Le monsieur du quartier fermé et moi

Ce soir, je suis au bar. Je lis. Le tabouret sur lequel je me trouve jouxte les toilettes, où une longue file de clients attend qu'un client, passablement éméché, sorte et, ce faisant, permette leur délivrance à tous. Le barman dit : « Ça fait longtemps que vous attendez, non ? » Les attendants acquiescent. Quelques secondes plus tard, le sésame s'ouvre et libère un homme qui en sort comme une bombe et avec lui, une très forte odeur de parfum.

Il n'est pas content, il demande qui s'est plaint. Personne n'ose désigner le barman, qui se débine et laisse la place à sa collègue. Elle prend les choses en mains et lui demande pourquoi il parle de manière si agressive. Il rétorque qu'il parle normalement. Le ton monte. Je confirme qu'il donne l'impression de crier sur les autres et lui fais remarquer qu'il n'a vraiment pas de chance parce que les femmes qu'il courtise ne doivent guère apprécier. Il sourit et me répond, sur le même ton, que c'est sa manière de parler normale, parce qu'il a grandi dans un quartier fermé. Je lui dis que moi aussi. Nous discutons et je lui parle du livre que je lis, sous le regard inquiet du personnel.

Finalement, il s'en ira tranquillement. Mon voisin de bar me félicite, d'un ton doucereux et presque flagorneur. Sa voix m'insupporte. Je passe outre et nous finalement, le livre terminé, nous engageons une conversation des plus intéressantes, riche en informations précieuses.

Je me demande si nous ne pourrions pas, parfois, arrêter de nous figer sur des apparences, y compris celles de la langue. Qu'est-ce que ça fait qu'une personne parle la langue des bourgeois ou celle des caillera ? Est-ce que cela change le fond de leur cœur ?

Et quel est ce livre?

C'est comme d'arrêter les hommes d'être conformiste et sectaire : impossible.

Le 05/10/2016 à 07:31, puceau a dit :

Et quel est ce livre?

C'était Le chiffre des choses de Lanza del Vasto. 

Le gars qui va chier pendant 1 heure et qui demande des comptes à ceux qui attendaient après lui fait exprès de se montrer menaçant, ce qui pose les bases du dialogue : vous la fermez tous car je suis une bombe prête à exploser à tout moment. Il le fait parce qu'il est prêt à tout et notamment à suriner ceux qui ne sont pas contents ou à juste les tabasser s'il est assez costaud.

Le seul moyen de discuter avec ce mec est de l'intimider en retour. C'est un comportement qui fonde le rapport social sur la brutalité physique.

Et comme tout le monde n'a pas envie de sa battre façon western sans raison tous les 4 matins on a organisé la société autrement. On parle sans menacer les gens.