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« Boire un grand bol de sommeil noir... »

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satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Précieuse, la petite gitane de Lorca : Preciosa en el aire, cité ci-dessus, tire son nom d’un poème de Cervantes qu’il ma paru intéressant de faire figurer ici.

 

Cuando Preciosa el panderete toca
y hiere el dulce son los aires vanos,
perlas son que derrama con las manos;
flores son que despide de la boca.

 Suspensa el alma, y la cordura loca,
queda a los dulces actos sobrehumanos,
que, de limpios, de honestos y de sanos,
su fama al cielo levantado toca.

 Colgadas del menor de sus cabellos
mil almas lleva, y a sus plantas tiene
Amor rendidas una y otra flecha.

 Ciega y alumbra con sus soles bellos,
su imperio Amor por ellos le mantiene,
y aún más grandezas de su ser sospecha.

 
Traduction : Jean Carnavaggio

Lorsque précieuse touche son tambourin,
Et que l’aimable son frappe les airs légers,
Ce sont des perles qu’elle répand de sa main,
Et d’odorantes fleurs qui tombent de ses lèvres.

L’âme reste en suspens, la sagesse défaille
À la surnaturelle douceur de son jeu,
Dont les purs accents, si chastes et si honnêtes, 
Portent sa renommée au plus haut des cieux.

À jamais suspendues à son moindre cheveu,
Elle entraîne mille âmes, pendant qu’à ses pieds
Amour vient déposer l’hommage de ses flèches.

Le soleil de ses yeux aveugle et illumine,
Amour, par leur vertu, assure son empire
Et laisse deviner de plus puissants prodiges.

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Romance de la pena negra 

A José Navarro Pardo


Las piquetas de los gallos 
cavan buscando la aurora, 
cuando por el monte oscuro 
baja Soledad Montoya. 
Cobre amarillo, su carne, 
huele a caballo y a sombra. 
Yunques ahumados sus pechos, 
gimen canciones redondas. 
Soledad, ¿por quién preguntas 
sin compaña y a estas horas? 
Pregunte por quien pregunte, 
dime: ¿a ti qué se te importa? 
Vengo a buscar lo que busco, 
mi alegría y mi persona. 
Soledad de mis pesares, 
caballo que se desboca, 
al fin encuentra la mar 
y se lo tragan las olas. 
No me recuerdes el mar, 
que la pena negra, brota 
en las tierras de aceituna 

bajo el rumor de las hojas. 
¡Soledad, qué pena tienes! 
¡Qué pena tan lastimosa! 
Lloras zumo de limón 
agrio de espera y de boca. 
¡Qué pena tan grande! Corro 
mi casa como una loca, 
mis dos trenzas por el suelo, 
de la cocina a la alcoba. 
¡Qué pena! Me estoy poniendo 
de azabache carne y ropa. 
¡Ay, mis camisas de hilo! 
¡Ay, mis muslos de amapola! 
Soledad: lava tu cuerpo 
con agua de las alondras, 
y deja tu corazón 
en paz, Soledad Montoya.

                     *

Por abajo canta el río: 
volante de cielo y hojas. 
Con flores de calabaza, 
la nueva luz se corona. 
¡Oh pena de los gitanos! 
Pena limpia y siempre sola. 
¡Oh pena de cauce oculto 
y madrugada remota!

 

Traduction André Belamich 

 Romance de la peine noire

 
Les pics sonores des coqs
font une brèche à l’aurore, 
quand de la colline sombre 
descend Soledad Montoya. 
Cuivre jaune, tout son corps 
fleure la cavale et l’ombre. 
Ses seins, enclumes noircies,
gémissent des chansons rondes. 
Soledad, qui cherches-tu, 
solitaire, au point du jour ? 
Que je cherche qui je cherche, 
dis-moi si cela t’importe ! 
Je cours après un seul but, 
mon bonheur et ma raison.
Soledad de mes chagrins, 
la cavale qui s’emporte 
finit par trouver la mer 
et les vagues la dévorent.
Ne parle pas de la mer, 
car la peine noire pousse 
dans la terre aux oliviers 
sous la rumeur de leurs branches. 
Soledad, quelle pitié ! 
Quelle peine désolante ! 
Tu as des pleurs de citron, 
aigres de lèvre et d’attente. 
Quelle peine ! Je traverse 
ma maison comme une folle, 
mes cheveux traînant par terre 
de la cuisine à l’alcôve. 
Une peine qui rend comme 
du jais ma chair et ma robe.
Ah, mes  chemises de fil ! 
Ah, mes cuisses de pavot ! 
Dans la source aux alouettes, 
Soledad, lave ton corps, 
et puis laisse reposer 
ton cœur, Soledad Montoya.

                              *

Tout en bas chante un ruisseau, 
volant de ciel et de feuilles. 
Des fleurs de la calebasse 
se couronne le jour neuf. 
O la peine des gitans ! 
Peine pure et solitaire. 
Peine de rive secrète 
et de matinée lointaine !

 
Dans ce poème sont rassemblés tous les thèmes de prédilection de Lorca : gitans, chevaux, mer, tristesse.
Le peuple gitan devient un symbole, il symbolise tous les opprimés, tous les marginalisés et à travers lui toute l’Andalousie profonde et oubliée. Le cheval c’est la passion, la mer c’est très souvent la mort, le noir est associé au deuil à la douleur il anticipe aussi souvent la mort. Quant à Soledad, elle est la condamnation inexpliquée, permanente, rigoureuse des personnes marginalisées. Pourtant elle a tout, elle est belle, elle est jeune – sa poitrine, ses cuisses, la couleur de sa peau – et malgré cela cette plénitude est condamnée à la solitude. José Carlos Aranda.

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Gacela del amor desesperado 


La noche no quiere venir
para que tú no vengas 
ni yo pueda ir. 

Pero yo iré 
aunque un sol de alacranes me coma la sien. 

Pero tú vendrás 
con la lengua quemada por la lluvia de sal. 

El día no quiere venir 
para que tú no vengas 
ni yo pueda ir. 

Pero yo iré 
entregando a los sapos mi mordido clavel. 

