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Expérience du corps et connaissance


Petitpepin

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Membre, Posté(e)
Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
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Bonjour.

Je suis en train de lire un commentateur de Spinoza qui pense trouver une contradiction dans son système lorsqu'il affirme que l'esprit de l'homme et l'esprit (ou idée) de Dieu n'ont rien de commun entre eux, alors que l'esprit de l'homme est dans le même temps causé par l'esprit de Dieu ; car ce système établit aussi qu'une chose qui n'a rien de commun avec une autre ne peut pas en être la cause ; donc l'esprit de Dieu ne peut pas être la cause de l'esprit de l'homme, s'ils n'ont rien de commun entre eux. Bref, me voilà ainsi rendu à me demander ce qu'est l'esprit humain. Baste, Spinoza !

Non loin, il y a ce cerisier en fleurs. Sa présence me renvoie instantanément deux choses : d'une, il m'apparaît, je le vois, il est là ; de deux, il ne fait qu'apparaître, je ne fais que le voir. Autrement dit, je ne sais pas ce qu'est vraiment l'arbre, je n'ai pas une connaissance intérieure de l'arbre mais seulement extérieure.

Mais je m'arrête aussitôt sur cette réflexion : donc, savoir vraiment ce qu'est une chose, la savoir à fond, ce serait en avoir une connaissance "intérieure" ? D'où vient cette idée ?

Me voilà maintenant arrêté sur mon propre pieds. Je m'observe remuer un orteil, et je réfléchis à cette expérience. J'ai l'idée que l'orteil bouge, et l'orteil bouge en effet. Ouf. Je peux même, sans faire bouger l'orteil, avoir l'idée que j'ai l'idée que l'orteil bouge. Si maintenant je reviens à la réflexion précédente, une solution m'apparaît : peut être que la catégorie de "connaissance vraie", "intérieure", "immédiate", est calquée sur cette expérience du corps incessamment renouvelée dans la vie quotidienne.

Je perçois bien mon corps au même titre que l'arbre, comme apparence, manifestation sensible : je vois mon pieds, je vois mes mains, etc., mais de plus j'ai une connaissance intérieure de ce corps, j'ai la capacité, me semble-t-il, de lui ordonner ceci ou cela, ou du moins, ce qu'il fait je peux le penser et le vouloir, et ce que je pense et veux il peut le faire. Se trouvent là réunies les conditions d'une alchimie particulière, et je me demande si ce n'est pas en fait le modèle de cette alchimie que je tente de calquer sur le cerisiers en fleurs lorsqu'il m'apparaît que, de celui-ci, je n'ai pas une connaissance immédiate et intérieure comme celle du corps. Qu'est-ce qui me fait supposer un défaut de connaissance dans l'apparition sensible de ce cerisiers en fleurs, ou de tout autre objet d'ailleurs ? Qu'est-ce qui me fait croire qu'il pourrait y avoir une connaissance intérieure et immédiate de cette chose ? Pourquoi existerait-il de ce cerisier, où que ce soit, une connaissance intérieure et immédiate ?

Alors voilà. Ou bien j'affirme qu'il y a une telle connaissance et intervient une pensée tierce, si ce n'est l'arbre lui-même, ou bien je m'illusionne en projetant sur l'arbre le modèle qui provient de l'expérience du corps et qui me fait supposer un défaut de connaissance dans la seule apparence sensible et extérieure des choses.  

 

... Ce sujet a-t-il seulement un sens ?.

 

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Membre, Talon 1, 78ans Posté(e)
Talon 1 Membre 22 896 messages
78ans‚ Talon 1,
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On ne reconnaît que ce que l'on connaît déjà. On apprend tout ou à peu près tout, hormis les fonctions vitales telles que respiration, digestion, etc...Pouvez-vous commander à votre pupille de s'agrandir ? Elle le fait si vous regardez un objet éloigné.  Alain dit, avec raison, que l'on met beaucoup de nous-mêmes dans ce que nous observons. Un tableau est sur un même plan. Pourtant, j'y vois une profondeur, que j'appelle perspective. J'observe un dé. Je ne peux pas voir toutes ses faces en même temps. J'en imagine l'essence. Je décide que c'est bien un dé. Il n'y a pas de connaissance immédiate; il faut faire un effort physique pour percevoir. La pratique d'un métier fait remarquer mieux certaines choses qui sont ignorées par d'autres personnes. Je ne vois pas ce trait de couleur dans un tableau, un peintre le verra. Si vous posez votre main sur une plaque brûlante, il vous faudra un certain temps pour décider qu'elle chaude ou froide. Enlevez votre main, ça sent le grillé. lol

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 739 messages
If you don't want, you Kant...,
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L'expérience !

 

Je ne parlerais pas, pour ma part, de connaissance intérieure sur tout objet qui se présente à moi ( ma conscience ), mais plutôt cachée, et cela commence avec mon propre corps, je sais pertinemment que je ne sais pas tout de moi-même, certaines de mes propres réactions me surprennent, et les expériences quotidiennes sur ce que je croyais savoir ou comprendre sur une foultitude d'évènements ou de choses suivent ce même constat.

