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Est-on prisonnier de son passé ?


jean ghislain

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Membre, 79ans Posté(e)
Talon Membre 1 722 messages
Baby Forumeur‚ 79ans‚
Posté(e)

"la mémoire est toujours aux ordres du cœur ' (Rivarol)

Les deux formes de la mémoire

J'étudie une leçon, et pour l'apprendre par cœur je la lis d'abord en scandant chaque vers ; je la répète ensuite un certain nombre de fois.

A ce moment précis, je sais ma leçon par cœur ; on est devenue souvenir, qu'elle est imprimée dans ma mémoire.

Le souvenir de la leçon, en tant qu'apprise par cœur, a tous les caractères de l'habitude.

Au contraire, le souvenir de telle lecture particulière, la seconde ou la troisième, n'a aucun des caractères de l'habitude. L'image s'en est nécessairement imprimée du premier coup dans la mémoire,puisque les autres lectures constituent, par définition même, des souvenirs différents.

On peut même aller plus loin, et dire que la conscience nous révèle,entre ces deux genres de souvenirs, une différence profonde, une différence de nature.

Le souvenir de telle lecture déterminée est une représentation,et une représentation seulement ; il tient dans une intuition de l'esprit que je puis, à mon gré, allonger ou raccourcir ;je lui assigne une durée arbitraire ; rien ne m'empêche de l'embrasser tout d'un coup comme dans un tableau.

Au contraire, le souvenir de la leçon apprise, même quand je me borne à répéter cette leçon intérieurement, exige un temps bien déterminé, le même qu'il faut pour développer un à un, ne fût-ce qu'en imagination, tous les mouvements d'articulation nécessaires ;ce n'est donc plus une représentation, c'est une action.

Elle est « agie » plutôt qu'elle n'est représentée ; je pourrais la croire innée, s'il ne me plaisait d'évoquer en même temps, comme autant de représentations,les lectures successives qui m'ont servi à l'apprendre.

La mémoire mécanique ne peut être replacée dans la chronologie. La mémoire des détails est chronologique.

Bergson

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Membre, Mr.Préfait, 44ans Posté(e)
Mak Marceau Membre 6 289 messages
44ans‚ Mr.Préfait,
Posté(e)

Oui et non.

Je crois que dans le cas ou quelqu'un à manqué l'école, il pourrait bien être pris à jamais avec ce problème.

Et non parce que je pense qu'il est possible de faire une croix sur le passé et de recommencer sur le bon pied.

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Membre, Pourfendeur d'idées reçues, 35ans Posté(e)
toto51 Membre 1 147 messages
35ans‚ Pourfendeur d'idées reçues,
Posté(e)

"Et c'est ainsi que nous avançons, barque à contre-courant, sans cesse ramenés vers le passé." Gatsby. WebRepcurrentVotenoRatingnoWeight

Oui le passé est notre présent et notre futur. D'ailleurs la science-fiction, elle-même n'est qu'une relecture futuriste du passé. La seule certitude qu'on a c'est le passé.

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Invité nietzsche.junior
Invités, Posté(e)
Invité nietzsche.junior
Invité nietzsche.junior Invités 0 message
Posté(e)

Les deux formes de la mémoire

J'étudie une leçon, et pour l'apprendre par cœur je la lis d'abord en scandant chaque vers ; je la répète ensuite un certain nombre de fois.

A ce moment précis, je sais ma leçon par cœur ; on est devenue souvenir, qu'elle est imprimée dans ma mémoire.

Le souvenir de la leçon, en tant qu'apprise par cœur, a tous les caractères de l'habitude.

Au contraire, le souvenir de telle lecture particulière, la seconde ou la troisième, n'a aucun des caractères de l'habitude. L'image s'en est nécessairement imprimée du premier coup dans la mémoire,puisque les autres lectures constituent, par définition même, des souvenirs différents.

On peut même aller plus loin, et dire que la conscience nous révèle,entre ces deux genres de souvenirs, une différence profonde, une différence de nature.

Le souvenir de telle lecture déterminée est une représentation,et une représentation seulement ; il tient dans une intuition de l'esprit que je puis, à mon gré, allonger ou raccourcir ;je lui assigne une durée arbitraire ; rien ne m'empêche de l'embrasser tout d'un coup comme dans un tableau.

Au contraire, le souvenir de la leçon apprise, même quand je me borne à répéter cette leçon intérieurement, exige un temps bien déterminé, le même qu'il faut pour développer un à un, ne fût-ce qu'en imagination, tous les mouvements d'articulation nécessaires ;ce n'est donc plus une représentation, c'est une action.