Pero tú vendrás 
por las turbias cloacas de la oscuridad. 

Ni la noche ni el día quieren venir 
para que por ti muera 
y tú mueras por mí.

 

Traduction : Claude Couffon et Bernard Sesé 

 Gacela de l’amour désespéré 

 La nuit refuse de venir 
afin que tu ne viennes pas, 
et que moi je ne puisse aller. 

 Mais moi j’irai, 
quoique mange ma tempe un soleil de scorpions. 

Mais toi tu viendras 
avec ta langue brûlée par la pluie de sel. 

Le jour refuse de venir 
afin que tu ne viennes pas 
et que moi je ne puisse aller. 

Mais moi j’irai 
livrant aux crapauds mon œillet brisé. 

Mais toi tu viendras 
par les cloaque troubles de l’obscurité. 

La nuit ni le jour ne veulent venir 
afin que je meure pour toi 
et que toi tu meures pour moi.

 

Ce poème est tiré de " la sublime désespérance " du Divan du Tamarit 

 

 

 

 

Merveilleuse interprétation de Amancio Prada.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Muerto de amor

 A Margarira Manso


¿Qué es aquello que reluce
por los altos corredores?
Cierra la puerta, hijo mío,
acaban de dar las once.
En mis ojos, sin querer,
relumbran cuatro faroles.
Será que la gente aquélla
estará fregando el cobre.
 

                       * 

 Ajo de agónica plata
la luna menguante, pone
cabelleras amarillas
a las amarillas torres.
La noche llama temblando
al cristal de los balcones,
perseguida por los mil
perros que no la conocen,
y un olor de vino y ámbar
viene de los corredores.

                     *

Brisas de caña mojada
y rumor de viejas voces,
resonaban por el arco
roto de la media noche.
Bueyes y rosas dormían.
Solo por los corredores
las cuatro luces clamaban

con el fulgor de San Jorge.
Tristes mujeres del valle
bajaban su sangre de hombre,
tranquila de flor cortada
y amarga de muslo joven.
Viejas mujeres del río

lloraban al pie del monte,
un minuto intransitable
de cabelleras y nombres.
Fachadas de cal, ponían
cuadrada y blanca la noche.
Serafines y gitanos
tocaban acordeones.
Madre, cuando yo me muera,
que se enteren los señores.
Pon telegramas azules
que vayan del Sur al Norte.
Siete gritos, siete sangres,
siete adormideras dobles,
quebraron opacas lunas
en los oscuros salones.
Lleno de manos cortadas
y coronitas de flores,
el mar de los juramentos
resonaba, no sé dónde.
Y el cielo daba portazos
al brusco rumor del bosque,
mientras clamaban las luces
en los altos corredores.


Traduction : André Belamich 


Mort d’amour


Qu’est-ce qui brille là-bas 
dans les profond corridors ? 
Ferme la porte, mon fils, 
entends-tu ? Onze heures sonnent. 
Dans mes yeux, sans le vouloir, 
je vois luire quatre lampes. 
sans doute, chez les voisins 
c’est du cuivre que l’on frotte

                      *

Ail ’d argent qui agonise, 
la lune en décroissant pose 
à la tête des tours jaunes 
de longues crinières fauves. 
La nuit vient frapper tremblante 
à la vitre des balcons, 
poursuivie par la meute 
des mille chiens qui l’ignorent. 
Une odeur de vin et d’ambre 
s’exhale des corridors.

                      *

La rumeur des voix anciennes, 
le souffle humide des joncs, 
retentissent sous l’arcade 
brisée de minuit profond. 
Les bœufs dormaient et les roses. 
Seules dans les corridors 
les quatre lueurs clamaient 
une fureur de Saint-Georges. 
Les tristes femmes du val 
descendaient le sang de l’homme, 
calme de la fleur coupée, 
douleur de la cuisse jeune.
Les vieilles de la rivière 
pleurèrent au pied des monts 
un instant infranchissable 
de chevelure et de noms. 
Façades de chaux, la nuit 
se taillait en carrés blancs. 
Séraphins et bohémiens 
jouaient de l’accordéon.
Mère, lorsque je mourrai,
fais-le le savoir aux patrons 
par des télégrammes bleus 
qui volent du Sud au Nord. 
Sept cris et sept jets de sang
avec sept doubles pavots 
brisèrent d’opaques glaces 
au plus obscur des salons. 
Couverte de mains coupées
flottant parmi des couronnes, 
résonnait je ne sais où 
la mer sombre des serments.
Aux brusques rumeurs du bois 
le vent secouait les portes, 
tandis que clamaient les lueurs 
dans les profonds corridors.


Muerte de amor est le treizième poème du recueil Primer romancero gitano qui en comprend dix-huit.

Margarita Manso, à qui ce poème est dédié, était une grande amie de Lorca appartenant, comme lui, au cercle littéraire de la génération 27.
Il fut publié pour la première fois dans le magazine « littoral » en octobre 1927.
Ce romance traite de l’agonie et de la mort d’un jeune amoureux qui sent d’abord sa fin et prévoit ensuite son enterrement, puis dicte ses dernières volontés à sa mère. Il a aimé mais il fut trahi par sa bien-aimée.
La mort, la peur, la lune, les couleurs sont présentes dans ce poème comme dans tout le romancero.

 

Deux interprétations, deux sensibilités différentes, totalement différentes !

 

 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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C'est vrai, c'est très différent... et finalement, pas tant que ça !

Le texte, l'esprit, le rythme intérieur de Lorca, semble  passer par dessus... Il a imposé dans les deux cas une approche comment dire?... "moderne"... décousue, "accumulative"; précise... Je ne sais pas si je me fais comprendre...  Les deux sont comme obligés de dire son texte tel quel.... les deux sont bons...

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Sorpresa

A Jorge Zalamea

Muerto se quedó en la calle
con un puñal en el pecho.
No lo conocía nadie.
¡Cómo temblaba el farol!
¡Madre!
¡Cómo temblaba el farolito
de la calle!
Era madrugada. Nadie
pudo asomarse a sus ojos
abiertos al duro aire.
Que muerto se quedó en la calle
que con un puñal en el pecho
y que no lo conocía nadie.