Il n'y a bien que les gens de peu ou de piètre qualité de connaissances qui pensent savoir ou être certains, toute autre personne un tant soit peu lucide ne peut que se rendre à l'évidence, notre ignorance est incommensurablement plus grande que notre savoir, cette prise en compte peut se faire d'une manière non consciente ou non parfaitement lucide, mais simplement le ressentir, l'avoir à l'esprit intuitivement.

 

Cette transposition corps-objet dont tu parles Petitpepin s'étend des deux cotés, aussi bien celui positif/constructif/vrai, traité par tes soins, que celui négatif/caché/falsifié.

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Membre, Posté(e)
Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
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"Il n'y a pas de connaissance immédiate". Pourtant, n'y a-t-il pas des objets de pensée, comme le corps dans certaines conditions, dont la connaissance n'est pas médiate : ne passe pas par un objet extérieur ? N'y a-t-il pas, du moins, des objets de pensée dont la connaissance passe par plus ou moins d'intermédiaires ? J'ai besoin de savoir que A est plus petit que B, et que B est plus petit que C, pour savoir que A est plus petit que C. Mais quant à savoir que la partie est plus petite que le tout : n'est-ce pas inclut en soi ? Sitôt que j'ai acquis le concept du tout ou de la totalité, et même si je l'apprends, sitôt qu'il est acquis j'ai compris qu'il est toujours nécessairement plus grand que ses parties. 

Et vous avez raison : je ne commande pas à la pupille de s'agrandir. Tout au plus, sachant qu'elle le fait lorsque j'observe un objet lointain, je peux décider d'observer un tel objet pour la faire s'agrandir. Mais alors il y a "médiation". Enfin, la connaissance du corps n'est pas nécessairement immédiate ou intérieure ou même "adéquate". Mais restons attentif à cette expérience que l'orteil bouge quand on conçoit qu'il bouge. Soulignons cette conjonction de la pensée et de l'acte. Union si parfaite en réalité que ses termes en deviennent vraiment insaisissables l'un sans l'autre dans l'instant même où elle se produit. Vous clignez des yeux le plus souvent sans y penser. Mais vous pouvez aussi y penser et ils clignent en effet. A ce moment là, il n'y a plus d'écart entre l'idée et l'acte : c'est tout un. Et pourtant il est toujours aussi clair que l'idée et l'acte ne sont pas la même chose... Je peux avoir l'idée que j'aie l'idée de cligner des yeux, et alors l'acte, c'est que j'en ai l'idée, et non plus qu'ils clignent en réalité... Comment ne pas rester fasciné/bloqué ici ? Il y a quelque chose, mais par quel bout l'attraper...

Retour vers notre cerisier en fleurs. La différence finalement se résume à ceci, que je suis ce corps mais que je ne suis pas le cerisier. Mais pourquoi diable ce présupposé, qui vraiment sous-tend toute mon approche du monde, qu'il doit y avoir une connaissance intérieure, une connaissance véritable et complète, équivalente finalement au fait d'être, et d'être l'arbre dans cet exemple ?

Je ne peux que supposer une identité entre l'arbre et moi, je ne peux qu' "anthropomorphiser" l'arbre. C'est peut-être ce que vous indiquez Talon lorsque vous commencez par dire qu'on ne reconnaît que ce qu'on connaît déjà. Une chose qui n'a vraiment aucun dénominateur commun avec ce qui est déjà connu : comment pourrais-je la connaître ? Peut-être y a-t-il en cet instant un univers d'objets existant autour de moi et que je ne peux pas connaître car ils ne se rattachent d'aucune manière à ce que je sais ou suis. C'est même à peu près certain... Bon. Quant à l'arbre, ce que j'en connais, c'est comment il m'affecte. Il m'affecte : je le vois, le touche, le sens, je pourrais même goûter ses fruits, plus tard dans la saison. Mais je ne peux pas être certain que l'arbre existe en dehors de comment il m'affecte ; je veux dire, je ne sais pas si, dans l'absolu - mais d'où je tiens cet absolu ?! - il y a l'arbre. Du moins, étant donné qu'il m'affecte, l'arbre existe. Je ne sais pas comment, je ne sais pas s'il existe à part ça, mais la situation est bien celle-là. Et j'y trouve un immense défaut de connaissance. 

Que puis-je espérer connaître de l'arbre ? Une infinité de choses vraiment. Mais toujours extérieures.

Bon, allez, tout ça ne mène nulle part et l'actualité est ailleurs... 

 

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Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
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Il y a 22 heures, Petitpepin a dit :

Je suis en train de lire un commentateur de Spinoza qui pense trouver une contradiction dans son système lorsqu'il affirme que l'esprit de l'homme et l'esprit (ou idée) de Dieu n'ont rien de commun entre eux, alors que l'esprit de l'homme est dans le même temps causé par l'esprit de Dieu ; car ce système établit aussi qu'une chose qui n'a rien de commun avec une autre ne peut pas en être la cause ; donc l'esprit de Dieu ne peut pas être la cause de l'esprit de l'homme, s'ils n'ont rien de commun entre eux. Bref, me voilà ainsi rendu à me demander ce qu'est l'esprit humain. Baste, Spinoza !