Elle est « agie » plutôt qu'elle n'est représentée ; je pourrais la croire innée, s'il ne me plaisait d'évoquer en même temps, comme autant de représentations,les lectures successives qui m'ont servi à l'apprendre.

La mémoire mécanique ne peut être replacée dans la chronologie. La mémoire des détails est chronologique.

Bergson

madeleinedeproust.jpg

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Si bien que nous arriverions à un paradoxe : si seul notre passé nous donne une identité, il faudrait être mort pour se connaître totalement soi-même. Mais en réalité, soit nous sommes vivants, et nous ne nous connaissons donc pas (parce que nous ne connaissons pas l'avenir qui sera bientôt notre passé), soit nous sommes morts et nous ne nous connaissons pas non plus (puisque nous ne sommes plus là).

Excellent!

Il reste cependant un sens dans lequel on pourrait dire que nous sommes prisonniers du passé : ce serait dans le sens où nos expériences personnelles pèseraient et/ou détermineraient notre présent en continuant à y jouer un rôle prépondérant. Qui pourrait nier que certaines expériences sont traumatisantes, d'autres enrichissantes, et qu'elles contribuent à modifier (parfois durablement) le cours de notre existence?

On ne peut pas être littéralement prisonnier de son passé, ça serait un contre sens, mais on peut en être l'esclave en quelque sorte.

Comme pour le principe physique de causalité, l'Homme agit aussi en fonction de ses actions passées, celui qui s'est brûlé ou arraché un doigt à cause d'une machine brulante ou coupante, verra ces machines d'un oeil forcément différent d'un autre individu, la mémoire nous conduit quotidiennement à faire des choix présents en lien avec des expériences du passé, tout ce que nous savons faire est nécessairement rattaché au passé, il ne peut en être autrement, il n'y a que celui qui a " perdu la mémoire " qui pourrait agir sans entrave du passé, mais une vraie remise à zéro/formatage conduirait la personne à l'état végétatif.

Donc d'une manière ou d'une autre, consciemment ou pas, notre passé constitue ce que nous sommes au présent, pour le pire comme le meilleur, et celle ou celui qui a perdu une partie de son histoire a perdu une partie de ce qu'elle était avant, elle est devenue une "autre" personne en perdant un fragment de sa mémoire.

Nous ne sommes connus des autres que par nos actions, même verbales, donc pour eux aussi nous ne sommes que des souvenirs, une suite d'actions mémorisées, qui constituent ce que je suis à leurs yeux, un défaut dans cette activité mnésique et l'individu change de statut, de représentation, de regard, tout comme à l'inverse découvrir une nouvelle information sur autrui nous en montre une nouvelle image ( j'apprends qu'untel est menteur par exemple ).

Le monde n'est qu'informations, nos vies aussi, pour que le monde soit comme il est c'est qu'avant il a été autrement qui aura conduit à cet état présent, donc le présent est toujours "esclave" du passé, si le passé avait été différent, le présent l'aurait été tout autant, il en va de même pour un individu, particulièrement pour ses peurs/maux, mais aussi d'autres conditionnements plus heureux. ( celui qui s'est fait mordre par un chien, a des chances de ne plus les voir pareillement par la suite, il y a un lien causal entre le passé et le présent, dans le comportement/réaction/pensées de l'individu via la mémorisation des informations).

Mais il est aussi notoire que nos enregistrements sont biaisés, ce qui constitue également une gène à la pleine "réalisation" de soi-même, puisque nous sommes en fonction de ce que nous savons, si cette connaissance se pervertit dans le temps, nous aussi, ce qui fait que comme le cours d'eau, nous ne sommes jamais vraiment deux fois la même personne, comme on ne se baigne jamais vraiment deux fois dans la même rivière, car il y a toujours quelque chose qui a changé, et on revient à ton paradoxe au-dessus.

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Membre, 52ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 52ans‚
Posté(e)

Je remarque que les réponses faites au sujet "Est-on prisonnier de son passé ?" éclaircissent le mécanisme de la mémoire. Il a été dit que notre mémoire nous rappelle notre parcours jusqu'à présent, entre autres nos expériences et décisions cruciales et donc marquantes , surtout à cause des conséquences qui s'en sont suivis. On pourrait même dire que nous avons retenu les leçons du passé, et que nous sommes aguerris. De là, nous sommes liés à toute notre vie précédente.

Rien de plus normal, somme toute. Or, un problème se pose. Celui de la liberté (d'où le mot "prisonnier"). Car si nous sommes la suite de notre passé, est-ce à dire que notre futur suivra la même logique ?