 

Traduction : Félix Gattegno

Embuscade

 Il est resté mort dans la rue,
un poignard dans la poitrine,
Personne ne le connaissait.
Comme tremblait la lanterne !
Mère,
Comme elle tremblait la petite lanterne 
de la rue !
C’était au petit matin. Personne
ne put se pencher sur ses yeux
ouverts à l’air dur.
Et il resta mort dans la rue,
un poignard dans la poitrine,
Et personne ne le connaissait.

 

Autre traduction : Pierre Darmangeat

Surprise

Mort il resta dans la rue, 
un poignard dans la poitrine.
Nul ne le connaissait.
Comme tremblait le réverbère !
Mère !
Comme tremblait le réverbère 
de la rue !
C’était à l’aube. Nul 
ne put paraître à ses yeux 
ouverts dans l’air dur.
Mort, oui mort il resta dans la rue, 
et un poignard dans la poitrine, 
et nul, nul ne le connaissait.

 

Sorpresa est tiré de Poema de la soleá .


La puissance émotionnelle de ce poème réside dans la description du cadavre les yeux ouverts, à l'air froid, scène figée opposée au seul élément mouvant : la lanterne agitée par le vent. La lumière qui illumine la scène crée la surprise des passants découvrant le cadavre inconnu gisant dans la rue, un poignard dans la poitrine.


 

 

 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, satinvelours a dit :

Sorpresa

A Jorge Zalamea

Muerto se quedó en la calle
con un puñal en el pecho.
No lo conocía nadie.
¡Cómo temblaba el farol!
¡Madre!
¡Cómo temblaba el farolito
de la calle!
Era madrugada. Nadie
pudo asomarse a sus ojos
abiertos al duro aire.
Que muerto se quedó en la calle
que con un puñal en el pecho
y que no lo conocía nadie.

 

Traduction : Félix Gattegno

Embuscade

 Il est resté mort dans la rue,
un poignard dans la poitrine,
Personne ne le connaissait.
Comme tremblait la lanterne !
Mère,
Comme elle tremblait la petite lanterne 
de la rue !
C’était au petit matin. Personne
ne put se pencher sur ses yeux
ouverts à l’air dur.
Et il resta mort dans la rue,
un poignard dans la poitrine,
Et personne ne le connaissait.

 

Autre traduction : Pierre Darmangeat

Surprise

Mort il resta dans la rue, 
un poignard dans la poitrine.
Nul ne le connaissait.
Comme tremblait le réverbère !
Mère !
Comme tremblait le réverbère 
de la rue !
C’était à l’aube. Nul 
ne put paraître à ses yeux 
ouverts dans l’air dur.
Mort, oui mort il resta dans la rue, 
et un poignard dans la poitrine, 
et nul, nul ne le connaissait.

 

Sorpresa est tiré de Poema de la soleá .


La puissance émotionnelle de ce poème réside dans la description du cadavre les yeux ouverts, à l'air froid, scène figée opposée au seul élément mouvant : la lanterne agitée par le vent. La lumière qui illumine la scène crée la surprise des passants découvrant le cadavre inconnu gisant dans la rue, un poignard dans la poitrine.


 

 

 

Le poème est très fort.

La musique de style arabe, vraiment solide et en accord.

 Un bémol (!!!) sur toutes ces vocalises qui me semblent un peu inutiles et surfaites, exagérées...

Je dis ce que je pense, ce que je sens hein ?

Je crois que ça gagnerait à moins tourner autour de certaines notes. Peut-être un peu, mais pas autant. Bien sûr on peut le ressentir autrement, j'imagine.... :)

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Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
Posté(e)
Le 27/04/2019 à 14:43, Blaquière a dit :

Le poème est très fort.

La musique de style arabe, vraiment solide et en accord.

 Un bémol (!!!) sur toutes ces vocalises qui me semblent un peu inutiles et surfaites, exagérées...

Je dis ce que je pense, ce que je sens hein ?

Je crois que ça gagnerait à moins tourner autour de certaines notes. Peut-être un peu, mais pas autant. Bien sûr on peut le ressentir autrement, j'imagine.... :)

Je suis de ton avis. Peut-être aurait-il fallu davantage de sobriété dans l'interprétation.

Mais comme tu le soulignes, la musique est de style arabo-andalou, il me semble donc que cela reste dans le ton.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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¡Ay, qué prado de pena!
¡Ay, qué puerta cerrada a la hermosura!,
que pido un hijo que sufrir, y el aire
me ofrece dalias de dormida luna.
Estos dos manantiales que yo tengo
de leche tibia, dos pulsos de caballo,
que hacen latir la rama de mi angustia.
¡Ay, pechos ciegos bajo mi vestido!
¡Ay, palomas sin ojos ni blancura!
¡Ay, qué dolor de sangre prisionera
me está clavando avispas en la nuca!
Pero tú has de venir, amor, mi niño,
porque el agua da sal, la tierra fruta,
y nuestro vientre guarda tiernos hijos
como la nube lleva dulce lluvia.


 Traduction : M. Auclair, P. Lorenz, A. Belamich 

 

Ah ! pâturage de longue peine ! 
Porte fermée à la beauté ! 
Je demande à souffrir pour un fils, et la brise 
m’offre des dahlias de lune endormie. 
Et ces deux sources de lait tiède 
sont dans l’épaisseur de ma chair 
comme deux pulsations de cheval
qui font mieux battre mon tourment 
Ô seins aveugles sous ma robe, 
colombes sans yeux, sans blancheur, 
la douleur du sang prisonnier 
me cloue des guêpes dans la nuque. 
Mais tu viendras, amour, mon enfant, 
car l’eau donne le sel, la terre du fruit 
et le ventre des femmes porte des enfants, 
comme la nue porte la douce pluie.

 

Yerma- Acte II- deuxième tableau

Yerma est une pièce de théâtre écrite en 1934.