Ce commentateur dit qu'il n'y a rien de commun entre l'esprit de l'homme et l'esprit de Dieu ? Et pourtant il use le mot esprit. C'est comme dire qu'une goutte de l'océan n'a rien de commun avec l'océan, alors qu'ils ont en commun l'eau. Nous avons là déjà en partant un problème de vocabulaire et de concept. On ne  règle pas ce que l'on croit être un problème en le superposant par un autre, plus confus encore.

Tu proposes la discussion d'un problème général en partant d'un exemple branlant qui place Spinoza comme autorité* mais en passant par un commentateur dont on ne sait rien sur sa compétence ni sur sa croyance ontologique, ce n'est pas pour aider du tout. Il faut reconnaître que l'esprit de Dieu ou l'idée de Dieu sont deux choses différentes et ne se comportent pas de la même manière, c'est le moins l'on puisse dire.

*Et pourquoi Spinoza serait compétent pour nous parler de Dieu ? Quel Dieu ?

 

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Membre, Posté(e)
Dompteur de mots Membre 1 841 messages
Forumeur activiste‚
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Il y a 22 heures, Petitpepin a dit :

Je perçois bien mon corps au même titre que l'arbre, comme apparence, manifestation sensible : je vois mon pieds, je vois mes mains, etc., mais de plus j'ai une connaissance intérieure de ce corps, j'ai la capacité, me semble-t-il, de lui ordonner ceci ou cela, ou du moins, ce qu'il fait je peux le penser et le vouloir, et ce que je pense et veux il peut le faire. Se trouvent là réunies les conditions d'une alchimie particulière, et je me demande si ce n'est pas en fait le modèle de cette alchimie que je tente de calquer sur le cerisiers en fleurs lorsqu'il m'apparaît que, de celui-ci, je n'ai pas une connaissance immédiate et intérieure comme celle du corps. Qu'est-ce qui me fait supposer un défaut de connaissance dans l'apparition sensible de ce cerisiers en fleurs, ou de tout autre objet d'ailleurs ? Qu'est-ce qui me fait croire qu'il pourrait y avoir une connaissance intérieure et immédiate de cette chose ? Pourquoi existerait-il de ce cerisier, où que ce soit, une connaissance intérieure et immédiate ?

Alors voilà. Ou bien j'affirme qu'il y a une telle connaissance et intervient une pensée tierce, si ce n'est l'arbre lui-même, ou bien je m'illusionne en projetant sur l'arbre le modèle qui provient de l'expérience du corps et qui me fait supposer un défaut de connaissance dans la seule apparence sensible et extérieure des choses.  

Tiens tiens. Moi aussi je bute sur ce problème ces jours-ci, mais par le biais de Schopenhauer. Schopy distingue une connaissance au service de la Volonté, du vouloir-vivre, une connaissance "intéressée" si l'on veut, en laquelle consiste la plupart de nos pensées, d'une connaissance affranchie de la Volonté, purement contemplative, désintéressée, où le sujet s'oublie complètement pour plonger dans l'objet étudié. À ces deux types de connaissances correspondent deux intellects: l'intellect personnel et l'intellect génial.

La connaissance intéressée se décline sous l'égide du principe de causalité, de par les formes du temps et de l'espace, tandis que la connaissance désintéressée tend à s'affranchir du temps pour se rapprocher des Idées - au sens platonicien du terme: soit aux modèles éternels des choses.

Ce n'est pas sans rappeler la dualité pensée géométrique / intuition de Bergson, que j'expose avec limpidité à cet endroit. Sauf que Bergson a eu juste assez de gêne pour ne pas appeler à la rescousse cette ridicule notion d'Idée. Au lieu de contourner la contrainte du temps, il nous y fait sauter dedans à pieds joints. Or, l'intuition a effectivement l'allure d'une connaissance intérieure, si on suit l'idée de Bergson. Encore une fois, voir mon article pour des précisions là-dessus (décidément, ce blog me fait sauver du temps !). D'ailleurs, j'y reprends l'exemple de l'arbre.

La théorie de Bergson est bien torchée sur papier, mais le problème, c'est que somme toute, sa philosophie demeure assez géométrique. Il me semble parfois qu'entre sa pensée géométrique et son intuition, il n'y a pas tant à mes yeux un changement radical de régime qu'une complexification des termes, du genre de celle qu'il y a entre l'algèbre et la géométrie différentielle.

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Membre, Posté(e)
Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 14 heures, Maroudiji a dit :

Ce commentateur dit qu'il n'y a rien de commun entre l'esprit de l'homme et l'esprit de Dieu ? Et pourtant il use le mot esprit. C'est comme dire qu'une goutte de l'océan n'a rien de commun avec l'océan, alors qu'ils ont en commun l'eau. Nous avons là déjà en partant un problème de vocabulaire et de concept. On ne  règle pas ce que l'on croit être un problème en le superposant par un autre, plus confus encore.