Dans l'extrait vidéo, le héros du film cherche son identité, pour pouvoir agir pleinement, car son identité s'est affaiblie. Pour faire bref, il ressent une aliénation, comme si il vivait une vie toute impuissante, tout en ressentant en même temps qu'une autre vie lui serait accessible . Et pour cause, car dans le film, on l'a assujetti à un ersatz de vie, en lui donnant une nouvelle identité à laquelle il croit vraiment. Bien sûr, c'est de la science-fiction, mais il y a une portée symbolique et philosophique dans cette histoire.

Voici donc les questions qui peuvent s'ensuivre.

Peut-on vraiment tout expliquer ? Notre passé est-il si clair que cela ? Par exemple, quand nous donnons la version personnelle de notre vie, parfois des proches qui nous ont tout aussi bien connus nous rappelle à des faits oubliés, de nature à donner une autre explication au déroulement des événements.

A-t-on une vision identique d'une même scène à laquelle plusieurs personnes assistent, par exemple ? Ou retient-on à chaque fois des choses différentes, puisque nous donnons chacun une importance différente pour ce qui est de chaque détail ?

Finalement, doit-on toujours se conformer à notre passé pour agir dans nos projets ou est-il permis de faire fi de nos histoires et diverses interprétations, quand nous sommes face à une décision qui engage notre avenir ? Doit-on suivre la logique de notre passé, ou s'adapter à nos projets à venir ?

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Peut-on vraiment tout expliquer ? Notre passé est-il si clair que cela ?

Par exemple, quand nous donnons la version personnelle de notre vie, parfois des proches qui nous ont tout aussi bien connus nous rappelle à des faits oubliés, de nature à donner une autre explication au déroulement des événements.

A-t-on une vision identique d'une même scène à laquelle plusieurs personnes assistent, par exemple ? Ou retient-on à chaque fois des choses différentes, puisque nous donnons chacun une importance différente pour ce qui est de chaque détail ?

Non effectivement, notre passé dont on a mémorisé qu'une fraction, finit toujours par être travesti, des chercheurs ont montré que nous avions une tendance naturelle à ne garder que les souvenirs positifs, c'est pour cela que l'on a souvent la nostalgie du passé, ou que l'on dit comme au bon vieux temps, c'était mieux avant etc..

Un évènement est toujours filtré par notre propre perception/appréhension du monde, mais est ce important, puisqu'ici on ne cherche pas la rigueur de l'histoire, mais bien celle subjective de l'individu, son histoire, donc comme il l'a vécu réellement en son for intérieur.

Finalement, doit-on toujours se conformer à notre passé pour agir dans nos projets ou est-il permis de faire fi de nos histoires et diverses interprétations, quand nous sommes face à une décision qui engage notre avenir ? Doit-on suivre la logique de notre passé, ou s'adapter à nos projets à venir ?

Questions bien plus délicates, le doit-on? non, le peut-on? c'est certainement possible, et d'ailleurs différents évènements du passés ( pas nécessairement proche temporellement ) peuvent interférer ensemble pour réagir suivant qu'ils sont ou pas rappeler à la conscience, l'humeur du jour pourra jouer dans la balance, le contexte, les personnes présentes etc..., il y a une foultitude de facteurs passés et présents qui se combinent pour influer sur notre comportement, notre jugement présent. Mais on ne peut pas faire abstraction de tout évènement passé, ça c'est une certitude, qu'un type ait oublier les conséquences d'un précédent mariage et re-signe avec une nouvelle femme, c'est une chose qui arrive apparemment, mais d'un autre coté, si il le fait c'est que quelque chose l'y incite, et ce désir est enraciné dans son passé, puisque l'on ne peut pas désirer ce que l'on ignore, donc en mémoire, donc antérieur. Notre passé ne nous forge pas que des souvenirs, mais aussi une personnalité qui elle interagit avec notre caractère plus stable dans le temps, on peut donc aussi constater/remarquer qu'il n'y a pas de logique qui se tient dans des faits passés, pas de corrélations, et que le choix à faire se fera en fonction du ressenti présent, les principes de vie, que nous avons fait notre, seront un guide pour diriger nos vies, mais parfois il faut aussi savoir déroger à la règle selon les circonstances, autrement dit s'adapter, ce que chacun fait il me semble du mieux qu'il peut!

Notre passé est parfois totalement inutile ou presque dans certaines situations inconnues, incendie dans un établissement, accident de la route/aérien, soirée mondaine, etc, il n'y a aucune référence sur lesquelles s'appuyer pour agir, on s'en remettra à notre instinct, au feeling ou aux autres.

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