 Mariés depuis deux ans, Yerma* et Juan n'arrivent toujours pas à avoir d'enfant.
Juan semble accepter et s'enferme dans le travail cherchant à faire de son exploitation agricole une entreprise prospère et florissante. Yerma, au contraire, refuse de se soumettre à la fatalité et cherche par tous les moyens à conjurer le sort.
Cette obsession introspective de Yerma va conduire Juan à la soupçonner de tout. Les attitudes opposées et acharnées de l'un et l'autre vont détruire le peu d'amour qui semblait encore tenir le couple. Chacun devient un étranger au sein de son propre foyer.
Après cinq ans, le couple exsangue ne paraît plus voué qu'à la destruction et à la mort.

 « Yerma, c’est le destin tragique d’une femme qui, mariée depuis cinq ans ne peut avoir d’enfants, bascule dans une psychose meurtrière en tuant son mari.
Dans cette œuvre Lorca dénonce le système rural d’une Espagne ancrée dans ses croyances et ses superstition, la cupidité des hommes et leur machisme ainsi que la soumission des femmes enfermées dans des codes moraux rigides. »

(Alternance de prose et de passages versifiés).


*Yerma veut dire terre dépeuplée, stérile.

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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No te pude ver
cuando eras soltera,
mas de casada
te encontraré.

Te desnudaré
casada y romera,
cuando en la noche
las doce den.


 

Traduction :  M. Auclair, P. Lorenz, A. Belamich 

 

Je ne t’ai pas connue 
lorsque tu étais fille, 
mais je t’approcherai 
une fois mariée. 
Je te dévêtirai,
épouse et pénitente, 
quand dans l’obscurité 
minuit aura sonné.

 Yerma- Acte II- Dernier taberau

 

 

 

¡Ay, qué blanca
la triste casada!
¡Ay cómo se queja entre las ramas!
Amapola y clavel serás luego,
cuando el macho despliegue su capa.

 

Si tú vienes a la romería
a pedir que tu vientre se abra,
no te pongas un velo de luto,
sino dulce camisa de holanda.

Vete sola detrás de los muros,
donde están las higueras cerradas,
y soporta mi cuerpo de tierra 
hasta el blanco gemido del alba.
cómo se cimbrea la casida.
¡Ay cómo relumbra!
¡Ay cómo relumbraba!

¡Ay, como se cimbrea la casada!


 Traduction : M. Auclair, P. Lorenz, A. Belamich 

 

Ah, comme elle est blanche, 
la triste épousée ! 
Comme elle gémit sous les branches ! 
Mais dans la cape déployée 
du mâle elle sera bientôt 
œillet et coquelicot. 

 Si tu viens en pèlerinage 
demander que s’ouvre ton ventre, 
ne mets pas un voile endeuillé 
mais douce flanelle de Hollande. 
Va-t’en seule au-delà des murets
où sont enfermés les figuiers
et supporte mon corps de terre
jusqu'au gémissement de l'aube.
Ah ! comme elle scintille !
comme elle resplendit !
comme vibre l'épousée !

Yerma- Acte II- Dernier tableau

Cette violence qui donne à la fatalité des drames de Lorca une intensité bouleversante, c'est peut-être dans Yerma qu'elle est exprimée sous une forme la plus brutale. Louis Parrot.

Lorca qualifiait d'ailleurs cette oeuvre de "poème tragique".

 

 

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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El poeta pide a su amor que le escriba


Amor de mis entrañas, viva muerte, 
en vano espero tu palabra escrita 
y pienso, con la flor que se marchita, 
que si vivo sin mí quiero perderte. 

El aire es inmortal. La piedra inerte 
ni conoce la sombra ni la evita. 
Corazón interior no necesita 
la miel helada que la luna vierte. 

Pero yo te sufrí. Rasgué mis venas, 
tigre y paloma, sobre tu cintura 
en duelo de mordiscos y azucenas. 

Llena pues de palabras mi locura 
o déjame vivir en mi serena 
noche del alma para siempre oscura.

 

Traduction André Belamich 

 Le poète demande à son amour de lui écrire

Ô vive mort, amour de tout mon être, 
j’espère vainement ton signe écrit 
et pense avec la fleur qui se flétrit 
que si je vis sans moi autant de perdre. 

Oui, l’air est immortel. La pierre inerte 
ne connaît l’ombre et non plus ne l’évite. 
Cœur intérieur, de rien ne lui profite 
le miel glacé que la lune lui verse. 

Mais moi je souffre et j’ai ouvert mes veines 
dans un tourment de lys et de morsures, 
tigre et colombe au-dessus de ton sein. 

Apaise donc d’un mot cette brûlure 
ou bien laisse-moi vivre en ma sereine 
nuit de l’âme à tout jamais obscure.

 
Mythique sonnet dans lequel Lorca dévoile sa sombre vérité.
« noche del alma siempre oscura », on peut y voir une allusion au poème de San Juan de la Cruz « Noche oscura del alma ». Mais l’âme obscure du poète, dont il est fait référence ici est, peut-être, l’homosexualité à peine dévoilée dans une société obscurantiste et intolérante.

 

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Soneto gongorino en que el poeta mana a su amor una palo ma

 

Este pichón del Turia que te mando, 
de dulces ojos y de blanca pluma, 
sobre laurel de Grecia vierte y suma 

llama lenta de amor do estoy pasando. 


Su cándida virtud, su cuello blando, 
en limo doble de caliente espuma, 
con un temblor de escarcha, perla y bruma 
la ausencia de tu boca está marcando. 


Pasa la mano sobre tu blancura 
y verás qué nevada melodía 
esparce en copos sobre tu hermosura. 


Así mi corazón de noche y día, 
preso en la cárcel del amor oscura, 
llora, sin verte, su melancolía.

 

Traduction : André Belamich 

 

Sonnet à la manière de Gongora dans lequel le poète envoie à son amour une colombe

 

Ce pigeon de Turia qui te retrouve
avec ses tendres yeux, ses blanches plumes, 
sur un laurier de Grèce verse et résume 
la lente flamme d’amour que je souffre. 

 
Sa candide vertu, son col si doux, 
en un double limon d’ardente écume 
tout frissonnant de givre, perle et brume, 
marquent pour moi l’absence de ta bouche. 


Passe la main sur sa blanche vêture : 
Tu la verras, neigeuse mélodie, 
recouvrir de flocons ta beauté pure.