Tu proposes la discussion d'un problème général en partant d'un exemple branlant qui place Spinoza comme autorité* mais en passant par un commentateur dont on ne sait rien sur sa compétence ni sur sa croyance ontologique, ce n'est pas pour aider du tout. Il faut reconnaître que l'esprit de Dieu ou l'idée de Dieu sont deux choses différentes et ne se comportent pas de la même manière, c'est le moins l'on puisse dire.

*Et pourquoi Spinoza serait compétent pour nous parler de Dieu ? Quel Dieu ?

 

Merci d'être passé. Mais le sujet n'est pas Dieu. Ni Spinoza d'ailleurs. J'introduisais en évoquant cet auteur (Émile Saisset, "Introduction critique aux œuvres de Spinoza") parce que c'était réellement en le lisant que cette séquence de réflexions est arrivée, séquence que je propose à la discussion. 

Mais maintenant je me demande si ton exemple de la goutte et de l'océan est bien pertinent ou s'il ne fait que superposer à un problème un problème plus confus encore ?. Peux-tu expliquer en quoi le rapport de la goutte à l'océan correspond en effet à celui de l'esprit de l'homme à l'esprit de Dieu ? 

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Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
Posté(e)

Bonjour, je vais répondre du mieux que je peux pour l’instant, n’étant pas disponible entièrement.

Je ne faisais que donner mon avis, parce que justement il me semblait que le postulat était Dieu, et à juste raison selon moi. Rien ne peut être compris si Dieu n’est pas pris en compte. Et Spinoza, dans ce sens, ne se trompe pas. Son Dieu est inqualifiable mais il est là d’une façon ou d’une autre. L’autre possibilité est le nihilisme, qui n’explique rien mais fait beaucoup de vent, paradoxalement. (Le vent étant un attribut de Dieu.)

Avant d’aborder directement la deuxième question, sur la pertinence de mon exemple et auquel je vais te répondre, je te le dis tout de suite que si tu es athée et nihiliste, ce qui vont ensemble, alors notre échange ne va déboucher nulle part. Mais par politesse, je te réponds.

Quand notre ami penseur (celui qui me traite de philosophe de comptoir, avec quelque autorité sans doute…) explique qu’il a eu une réalisation en lisant ce que disait Kierkegaard sur l’eau, je lui mentionne la Bhagavad-gita dans laquelle, Krishna, Dieu (c’est ainsi qu’il se présente) explique que ce goût de l’eau c’est Lui : raso ‘ham apsu (raso signifie goût, ‘ham je et apsu eau. Il me répond désabusé : "tant mieux pour les hindous". Le lien :  *

Dans l’exemple avec l’océan, la goutte possède toute les qualités de l’océan, la goutte est de l’eau. L’océan et la goutte ont cette qualité (dharma) en commun, ils sont mouillés. La seule vraie différence entre eux c’est la quantité, et elle est cruciale : on ne peut pas dire que la goutte est l’océan, elle est limitée. Etc.

Tout le reste de ton post avec l’arbre ou ton propre corps fait appel à Dieu pour résoudre adéquatement tes questions. Par exemple, un médecin qualifié peut prendre ton pouls et te dire des problèmes qui affectent ton corps alors que toi-même tu en es inconscient. Mais, pour le dire abruptement, sans Dieu ton corps ne tiendrait pas debout, et tu mourrais sur le coup. C’est Dieu qui fait le lien entre tous ce qui est vivant. Sans Lui, rien de se produit.

Je dis cela en passant, je sais que le sujet n’est pas Dieu. --Bien à toi.
 

 

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Membre, Posté(e)
Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Le 24/04/2017 à 01:58, Dompteur de mots a dit :

Tiens tiens. Moi aussi je bute sur ce problème ces jours-ci, mais par le biais de Schopenhauer. Schopy distingue une connaissance au service de la Volonté, du vouloir-vivre, une connaissance "intéressée" si l'on veut, en laquelle consiste la plupart de nos pensées, d'une connaissance affranchie de la Volonté, purement contemplative, désintéressée, où le sujet s'oublie complètement pour plonger dans l'objet étudié. À ces deux types de connaissances correspondent deux intellects: l'intellect personnel et l'intellect génial.

La connaissance intéressée se décline sous l'égide du principe de causalité, de par les formes du temps et de l'espace, tandis que la connaissance désintéressée tend à s'affranchir du temps pour se rapprocher des Idées - au sens platonicien du terme: soit aux modèles éternels des choses.

Ce n'est pas sans rappeler la dualité pensée géométrique / intuition de Bergson, que j'expose avec limpidité à cet endroit. Sauf que Bergson a eu juste assez de gêne pour ne pas appeler à la rescousse cette ridicule notion d'Idée. Au lieu de contourner la contrainte du temps, il nous y fait sauter dedans à pieds joints. Or, l'intuition a effectivement l'allure d'une connaissance intérieure, si on suit l'idée de Bergson. Encore une fois, voir mon article pour des précisions là-dessus (décidément, ce blog me fait sauver du temps !). D'ailleurs, j'y reprends l'exemple de l'arbre.

