L'évolution a fait les machos

L'évolution a fait les machos

Inégalités

— Féministe et darwiniste, Peggy Sastre défend des positions atypiques sur les rapports de genre. Selon elle, les femmes ont consenti à leur domination.

Par Cléa Favre. Mis à jour le 23.12.2015 27 Commentaires

Selon Peggy Sastre, les inégalités s’expliquent par des stratégies reproductives différentes entre hommes et femmes.

Image: Natacha Nikouline

Elle est spécialiste de Darwin et de Nietzsche. Docteure en philosophie, elle applique la théorie de l’évolution aux questions de genre. Malgré le titre de son dernier livre – «La domination masculine n’existe pas» paru aux Editions Anne Carrière –, elle se revendique féministe. Entretien avec Peggy Sastre.

Vous écrivez qu’un système oppresseur, vertical et unilatéral n’existe pas. Juste une provocation?

Non, la domination masculine telle qu’on la pense habituellement n’existe pas, effectivement. Il ne s’agit pas d’un complot organisé par et pour les hommes et dans lequel les femmes n’auraient qu’à ramasser les miettes.

Votre livre parle d’écarts salariaux, de harcèlement sexuel, de viol. N’est-ce pas paradoxal?

Non, car si la théorie d’une oppression binaire est trop simpliste, il existe un système – complexe et issu de dynamiques réciproques – dans lequel les hommes ont à la fois le monopole du pouvoir et de la violence. Ils en sont d’ailleurs les premières victimes, puisque ce sont eux majoritairement qui meurent en raison de la brutalité sous toutes ses formes. Ils sont aussi les plus vulnérables: les hommes sont surreprésentés parmi les SDF ou les détenus. Les femmes, si elles subissent un plafond de verre, ont également sous les pieds un plancher de verre qui les soustrait majoritairement à l’extrême pauvreté.

Pour vous, si les hommes ont le pouvoir, c’est parce que les femmes l’ont bien voulu. Peut-on vraiment souhaiter être dominé?

Il ne s’agit évidemment pas d’une volonté consciente. Je me place dans une perspective évolutive, donc à très long terme. Et avec cette focale, on se rend compte que, d’un point de vue reproductif, les hommes sont incités au gâchis: ils sont fertiles de la puberté à la mort, ont une quantité considérable de spermatozoïdes… Ce qui les pousse vers la prise de risque. Les femmes, elles, ont une période de fécondité réduite, la grossesse et l’accouchement sont dangereux, l’investissement parental est très lourd. Ce qui les amène à la prudence. Cela les arrange donc que ce soient les hommes qui prennent les risques, notamment pour les protéger. Elles en ont profité.

http://www.lematin.c.../story/17425343

La théorie est intéressante... en surfant sur le même esprit j'avais théoriser que les femmes devraient être polygame parce qu'elles étaient polyorgasmiques alors que l'homme subissait un coup de fatigue après son unique orgasme, laissant le champ ouvert pour un autre homme. Ainsi la femme pouvait féconder non pas le "fils de" mais le meilleur spermatozoïdes des spermatozoïdes du clan.

Ce qui pourrait aussi expliquer que les chefs de clan aient décidé d'aller plus loin que la simple protection des femmes (dans ces époques reculées où les femmes avaient besoin d'être protégées contre des loups ou des tigres) en cherchant à les dominer.

C'est justement ce rapport que je ne saisis pas entre sa théorie qui explique que l'homme protège la femme qui porte sa/leur descendance et le moment où les hommes ont décidé de dominer les femmes. Ou alors c'était un ensemble: tu me protèges mais en échange tu peux me dominer?

Aujourd'hui par exemple la plupart des hommes protègeront les gens qu'ils aiment... (et les femmes font de même d'ailleurs) mais nous ne demandons pas un serment d'allégeance en échange... Au pire de la fidélité, mais ce sera valable dans les deux sens.

C'est aussi une question de génétique. Il n'est pas impossible qu'il existe des femmes dans le genre de Brienne de Torth (de "Game of Throne"), mais quelle chance aurait une telle femme d'avoir des enfants? Les hommes ont toujours préféré les femmes plus dociles, voire "soumises". Aujourd'hui, pour la première fois, nous voyons des femmes qui conservent toute leur féminité, mais cherchent à sauvegarder une certaine indépendance - ce que leur permet maintenant la contraception, sauf dans les sociétés les plus arriérées.

Je suis d'accord.

A la fois hommes et femmes vivent dans une maison de verre. Les canadiens, en principe, comprendront.

A partir de là, c'est un monde nouveau qu'il y a derrière. Sans baisser son froc.

Elle a au moins le mérite de sortir du manichéisme progressiste habituel d'une frange assez intolérante de la gauche. Néanmoins la force musculaire des premiers hommes comparée à celle des premières femmes était nécessairement supérieure (notamment étant donné la testostérone), donc je trouve curieux cette idée que les femmes aient laissé les hommes "prendre les risques", et finalement "le monopole de la violence et du pouvoir"...

Il me paraîtrait naturel que l'individu à l'état sauvage possédant le plus de force soit le plus enclin à utiliser la violence et à dominer l'autre, avec ou sans l'accord de l'autre. Et je me demande ce qu'elle appelle prise de risque et notamment si elle le limite à la chasse et à la guerre (ou d'autres choses encore?). Il me semble que la femme est physiquement moins forte que l'homme donc il n'est pas dit qu'elles auraient pu prendre les mêmes risques avec succès non plus, la grossesse et leur faiblesse physique les rendant moins disponibles/efficaces pour la chasse ou moins disponibles/efficaces pour la guerre...

Mais peut-être précisément est-ce la raison pour laquelle les femmes auraient été sélectionnées pour leur docilité voire leur masochisme?

En baissant le froc c'est évident... mais cela va sans dire.

Il fallait le faire. Pour cela, que nos grands-mères soient remerciées.