 Ainsi mon cœur, prisonnier jour et nuit 
dans la cellule de l’amour obscure 
sans te voir pleure sa mélancolie.

 

La colombe est un symbole amoureux et érotique dans la tradition classique du lyrisme hispano arabe. Dans différents sonnets de Luis de Góngora, l’absence de la personne aimée est chantée à plusieurs reprises.

 

 

 

La mélodie, la voix, de Amancio Prada, témoignent la puissance émotionnelle des poèmes de l'amour obscur. Il faut aussi ajouter la qualité de la diction impliquant une claire transmission des textes. L'harmonie et la voix de Prada n'occultent pas les poèmes de Lorca. Il en en est de même chez Paco Ibáñez.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Norma y paraíso de los negros


Odian la sombre del pájaro 
sobre el pleamar de la blanca mejilla               
y el conflicto de luz y viento 
en el salón de la nieve fría.
              
Odian la flecha sin cuerpo, 
el pañuelo exacto de la despedida,               
la aguja que mantiene presión y rosa 
en el gramíneo rubor de la sonrisa.
              
Aman el azul desierto, 
las vacilantes expresiones bovinas, 
la mentirosa luna de los polos,               
la danza curva del agua en la orilla.

Con la ciencia del tronco y el rastro               
llenan de nervios luminosos la arcilla 
y patinan lúbricos por agua y arenas               
gustando la amarga frescura de su milenaria saliva.

Es por el azul crujiente,               
azul sin un gusano ni una huella dormida, 
donde los huevos de avestruz quedan eternos               
y deambulan intactas las lluvias bailarinas.

Es por el azul sin historia,               
azul de una noche sin temor de día, 
azul donde el desnudo del viento va quebrando               
los camellos sonámbulos de las nubes vacías.

Es allí donde sueñan los torsos bajo la gula de la hierba.               
Allí los corales empapan la desesperación de la tinta, 
los durmientes borran sus perfiles bajo la madeja de los caracoles               
y queda el hueco de la danza sobre las últimas cenizas.


Traduction : Pierre Darmangeat 

 

Norme et paradis des noirs
 

 Ils haïssent  l’ombre de l’oiseau 
sur la pleine mer de la joue blanche 
et le conflit de lumière et de vent 
dans le salon de la neige froide


Ils haïssent la flèche sans corps, 
le mouchoir exact de l’adieu, 
l’aiguille qui maintient pression et rose 
dans la rougeur graminées du sourire.


Ils aiment l’azur désert, 
les expressions hésitantes des bœufs, 
la menteuse lune des pôles, 
la danse courbe de l’eau sur la rive.

 
Avec la science du tronc et de la piste 
ils remplissent de nerfs lumineux l’argile 
et patinent lubriques sur l’eau et sur le sable, 
goûtant l’amer fraîcheur de leur salive millénaire.

 

C’est dans l’azur craquant, 
azur sans un ver ni une trace endormie, 
où les œufs d’autruche demeurent éternels, 
où déambulent intactes les pluies ballerines.

 

C’est dans l’azur sans histoire, 
azur d’une nuit sans crainte du jour, 
azur ou le nu du vent s’en va brisant 
les chameaux somnambules des nuages vides.

 

C’est là que les torses rêvent sous la gourmandise de l’herbe. 
Là les coraux imprègnent le désespoir de l’encre, 
les dormeurs effacent leurs silhouettes sous l’écheveau des coquillages 
et reste le creux de la danse sur les dernières cendres. 

 

Ce poème fait partie de Poeta un Nueva York : Los Negros dédié à Angel del Río.

« Norma y paraíso de los negros synthétise le contraste, la confrontation constante entre la civilisation et la nature. Cette opposition civilisation/nature est ce qui confronte les blancs et les noirs. Les noirs détestent le monde blanc, ils s’identifient à la couleur bleue qui les envoient au paradis. L’antithèse fertile entre la liberté tant attendu des forces noires et les forces répressives donne du ton à l’ensemble du poème. »

 Dans le langage et l’imaginaire lorquiens, les Noirs à New York et les gitans d’Andalousie partagent le même sort poétique et sont l’objet d’une même ferveur, profondément, viscéralement solidaire. Aguilar. Poésies III.

 

 

 

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  • 2 semaines après...
Membre, Posté(e)
satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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La aurora

La aurora de Nueva York tiene 
cuatro columnas de cieno 
y un huracán de negras palomas 
que chapotean las aguas podridas. 

La aurora de Nueva York gime 
por las inmensas escaleras 
buscando entre las aristas 
nardos de angustia dibujada. 

La aurora llega y nadie la recibe en su boca 
porque allí no hay mañana ni esperanza posible. 
A veces las monedas en enjambres furiosos 
taladran y devoran abandonados niños. 

Los primeros que salen comprenden con sus huesos 
que no habrá paraíso ni amores deshojados; 
saben que van al cieno de números y leyes, 
a los juegos sin arte, a sudores sin fruto. 

La luz es sepultada por cadenas y ruidos
en impúdico reto de ciencia sin raíces.
Por los barrios hay gentes que vacilan insomnes 
como recién salidas de un naufragio de sangre.


Traduction : André Belamich 

 L’Aurore

L’aurore de New York 

a quatre colonnes de vase 
et un ouragan de noires colombes 
qui barbotent dans l’eau pourrie.

L’Aurore de New York gémit 
dans les immenses escaliers 
cherchant parmi les angles vifs 
les nards de l’angoisse dessinée.

L’aurore vient et nul ne la reçoit dans sa bouche 
parce qu’il n’y a là ni matin ni possible espérance. 
Parfois les pièces de monnaie en essaims furieux 
percent et dévorent des enfants abandonnés.

Les premiers qui sortent comprennent dans leurs os 
qu’il n’y aura ni paradis ni amours effeuillées ;
Ils savent qu’ils vont à la fange des nombres et des lois, 
aux jeux sans art, aux sueurs sans fruit.

La lumière est ensevelie sous les chaînes et les bruits
en un défi impudique de sciences sans racines. 
Il y a par les faubourgs des gens qui titubent d’insomnie 
comme s’ils venaient de sortir d’un naufrage de sang.