La théorie de Bergson est bien torchée sur papier, mais le problème, c'est que somme toute, sa philosophie demeure assez géométrique. Il me semble parfois qu'entre sa pensée géométrique et son intuition, il n'y a pas tant à mes yeux un changement radical de régime qu'une complexification des termes, du genre de celle qu'il y a entre l'algèbre et la géométrie différentielle.

Merci pour ces indications Dompteur de mots. J'ai parcouru ton blog, très intéressant !
H. Bergson, je n'ai l'ai pas lu dans le texte, alors en me référant seulement à ton article : peux-tu expliquer pourquoi la langue est associée au type géométrique chez lui ? Ça paraît gros, surtout si ce type s'oppose à l'expérience entendue comme durée (mais, encore une fois, je n'ai pas lu dans le texte..). La parole, écrite comme parlée, ne se déploie que comme et dans la durée ! La phrase dite aussitôt s'évanouit. Chaque moment du récit supprime le précédant en lui succédant... etc. Pas bien compris ce point.

 

 

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Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Le 22/04/2017 à 17:11, Talon 1 a dit :

On ne reconnaît que ce que l'on connaît déjà. On apprend tout ou à peu près tout, hormis les fonctions vitales telles que respiration, digestion, etc...Pouvez-vous commander à votre pupille de s'agrandir ? Elle le fait si vous regardez un objet éloigné.  Alain dit, avec raison, que l'on met beaucoup de nous-mêmes dans ce que nous observons. Un tableau est sur un même plan. Pourtant, j'y vois une profondeur, que j'appelle perspective. J'observe un dé. Je ne peux pas voir toutes ses faces en même temps. J'en imagine l'essence. Je décide que c'est bien un dé. Il n'y a pas de connaissance immédiate; il faut faire un effort physique pour percevoir. La pratique d'un métier fait remarquer mieux certaines choses qui sont ignorées par d'autres personnes. Je ne vois pas ce trait de couleur dans un tableau, un peintre le verra. Si vous posez votre main sur une plaque brûlante, il vous faudra un certain temps pour décider qu'elle chaude ou froide. Enlevez votre main, ça sent le grillé. lo

"On ne reconnaît que ce que l’on connaît déjà" ouvre la piste de la mémoire, non pas simplement comme somme acquise de souvenirs, mais comme disposition à acquérir des habitudes, à reconnaître et à imiter, à se modifier, à se déterminer. Cette disposition dépasse et contient ce qu’on appelle généralement la mémoire, et en ce sens il existe une mémoire de nos organes et toutes nos facultés, comme la mémoire au sens courant, et toutes les habitudes en général sont autant de déterminations particulières de cette disposition.

Or c’est une part essentielle dans la conception de l’orteil qui bouge, contenant l’idée de l’acte et l’acte de l’idée : dans l’instant, je peux croire que c’est cette conception qui agit et se concrétise dans le fait que l’orteil bouge en effet mais, en seconde analyse, je réalise que cette conception, dans son effet positif, dans sa dimension pleinement effective, n’est rien d’autre justement que le souvenir de l’orteil qui bouge, souvenir pour l’orteil de bouger, mille fois rappelé. De même l’enfant découvre la sensation de soi comme elle émerge à travers mille contacts chaotiques avec le monde, et c’est par un lent travail d’identification, de mémorisation, de répétition et finalement de prises d’habitudes qu’il se forme une "gestuelle" déterminée, mais d’abord le corps seul effectue tout, l’activité de l’esprit se limite à l’attention et à la disposition à ce travail spontané du corps par lui-même dans sa rencontre avec le monde. Et selon les sollicitations de l’environnement, et selon aussi des rapports nécessaires et naturels, comme le fait de se nourrir et de vouloir être, certains mouvements, certains sons, mais aussi certaines croyances, certaines associations logiques, etc., se forment et prennent cette densité particulière qui leur donne une intériorité, une forme déterminée justement, qui fait donc qu’elles se donnent comme objets de pensée, « contenant » et réalisant une puissance propre, et qui s’élaborent sous cette forme en « structures » à la fois idéelles et motrices, qui sont autant d’habitudes singulières conglomérées, par lesquelles l’être s'est donné et continue de se donner véritablement une seconde nature. Car l’oubli est non moins essentiel dans ce travail, et toute habitude, extérieure et immédiate comme elle se donne, n’est précisément pleine que d’oubli, n’existe et ne se distingue que dans l’oubli total. Oubli d’abord de ce travail même de mémoire au sens large, de cette disposition première, oubliée dans les habitudes elles-mêmes, qui ne se donnent plus alors que comme effectives, dans une présence pleine et effective. Il ne m’est pas besoin de savoir comment j’ai appris pour agir conformément, et même plus, l’examen du souvenir en tant que tel, son rappel, le fait de retracer et de déconstruire le processus de l’habitude, implique la suspension de l'effectivité de celle-ci, et correspond pour elle à s'ouvrir à nouveau, à connaître une modification, à entraîner un nouvel oubli. La détermination est finalement l’oubli des possibles, de tous les possibles justement parce qu’elle est d'abord disposition à les retenir, à les réaliser ; elle est « refoulement » de toutes les autres expériences, de toutes les formes que l’être aurait pu avoir ; et exister c’est oublier à chaque instant tout ce qui pourrait être. A ce prix seulement nous sommes.

