »

En résumé toutes les sources d’informations : systèmes perceptifs, mémoire, système d’évaluation (valeurs), systèmes attentionnels (tous étant des systèmes inconscients) font converger leurs informations vers « l’espace de travail global » [la conscience] qui redistribue ces informations vers les centres de décision. Dans cette liste de sources d’informations Dehaene oublie les systèmes qui véhiculent les désirs, les pulsions.

Quand aux centres de décision Dehaene ne se prononce pas non plus sur leur nature. Pour ma part depuis les expériences de Libet j’ai la conviction que ces centres sont aussi inconscients.

Je cite Paul Jorion :

« Il est montré, à la fois de manière déductive et en se fondant sur des données expérimentales, que la conscience ne dispose pas d’un pouvoir décisionnel. Son rôle se cantonne à transmettre des instructions au corps en fonction de l’affect qu’engendre et qu’évoque la perception. L’existence du langage permet aux sujets humains de produire un discours d’auto-justification de leurs faits et gestes »

Dans ce passage il y a un vice de forme : opposer conscience et corps. La conscience ne transmet pas les informations au corps mais à des instances mentales ( qui restent mentales fussent-elles inconscientes). Enfin le langage a bien d’autres fonctions que celles que Jorion expose mais il est vrai qu’il a aussi ce rôle d’auto-justification.

Le fait que les centres de décision soient inconscients ne ruine pas l’idée de liberté. Car la décision devient à son tour une information que la conscience peut traiter (dans son activité imaginative d’élaboration de modèles).

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  • 3 semaines après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Jeudi 4 juillet 2019

Dans « Fin de partie » (Samuel Beckett), Clov, à un moment, dit à Hamm : « Quelque chose suit son cours ».

Cette réplique me marqua alors que j’assistais à la représentation de cette pièce dans je ne sais plus quel théâtre parisien. La pièce me déprimait, elle m’ennuyait, mais cette réplique capta mon attention. « Quelque chose suit son cours ». Ma certitude aujourd’hui est que « quelque chose » suit bien son cours. Mais il m’est impossible de préciser quoi que ce soit à propos de cette « chose» qui n’est d’ailleurs pas une « chose » mais qui ne me paraît pas être non plus un « être ».

Il me semble que savoir que « quelque chose » suit son cours, dès lors qu’il ne s’agit plus d’une hypothèse, mais d’une conviction, apaise mon angoisse. Pourtant non seulement il m’est impossible de préciser la nature de cette chose mais en plus il m’est impossible d’en préciser le cours.

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