 

 Poème extrait de Poète à New York

 Le livre, déroutant, violent, difficile, est animé d’une puissance visionnaire qui en fait une clameur grandiose, individuelle et universelle. Le combat, perdu d’avance, de l’instinct vital et des forces obscures du sang contre les puissances glacés de la mort... 

On a souvent rangé le livre dans le vaste tiroir surréaliste : c’est faire peu de cas de la puissante orchestration symphonique qui maîtrise les zébrures métaphoriques et les fulgurances irrationnelles et les organise en un langage halluciné et cohérent, structuré et onirique, dont les réseaux d’associations, les constellations de mots et d’images rencontrent les structures permanentes de l’imaginaire lorquien. Nous lui appliquerons la conclusion pénétrante d’André Belamich : « Jamais Lorca n’a été si grand que dans Poète à New York ; c’est là seulement qu’il manifeste pleinement sa puissance épique et visionnaire… Le Romancero gitan le mettait au premier rang des poètes espagnols ; Poète à New York le met au premier rang des poètes universels. »

Aguilar- Poésies III.

 

 

 

 

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Blaquière Membre 18 865 messages
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Il y a 19 heures, satinvelours a dit :

La aurora

La aurora de Nueva York tiene 
cuatro columnas de cieno 
y un huracán de negras palomas 
que chapotean las aguas podridas. 

La aurora de Nueva York gime 
por las inmensas escaleras 
buscando entre las aristas 
nardos de angustia dibujada. 

La aurora llega y nadie la recibe en su boca 
porque allí no hay mañana ni esperanza posible. 
A veces las monedas en enjambres furiosos 
taladran y devoran abandonados niños. 

Los primeros que salen comprenden con sus huesos 
que no habrá paraíso ni amores deshojados; 
saben que van al cieno de números y leyes, 
a los juegos sin arte, a sudores sin fruto. 

La luz es sepultada por cadenas y ruidos
en impúdico reto de ciencia sin raíces.
Por los barrios hay gentes que vacilan insomnes 
como recién salidas de un naufragio de sangre.


Traduction : André Belamich 

 L’Aurore

L’aurore de New York 

a quatre colonnes de vase 
et un ouragan de noires colombes 
qui barbotent dans l’eau pourrie.

L’Aurore de New York gémit 
dans les immenses escaliers 
cherchant parmi les angles vifs 
les nards de l’angoisse dessinée.

L’aurore vient et nul ne la reçoit dans sa bouche 
parce qu’il n’y a là ni matin ni possible espérance. 
Parfois les pièces de monnaie en essaims furieux 
percent et dévorent des enfants abandonnés.

Les premiers qui sortent comprennent dans leurs os 
qu’il n’y aura ni paradis ni amours effeuillées ;
Ils savent qu’ils vont à la fange des nombres et des lois, 
aux jeux sans art, aux sueurs sans fruit.

La lumière est ensevelie sous les chaînes et les bruits
en un défi impudique de sciences sans racines. 
Il y a par les faubourgs des gens qui titubent d’insomnie 
comme s’ils venaient de sortir d’un naufrage de sang.

 

 Poème extrait de Poète à New York

(...)

On a souvent rangé le livre dans le vaste tiroir surréaliste : c’est faire peu de cas de la puissante orchestration symphonique qui maîtrise les zébrures métaphoriques et les fulgurances irrationnelles et les organise en un langage halluciné et cohérent, structuré et onirique, dont les réseaux d’associations, les constellations de mots et d’images rencontrent les structures permanentes de l’imaginaire lorquien. 

(...)

 

C'est exactement ce que j'ai pensé en le lisant ! Si le précédent était plus éclaté (à première lecture) presque plus "n'importe quoi", semblait partir dans tous les sens, plus surréaliste (!!!) celui-ci est bien plus cohérent, plus "serré" !

Je pensais en lisant le précédent (a contrario, donc) : sans doute le poète ne dit pas n'importe quoi et pour lui, chaque idée a et est à sa place, mais celui qui le lit, et qui n'a pas accès à l'esprit du poète (de l'intérieur) ni donc au sens, à la signification très précise de toutes ses correspondances, une fois mise entre parenthèse la musicalité de la langue ou la symbolique générale ordinaire des mots (ce qui évidemment n'est pas rien (et c'est meme ça pour nous toute sa poésie), risque de manquer ce qui est proprement du poète dans sa poésie...

On en est presque obligés de passer par une explication de texte qui va paraphraser de façon plus compréhensible, plus lourde, moins poétique le poème... Ainsi le poème prendra toute sa valeur poètique grâce à un détour hors poésie !...

Une sorte d'initiation (toujours remise en question) est nécessaire. Je me souviens d'un copain pourtant pas bête qui a pu me dire "la poésie, je pige pas, je la sens pas !". En fait elle (la poésie) ressemble à un "quête de l'incertitude", la recherche d'une "semi-vérité" (et surtout le fait de s'y complaire !!!) ce qui reste difficile à admettre pour des esprits "trop" rationnels (?)...

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Le 28/05/2019 à 09:25, Blaquière a dit :

C'est exactement ce que j'ai pensé en le lisant ! Si le précédent était plus éclaté (à première lecture) presque plus "n'importe quoi", semblait partir dans tous les sens, plus surréaliste (!!!) celui-ci est bien plus cohérent, plus "serré" !

Je pensais en lisant le précédent (a contrario, donc) : sans doute le poète ne dit pas n'importe quoi et pour lui, chaque idée a et est à sa place, mais celui qui le lit, et qui n'a pas accès à l'esprit du poète (de l'intérieur) ni donc au sens, à la signification très précise de toutes ses correspondances, une fois mise entre parenthèse la musicalité de la langue ou la symbolique générale ordinaire des mots (ce qui évidemment n'est pas rien (et c'est meme ça pour nous toute sa poésie), risque de manquer ce qui est proprement du poète dans sa poésie...

On en est presque obligés de passer par une explication de texte qui va paraphraser de façon plus compréhensible, plus lourde, moins poétique le poème... Ainsi le poème prendra toute sa valeur poètique grâce à un détour hors poésie !...