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Membre, Talon 1, 78ans Posté(e)
Talon 1 Membre 22 896 messages
78ans‚ Talon 1,
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Il y a 14 heures, Petitpepin a dit :

 

 

"On ne reconnaît que ce que l’on connaît déjà" ouvre la piste de la mémoire, non pas simplement comme somme acquise de souvenirs, mais comme disposition à acquérir des habitudes, à reconnaître et à imiter, à se modifier, à se déterminer. Cette disposition dépasse et contient ce qu’on appelle généralement la mémoire, et en ce sens il existe une mémoire de nos organes et toutes nos facultés, comme la mémoire au sens courant, et toutes les habitudes en général sont autant de déterminations particulières de cette disposition.

 

Or c’est une part essentielle dans la conception de l’orteil qui bouge, contenant l’idée de l’acte et l’acte de l’idée : dans l’instant, je peux croire que c’est cette conception qui agit et se concrétise dans le fait que l’orteil bouge en effet mais, en seconde analyse, je réalise que cette conception, dans son effet positif, dans sa dimension pleinement effective, n’est rien d’autre justement que le souvenir de l’orteil qui bouge, souvenir pour l’orteil de bouger, mille fois rappelé. De même l’enfant découvre la sensation de soi comme elle émerge à travers mille contacts chaotiques avec le monde, et c’est par un lent travail d’identification, de mémorisation, de répétition et finalement de prises d’habitudes qu’il se forme une "gestuelle" déterminée, mais d’abord le corps seul effectue tout, l’activité de l’esprit se limite à l’attention et à la disposition à ce travail spontané du corps par lui-même dans sa rencontre avec le monde. Et selon les sollicitations de l’environnement, et selon aussi des rapports nécessaires et naturels, comme le fait de se nourrir et de vouloir être, certains mouvements, certains sons, mais aussi certaines croyances, certaines associations logiques, etc., se forment et prennent cette densité particulière qui leur donne une intériorité, une forme déterminée justement, qui fait donc qu’elles se donnent comme objets de pensée, « contenant » et réalisant une puissance propre, et qui s’élaborent sous cette forme en « structures » à la fois idéelles et motrices, qui sont autant d’habitudes singulières conglomérées, par lesquelles l’être s'est donné et continue de se donner véritablement une seconde nature. Car l’oubli est non moins essentiel dans ce travail, et toute habitude, extérieure et immédiate comme elle se donne, n’est précisément pleine que d’oubli, n’existe et ne se distingue que dans l’oubli total. Oubli d’abord de ce travail même de mémoire au sens large, de cette disposition première, oubliée dans les habitudes elles-mêmes, qui ne se donnent plus alors que comme effectives, dans une présence pleine et effective. Il ne m’est pas besoin de savoir comment j’ai appris pour agir conformément, et même plus, l’examen du souvenir en tant que tel, son rappel, le fait de retracer et de déconstruire le processus de l’habitude, implique la suspension de l'effectivité de celle-ci, et correspond pour elle à s'ouvrir à nouveau, à connaître une modification, à entraîner un nouvel oubli. La détermination est finalement l’oubli des possibles, de tous les possibles justement parce qu’elle est d'abord disposition à les retenir, à les réaliser ; elle est « refoulement » de toutes les autres expériences, de toutes les formes que l’être aurait pu avoir ; et exister c’est oublier à chaque instant tout ce qui pourrait être. A ce prix seulement nous sommes.

 

Alain : "Tout homme est sensible quand il est spectateur. Tout homme est insensible quand il agit. Un chasseur, est un ami des bêtes; mais s'il est bon tireur, les perdrix ne doivent pas compter sur cet amour-là."

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Membre, Posté(e)
Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 5 heures, Talon 1 a dit :

Alain : "Tout homme est sensible quand il est spectateur. Tout homme est insensible quand il agit. Un chasseur, est un ami des bêtes; mais s'il est bon tireur, les perdrix ne doivent pas compter sur cet amour-là."

"Exister c'est oublier à chaque instant tout ce qui pourrait être". A ce titre la douleur mais aussi toutes les formes de souffrance s'accompagnent de l'impossibilité d'oublier, signifient une présence rendue obligatoire : impossible oubli de ce corps qui fait "défaut", de cet évènement qu'on n'"avale" pas. Et pourquoi alors la santé ne se définirait-elle comme la capacité à oublier ? Pourquoi pas, définir la santé par l'oubli de soi ? Certes pas un anéantissement, car pour s'oublier il faut bien exister, mais plutôt dans une participation, disons même un "dépassement" dans lequel s'oublie le corps. Je pense ici à la concentration, à l'absorption dans une tâche ou une oeuvre, et finalement à la présence au monde qui nécessite toute l'activité du corps. La force du corps, sa bonne constitution et santé se caractérisent alors par l'intensité de notre présence au monde.

