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Maroudiji

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Maroudiji Membre 6 818 messages
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Le couloir blanc.jpg

Voici un livre, Le couloir blanc, publié l’année dernière mais dont l’auteur, Vladislav Khodassévitch, écrivit le texte ci-dessous en 1937 ; il revient sur les années de son enfance. À huit ans il écrit déjà de la poésie et connaît bien les grands poètes russes contemporains. En ces temps-là l’intelligentsia parlait le français. Cette langue était un must.

Khodassévitch a connu les révolutions qui voulaient donner le pouvoir au peuple et le sortir du servage. Dans le passage que j’ai choisi, il parle encore d’une certaine liberté de parole, juste avant la terreur absolue qu’a représentée le communisme.

Khodassévitch épousera Nina Berberova et, finalement, émigrera avec elle en France. Il vivra à Paris, accablé par la misère, alors qu’il est très apprécié par ses pairs. Madame Fanchon Deligne, l'auteure de la préface, conclut ainsi : « En publiant ce recueil de souvenirs, nous désirons redonner voix à un homme que l’on a voulu rayer de la carte des écrivains russes, et contribuer à combler une lacune. »

« La vraie vie littéraire s’écoulait en dehors du cercle qui n’en recueillait que des échos confus et tapageurs, parfois nocifs et vulgaires. S’il arrivait à quelqu’un de tenir un discours de qualité, avec un réel contenu, son propos était noyé dans des débats auxquels pouvait participer n’importe quel péroreur professionnel, n’importe quel ignare qui avait payé cinquante kopecks pour obtenir le droit d’entrer et de s’exprimer en public. L’auditoire du cercle était trop nombreux et hétéroclite pour une discussion sérieuse. On venait aux mardis parce qu’on avait rien à faire ou pour ne pas manquer le dernier scandale littéraire dont on pouvait causer le lendemain dans les salons. Cet auditoire influençait également les conférenciers qui s’adaptaient à ses idées et à ses goûts ou au contraire essayait de le provoquer. »

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  • 2 semaines après...
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Membre, 70ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 818 messages
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Alors que je parle de la mémoire dans mon intervention précédente, sur le forum Histoire, voici un autre passage de ce livre la concernant. L’auteur, Vladislav Khodassévitch, affirme qu’il connaissait quelqu’un capable de se souvenir de toute une œuvre par cœur…

« Lorsqu’il gagnait, il ne se réjouissait pas. S’il manquait vraiment de chance, il tombait dans une légère mélancolie et déclamait alors des poésies de Boratynski, dont il connaissait apparemment toute l’œuvre par cœur. »

J’avais, il y a quelque temps de cela, publié un texte sur ce forum à propos d’un livre sur Gaston Gallimard, mais je ne le retrouve plus. Je le recopie donc à la fin de ce propos, mais je voulais surtout rajouter cet extrait en rapport avec la mémoire : « À table, on parle de voyages. Quand le nom de Constantinople est cité, Proust récite de mémoire une page de Pierre Loti s’y rapportant. »

Food for thought.

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Exemples d’hommes supérieurs

« C'est alors que je compris le sens des mots de Griboïedov :
Plus que toute peine épargne-nous
La colère du maître, et du maître l'amour! »

Vladislav Khodassévitch

Je me débarrasse de mes livres. C’est un processus long et difficile qui a débuté il y a quelques années. L’Internet y est pour quelque chose. Mais les livres résistent. Il va sans dire que je ne les envoie pas au pilon, je les donne. Non, j’avoue, la plupart du temps je les abandonne sur un banc ou sur le capot d’une voiture. J’ai cependant constaté qu’en repassant rapidement à travers leurs pages et que j’écrémais ce qu’ils ont de meilleur à partir de l’index que j’établis généralement à la fin d’un livre, alors la séparation est moins douloureuse.

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Comme j’écrivais récemment à propos de la démocratie, j’ai pris quelques notes sur la biographie de Gaston Gallimard de Pierre Assouline. Il me fallait des exemples d’élites dans différents domaines pour compléter mon pamphlet, et le monde de l’édition en fournit à foison. En tout cas, ce livre tombe à pic. Il illustre bien ce que produit de mieux la France d’intelligence et de culture parmi nos élites. « Le résultat de cette recherche ne prétend pas à l’objectivité mais à l’honnêteté intellectuelle. » Dixit Assouline. Voici donc quelques extraits que je recopie en paraphrasant.

Pourquoi Gallimard ? Parce qu’il fut unique et exceptionnel. Il ne fut l’auteur d’aucun livre, mais il les a tous signés. Pour parvenir à ses fins, l’homme que tout le monde appelait Gaston était prêt à tout. Le charme et l’esprit, la gentillesse et l’attention bien sûr, mais aussi bien plus, l’intransigeance, le mensonge et le double jeu.

Pourquoi Bernard Grasset ? Il investit le meilleur de lui-même dans chacun de ses livres, quand il y croit. Il ne délègue rien et fonce souvent la tête baissée. Il a un caractère impulsif. Cela fait partie de son charme, de même que ses mensonges et parfois, sa muflerie vis-à-vis des dames et des auteurs. Il n’hésite pas à humilier publiquement un tiers, pour le plaisir, par cynisme et par jeu. À Armand Godoy, un riche poète cubain qui se plaignit d’être encore édité à compte d’auteur, Grasset lui répondit simplement : -Oui, mais tes livres me déshonorent. Ça n’a pas de prix.

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