Une sorte d'initiation (toujours remise en question) est nécessaire. Je me souviens d'un copain pourtant pas bête qui a pu me dire "la poésie, je pige pas, je la sens pas !". En fait elle (la poésie) ressemble à un "quête de l'incertitude", la recherche d'une "semi-vérité" (et surtout le fait de s'y complaire !!!) ce qui reste difficile à admettre pour des esprits "trop" rationnels (?)...

Je reviens sur le poème précédent Norma y paraíso de los negros. Évidemment ce n’est pas n’importe quoi. C’est un texte difficile et abstrait. Si l’on veut en faire une analyse très succincte on s’aperçoit qu’il fourmille de symboles et de métaphores ce qui, à mon sens, rend la lecture difficile à comprendre. L’ombre et la lumière se heurtent. .
Pour comprendre les poèmes noirs de Lorca, il faut savoir que dès son arrivée à New York c’est Harlem qui le fascine - Harlem comme centre de libération de la population noire-  avec tout particulièrement une attirance et une passion pour la musique noire et le jazz. Aussi dans ses poèmes apparaissent les problèmes de discrimination, de pauvreté, de différences culturelles que subit le noir américain. D’ailleurs Lorca dit lui-même à propos de ses poèmes qu’il a voulu faire des poèmes pour les noirs et souligner leur douleur, car rejetés et toujours esclaves de toutes les inventions de l’homme blanc…

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Canzón de cuna pra Rosalía Castro, morta 

¡Erguete, miña amiga,
que xa cantan os galos do día!

¡Erguete, miña amada,
porque o vento muxe, como unha vaca!

Os arados va e vên
dende Santiago a Belén.

Dende Belén a Santiago
un anxo ven en un barco.
Un barco de prata fina
que trai a door de Galicia.

Galicia deitada e queda
transida de tristes herbas.
Herbas que cobren téu leito
e a negra fonte dos teus cabelos.
Cabelos que van ao mar
onde as nubens teñen seu nídio pombal.

¡Erguete, miña amiga,
que xa cantan os galos do día!

¡Erguete, miña amada,
porque o vento muxe, como unha vaca! 

 

Canción de cuna para Rosalía Castro, muerta

 ¡Levántate, niña amiga,
que ya cantan los gallos del día!

¡Levántate, mi amada,
porque el viento muge, como una vaca!

Los arados van y vienen
desde Santiago a Belén.

Desde Belén a Santiago
un ángel vienen en un barco.
Un barco de plata fina
que traía dolor de Galicia.

Galicia tumbada y queda
transida de tristes hierbas.
Hierbas que cubren tu lecho
con la negra fuente de tus cabellos.
Cabellos que van al mar
donde las nubes tiñen sus nítidas palmas.

¡Levántate, niña amiga,
que ya cantan los gallos del día!

¡Levántate, mi amada,
porque el viento muge, como una vaca!

 

Traduction : André Belamich 

Berceuse pour Rosalia Castro, morte

Éveille-toi, ma mie, 
Entends chanter les premiers coqs ! 
Éveille-toi, ma mie, 
Le vent pousse déjà son meuglement !

Les charrues vont et viennent 
de Saint-Jacques à Bethléem.

De Saint-Jacques à Bethléem 
un ange vient en navire 
en navire d’argent fin 
lourd des douleurs de Galice 
de la Galice endormie 
frissonnant sous l’herbe triste.
Et l’herbe couvre ton lit
et ta chevelure qui s’épanche
en un flot noir jusqu’à la mer
où les nuées ont leur nid de colombes.

Éveille-toi, ma mie, 
Entends les premiers coqs ! 
Éveille-toi, ma mie, 
Le vent pousse déjà son meuglement !

 

Lorca a écrit, en 1935, six poèmes en galicien dont Canzón de cuna pra Rosalía Castro, morta. Le plus bel hommage que le poète fait à la poétesse.  

 

 


 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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El poeta llega a La Habana

A don Fernando Ortiz

 Son de negros en Cuba

 

Cuando llegue la luna llena iré a Santiago de Cuba, 
iré a Santiago, 
en un coche de agua negra. 
Iré a Santiago. 
Cantarán los techos de palmera. 
Iré a Santiago. 
Cuando la palma quiere ser 
cigüeña,   
iré a Santiago. 
Y cuando quiere ser medusa el plátano, 
iré a Santiago. 
Iré a Santiago 
con la rubia cabeza de Fonseca. 
Iré a Santiago. 
Y con la rosa de Romeo y Julieta 

iré a Santiago. 
Mar de papel y plata monedas.
Iré a Santiago.
¡Oh Cuba!
¡Oh ritmo de semillas secas! 
Iré a Santiago
 ¡Oh cintura caliente y gota de madera! 
Iré a Santiago. 
Arpa de troncos vivos. Caimán. Flor de tabaco.

Iré a Santiago. 
Siempre he dicho que yo iría a Santiago 

en un coche de agua negra. 
Iré a Santiago. 
Brisa y alcohol en las ruedas, 
iré a Santiago. 
Mi coral en la tiniebla, 
iré a Santiago. 
El mar ahogado en la arena, 
iré a Santiago. 
Calor blanco, fruta muerta, 
iré a Santiago. 

¡Oh bovino frescor de cañaveras!
¡Oh Cuba! ¡Oh curva de suspiro y barro! 
Iré a Santiago.

 

Traduction : André Belamich 

 Le poète arrive à La Havane

 Chant nègre de Cuba

 

Quand viendra à la pleine lune j’irai à Santiago de Cuba,
j’irai à Santiago, 
dans une calèche d’eau noire. 
J’irai à Santiago. 
Chanteront les toits de palme. 
J’irai à Santiago. 
Quand le palmier peut-être cigogne, 
j’irai à Santiago. 
Et quand veut être méduse le bananier 
j’irai à Santiago. 
J’irai à Santiago. 
Avec la tête blonde de Fonseca. 
J’irai à Santiago. 
Avec la rose de Roméo et Juliette 
j’irai à Santiago. 
O Cuba ! O rythme de graines sèches ! 
J’irai à Santiago.
O ceinture chaude et goutte de bois ! 
J’irai à Santiago. 
Harpe de troncs vivants. Caïman. Fleur de tabac. 
J’irai à Santiago. 
J’ai toujours dit que j’irais à Santiago 
dans une calèche d’eau noire. 
J’irai à Santiago. 
Brise et alcool dans les roues, 
j’irai à Santiago. 
Mon corail dans la ténèbre, 
j’irai à Santiago. 
La mer noyée dans le sable, 
j’irai à Santiago. 
Chaleur blanche, fruit mort, 
j’irai à Santiago. 
O bovine fraîcheur des champs de canne ! 
O Cuba ! O courbe de soupir et de boue ! 
J’irai à Santiago.