Dans une bonne constitution chaque élément s'oublie comme élément en tant qu'il participe d'un tout effectivement harmonieux, qui effectivement existe ou est. La douleur est la négation pour  nous du fait d'être, d'être un ; c'est une division. De même ma santé s'exprime dans ma présence au monde et dans l'harmonie créée à cet autre niveau, où je m'oublie mais seulement en tant que j'en participe effectivement. Mais je n'y existe pas comme organe ou fonction d'un corps, ou pas d'abord. J'y existe comme individu. Et c'est bien seulement ainsi que j'en participe.

Et ceci m'amène à remarquer que, en ce sens, le pessimisme et l'hédonisme sont comme deux frères jumeaux. Ceux qui pensent que le non-être vaut mieux que l'être, et ceux que leur philosophie amène à fixer comme but à l'existence la recherche et la perfection du plaisir, ne parviennent plus à s'oublier, vivent comme recroquevillés sur eux-mêmes. Le plaisir comme fin de l'action entérine dans la philosophie cette même impossibilité, cette même inaptitude à se dessaisir et à se retrouver par-delà soi-même, à participer à plus. Une participation active au monde s'accompagne de plaisirs et de déplaisirs mais ceux-ci ne sont en rien une fin, un termes ; ce sont des signes sur notre passage, ce sont des indications à interpréter.

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Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
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Vous êtes vous déjà interrogé, en lisant, sur la manière dont vous lisez ? Voyez-vous ; votre esprit se tourne-t-il en images ? Sont-elles bien claires, pourraient-elles l'être plus ou moins ? quelles circonstances favorisent pour vous la plus entière clarté ? Et qu'entendez-vous ? Personnellement, je tiens en horreur les italiques, dont pourtant il arrive que j'abuse : mais qui donc veux-tu être pour forcer le regard, pour forcer la lecture ! Ce n'est rien de moins qu'une violence faîte au lecteur, qui bien entendu reste libre d'accentuer ici ou là, tel mot, pour se saisir de tel sens, libre encore d'y revenir autant de fois qu'il l'entend.

Entendez-vous bien ce que vous lisez ? Vous arrive-t-il de jouer plusieurs fois l'intonation, rabâchez-vous les phrases pour mieux les entendre ? Sans doute, il y a différents textes, différents genres, différents objets, et tous ne s'accordent pas à la même lecture. Mais il n'y a jamais qu'un lecteur. Et peut-être est-ce le principal avantage à faire connaître la poésie, qu'elle oblige son lecteur à rechercher sa prononciation et ainsi à expérimenter le sens. Une articulation radicalement contrainte, la nécessité que la phrase, pour ainsi dire, chante d'elle-même à travers soi, mais un sens qui s'ouvre ainsi sans cesse plus.

Nous devons user de l'italique et de tout l'arsenal gras des techniques qui fixent l'attention et déterminent la lecture parce que la place du lecteur est vacante. Nous n'en avons pas le temps, et aucune raison de le prendre ; avons-nous même seulement l'imagination qu'il y faut ? Nous assistons et participons à une orgie inouïe de messages et d'images dont la netteté ne pourrait être plus pénétrante et tonitruante ; il est bien naturel que personne ne soit plus disposés à lire, au sens d'une activité. Ainsi arrivons-nous à ce curieux paradoxe, que, plus un message est important, plus il est nécessaire qu'il soit inculqué, et plus la lecture doit s'assécher pour répondre à ce qui ne se donne véritablement plus que comme stimuli.

Mais il faudrait être aveugle, aussi, pour ne pas voir l'immense demande, l'immense disposition, quoi que refoulée et dénaturée, à la lecture, même à la lecture de loisir ; et le caractère oh combien aléatoire de nos lectures et des interprétations que nous faisons, alors même que le sens ne pourrait être plus pauvre. Nous rêvons tous de cet endroit; où l'on peut enfin lire, celui de la plus parfaite clarté, celui du grand ronflement du sens. Nul cri, nulle distraction mais toute la nature environnante, et toute l'atmosphère de nos pensées nous placent véritablement dans le texte ; oui, alors, nous pouvons nous attarder sur chaque faisceau de lumière, plonger la main dans chaque opacité, revenir sur les note, et jouer plusieurs fois la mélodie des phrases. Loisir de bourges ! Et puis, encore faut-il un texte qui s'y prête.

Le même phénomène, le même appauvrissement, le même affaissement se produit à l'oral. La place de l'auditoire est toujours vacante, nul même ne s'écoute parler. Nous n'aurions pas besoin, s'il en allait autrement, de découvrir les lois et d'apprendre les règles d'un discours "réussi", d'une posture et d'une gestuelle efficaces, pour accompagner nos messages ; nous ne prétendrions pas que la première impression est déterminante, car la vérité en est relative à ce contexte ou, de toute façon, il n'y aura rien de plus qu'une première impression. Tout comme il n'est pas vrai que L'Enquête d'Hérodote ennuie à la lecture, et il n'est pas besoin de rappeler qu'elle a été écrite en vue d'être lue publiquement, et donc jamais d'un trait, mais avec des répétitions et une forme générale adéquate. Mais comment, précisément, lirions-nous Hérodote autrement ? N'est-il pas vraiment cet étranger que nous accueillons, de passage et qui nous conte des nouvelles lointaines, et nous invite à y songer ?

 

 

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Dompteur de mots Membre 1 841 messages
Forumeur activiste‚
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Le 25/04/2017 à 11:39, Petitpepin a dit :

Merci pour ces indications Dompteur de mots. J'ai parcouru ton blog, très intéressant !
H. Bergson, je n'ai l'ai pas lu dans le texte, alors en me référant seulement à ton article : peux-tu expliquer pourquoi la langue est associée au type géométrique chez lui ? Ça paraît gros, surtout si ce type s'oppose à l'expérience entendue comme durée (mais, encore une fois, je n'ai pas lu dans le texte..). La parole, écrite comme parlée, ne se déploie que comme et dans la durée ! La phrase dite aussitôt s'évanouit. Chaque moment du récit supprime le précédant en lui succédant... etc. Pas bien compris ce point.

Et bien la parole, parlée ou écrite, est un médium qui procède beaucoup par découpage. Les sentiments, les états d'esprit, les idées qui sont exprimées par la parole sont éclatées en une multitude de signes. D'où le fait que la pensée géométrique y trouve particulièrement bien son bonheur. Ce qui est important ici, au-delà de savoir si la parole s'inscrit, ontologiquement parlant, dans la durée ou non, c'est de constater qu'elle induit facilement un état d'esprit géométrique.

Maintenant, tout homme ne fait pas seulement enchaîner les éléments langagiers lorsqu'il parle; il le fait aussi selon la musique de sa personnalité, de son style. Lorsque cette musique est mise de l'avant dans la parole, comme dans la poésie, alors elle induit un état d'esprit intuitif. Mais cela ne se fait toujours qu'au prix d'un effort beaucoup plus difficile, n'est-il pas ?

Si ça t'intéresse, je parle de ce thème du fond et de la forme à cet endroit, mais sans m'en référer à Bergson.

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  • 3 semaines après...
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Petitpepin Membre 783 messages
Baby Forumeur‚
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Le 05/05/2017 à 01:57, Dompteur de mots a dit :

Et bien la parole, parlée ou écrite, est un médium qui procède beaucoup par découpage. Les sentiments, les états d'esprit, les idées qui sont exprimées par la parole sont éclatées en une multitude de signes. D'où le fait que la pensée géométrique y trouve particulièrement bien son bonheur. Ce qui est important ici, au-delà de savoir si la parole s'inscrit, ontologiquement parlant, dans la durée ou non, c'est de constater qu'elle induit facilement un état d'esprit géométrique.

Maintenant, tout homme ne fait pas seulement enchaîner les éléments langagiers lorsqu'il parle; il le fait aussi selon la musique de sa personnalité, de son style. Lorsque cette musique est mise de l'avant dans la parole, comme dans la poésie, alors elle induit un état d'esprit intuitif. Mais cela ne se fait toujours qu'au prix d'un effort beaucoup plus difficile, n'est-il pas ?

Si ça t'intéresse, je parle de ce thème du fond et de la forme à cet endroit, mais sans m'en référer à Bergson.

Ton message induit plusieurs remarques, de fond à mon avis.

Le langage opère sur deux modes indissociables. D'une part en effet il découpe, détermine, retranche, fixe, identifie, classifie, il ordonne. Mais d'autre part, et dans le même temps, il fonctionne par renvois indéfinis : livre renvoie à bibliothèque qui renvoie à savant qui renvoie à lunettes qui renvoie à oreilles qui renvoie à choux qui renvoie à enfants... Ici, plus de principe de non contradiction. Les deux dimensions sont toujours présentes à chaque "point" du langage.

Or, qu'observe-t-on à mesure que progresse l'esprit géométrique ? La parole recule, non en quantité mais dans sa valeur (nos verbiages seraient intolérables à nos ancêtres). Les images dominent dorénavant, et modifient en retour l'expérience de la parole (les structures mentales en général).

Voici que j'ai acheté une armoire type Ikea. Il faut que je la monte. Me propose-t-on un discours écrit ? On me propose un plan. Tu conduis ta voiture. Imagines tu à 90 kms/h recevoir des instructions orales ? non, les images seules sont efficaces, directes, instantanées. Le feu est rouge ou vert : c'est univoque, ça ne demande pas d'interprétation.

Tout bon technicien sait qu'il faut se méfier de la parole. Elle comporte toujours une part d’ambiguïté, de personnel, elle laisse toujours une marge qu'on ne peut plus se permettre à partir d'un certain niveau de technicité. Partout où elle peut être réduite à un schéma, à une image, à quelque chose de visible, c'est préférable. Les exemples sont innombrables.

Et il n'est pas plus difficile de se laisser aller à son style et à l'expression "libre". Beaucoup plus difficile en revanche est la clarification : la précision, la rigueur, l'exactitude etc. sont contraignantes. C'est le mariage des deux qui est rare. Et au delà, la poésie est encore tout autre chose. Voilà rapidement.

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