 

Ce poème est tiré de Poète à New York.

 A la Havane Lorca ressent un sentiment de liberté. Il écrit à ses parents : « Cette île est un paradis. Cuba. Si je me perds que l’on me cherche en Andalousie ou à Cuba. »

 

C’est sur une explosion de joie que s’achève ce livre terrible : le poète salue dans la jubilation son arrivée à La Havane, sa remontée au monde des humains. D’un extrême de lui-même il s’est précipité à l’autre, déployant une prodigieuse amplitude.
Jamais il a été si grand ni si vrai. Tous ces paroxysmes de colère, de pitié, de terreur et d’amour ont été vécus et fixés sur le papier sans aucune outrance...

Tout le second versant de l’œuvre de Lorca est illuminé par les feux multiples de cette étoile géante. André Belamich- Poète à  New York.

 

 

 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Madrigal â cibdá de Santiago

 
Chove en Santiago 
meu doce amor. 
Camelia branca do ar 

brila entebrecida ô sol. 

Chove en Santiago 
na noite escura. 
Herbas de prata e de sono 
cobren a valeira lúa. 

Olla a choiva pol-a rúa, 
laio de pedra e cristal. 

Olla no vento esvaído 
soma e cinza do teu mar. 

Soma e cinza do teu mar 
Santiago, lonxe do sol. 
Ãgoa da mañán anterga 
trema no meu corazón.

 

Madrigal de la ciudad de Santiago

Llueve en Santiago
mi dulce amor.
Camelia blanca de aire
brilla temblorosa al sol.

 Llueve en Santiago
en la noche oscura.
Yerbas de plata y de sueño
cubren la nueva luna llena.

 Mira la lluvia por la rúa
lamento de piedra y cristal
Mira el viento descolorido
sombra y ceniza de tu mar.

 Sombra y ceniza de tu mar
Santiago, lejanía del sol.
Agua de la mañana antigua
tiembla en mi corazón.

 

Traduction : André Belamich 

Madrigal à la ville de Saint-Jacques
 

Il pleut sur Saint-Jacques 
mon doux amour. 
Dans le ciel brille et frissonne 
le camélia blanc du jour. 

Il pleut sur Saint-Jacques 
dans la nuit obscure. 
L’herbe d’argent du sommeil 
recouvre l’aride lune. 

Voilà pluie dans la rue, 
plainte de pierre et de verre. 
Vois dans le vent évanouie 
l’ombre cendrée de la mer. 

L’ombre cendrée de la mer
Saint-Jacques loin du soleil. 
L’eau de tes matins mouillés 
au fond de mon cœur ruisselle.

 

Ce poème est le premier des six poèmes écrits en galicien par Lorca (celui que je préfère).

"Lorca se rend plusieurs fois en Galice et ses impressions sur ce pays se reflétent dans différentes pièces de son travail. Son premier contact avec la communauté galicienne a lieu en 1916, jeune étudiant de 18 ans, lors d’un voyage avec ses camarades étudiants, guidé par un professeur.
Il revient en Galicie à trois autres occasions au cours de la décennie des années 30, alors qu’il était déjà un écrivain reconnu. Grand ami, grand admirateur du recueil de chants médiévaux galiciens et de la figure de Rosalia de Castro, il dédie son premier poème, Madrigal assez á cibda de Santiago, à la ville de Compostelle, qui suscite en lui de nombreuses passions."

 

 

 

 

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Blaquière Membre 18 865 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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E perqué pas revirar lo pouémo en prouvènçau ? !

(Et pourquoi pas traduire le poème en provençal ?

 

Llueve en Santiago
mi dulce amor.
Camelia blanca de aire
brilla temblorosa al sol.

 Llueve en Santiago
en la noche oscura.
Yerbas de plata y de sueño
cubren la nueva luna llena.

 Mira la lluvia por la rúa
lamento de piedra y cristal
Mira el viento descolorido
sombra y ceniza de tu mar.

 Sombra y ceniza de tu mar
Santiago, lejanía del sol.
Agua de la mañana antigua
tiembla en mi corazón.

 

D'un coustat l'escrich, é dé l'aoutré la prounounciacièn ....

 

Plou sus Sant-Jaume.......................Ploou su San Jaoumé

Mon doç amor.................................Moun douç amour

Luse e tremblo au solèu..................Luz-é trimbl' oou soulèou

Lo camelia blanc de l'er...................Lou camélia blan dé l'èr

 

Plou sus Sant-Jaume.........................Ploou su San-Jaoumé

Dins la negro nuech...........................Di'n la négre nuè

D'erbo d'argent e de pantais...........D'èrbe d'ardjin é dé pantaï

Tapon la novo luno pleno.................Tapoun la nove lune pléne

 

Vé la pluèio per  carriero..................Vé la pluèye pèr carrièlo

Planhun de peiro é de cristau...........Plagnu'n dé pèir' é dé cristaou

Vé lo vent descolorat.........................Vé lou vin descouloula

Ombro e cendre de ta mar................Oumbr'é cindré dé ta mar

 

Ombro e cendre de ta mar................Oumbré' é cindré dé ta mar

Sant-Jaume luench dau soleu............San-Jaumé luin doou soulèou

L'aigo d'un matin vielh......................L'aïgue d'u'n  mati'n vièil

Tremblo dins mon coar......................Trimble di'n moun couar.

 

Comme il est dit à côté en philo : c'est totalemnt inutile, c'est donc de l'art ! :)

 

 

 

 

 

 

 

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