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L'escalier, une histoire en marches


January

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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Quiconque a eu le privilège de parcourir l’escalier à double révolution du château de Chambord, qui permet à deux personnes de monter et de descendre sans jamais se croiser, comprend la complexité de cette pièce d’architecture.

618849853_huge.jpg

Qu’il n’est pas question ici d’étudier mais plutôt de revisiter grâce à l’histoire de nos escaliers que nous boudons pourtant de plus en plus en faveur des ascenseurs.

Si son emprunt au bas latin scalarium lui-même issu du latin classique scala signifiant « échelle » semble frappé au coin du bon sens, le vocable escalier ne sera pourtant employé dans le langage courant qu’assez tardivement, à la Renaissance pour être précis. Le langage populaire lui préférant degré ou montée.

A l’intérieur

La majeure partie des escaliers intérieurs ayant été construite en bois, depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen-Age, il n’en est resté aucune trace si ce ne sont ceux qui étaient logés dans l’épaisseur des murs. De surcroît, l’étage n’étant pas si fréquent dans l’habitat commun, une vague échelle de meunier suffisait largement. Des escaliers plus ou moins dérobés qui ne servaient qu’aux gens de maison, jamais aux hôtes, sorte de dégagements purement utilitaires. Dans la Haute Egypte, on savait pourtant construire des cages d’escalier comme celles que nous connaissons aujourd’hui, même si le trivial plaçait les degrés le long d’un mur. De la même façon, Arabes, Grecs et Romains connaissaient l’escalier à vis, mais ce dernier occupait peu de place et se voyait relégué dans un recoin ; on faisait au plus simple et au plus pratique.

L’art en marche

Si tout au long du Moyen-Age on reprit les techniques romaines avec escaliers à vis ou à rampes droite, sans y accorder la moindre importance esthétique, il fallut attendre la Renaissance, à de rares exceptions près, pour que l’escalier d’intérieur suscitât l’intérêt des architectes. Il n’est d’ailleurs de voir, dans les palais et autres châteaux qui n’ont pas été restaurés aux XVIIIe et XIXe siècles, ces escaliers d’intérieur qui ne correspondent guère à la splendeur architecturale du lieu. Ce n’est qu’à une période relativement récente, la distribution des pièces ayant changé avec des salons d’apparat et de réception situés au premier étage, qu’on se préoccupa de ce qu’on appellera « le grand escalier », opposé aux nombreux escaliers de service qui reliaient le rez-de-chaussée à chacun des niveaux.

A l’extérieur

Symbole de l’importance d’un lieu, l’escalier extérieur a revêtu toutes sortes de formes depuis l’Antiquité même si ce n’est qu’à travers Vitruve (auteur ,au 1er siècle avant J.C., de l’unique traité d’architecture qui ait échappé à la destruction) qu’on en sait quelques notions, et bien qu’il se soit limité à la description des escaliers des temples et des gradins de théâtres ou d’arènes. Des marches qui se voulaient souvent monumentales, en pierre ou en marbre, qui montaient tout droit vers les entrées sans souci décoratif.

Au Moyen-Age, on favorisa le perron ou la rampe droite, placés le long du mur ou perpendiculairement, pour atteindre les grandes salles des châteaux situées au premier étage, voire le chemin de ronde. Un escalier extérieur qui présentait l’avantage de laisser l’imagination libre de disposer les pièces à l’intérieur de la bâtisse.

Degrés ou marches ?

De façon plutôt arbitraire, on en est venu à parler de degrés quand il s’agissait d’un édifice d’une certaine importance, et de marches quand on décrivait un escalier de bois. Un vocable degré emprunté au latin gradus qui signifiait aussi bien la marche d’un escalier que le sens figuré que nous lui connaissons aujourd’hui : degré d’amitié ou de parenté, hiérarchie. Son pur synonyme, la marche, simple déverbal de marcher, s’y est totalement substitué de nos jours même si certains précieux aiment encore à parler de degrés pour des architectures monumentales.

L’esprit d’escalier

Bien que les plus fins étymologistes se disputent la vraie source de cette expression qu’on retrouve aussi bien chez Diderot que chez Jean-Jacques Rousseau, notamment, il semble pourtant qu’elle émane de Pierre Nicole, célèbre théologien et controversiste du XVIIe siècle qui se lamentait de sa timidité maladive : « On me bat dans la chambre mais je ne suis pas plutôt au bas de l’escalier que je les ai confondus. ». Ce qui donnerait la primauté de l’expression à ce dernier, mort en 1695 quelque vingt ans avant la naissance de nos auteurs des Lumières…

Ainsi, avoir l’esprit d’escalier signifie qu’on trouve la bonne répartie bien après la fin de la conversation avec une sorte de retard à l’allumage qui ferait dire aujourd’hui qu’on a le cerveau diesel.

http://www.century21.fr/edito/article/lescalier-une-histoire-en-marches/

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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Certains esprits chagrins estiment que c'est une oeuvre qui marque le début de l'individualisme ;)

J'ai eu l'occasion de visiter le chateau de Himeji (Japon) chef d'oeuvre de stratégie et d'architecture datant du XIV et XVI dans lequel on trouve un escalier en colimaçon qui a été étudier pour empêcher l'ennemi montant de frapper au sabre (le droitier se heurte au centre de l'escalier), mais qui permet au défenseur de donner les coups (le droitier a l'espace du mur, plus large).

Plus loin, les lattes d'un plancher somptueux sont assemblées pour produire un couinement comme un chant d'oiseau lorsqu'une personne marche sur la pointe des pieds: le premier système d'alarme invisible de l'humanité peut être.

Sans doute que l'escalier de De Vinci a aussi été pensé soit pour échapper à des ennemis, soit pour réduire le nombre d'ennemi à combattre (division oblige pour savoir quel escalier untel a pris).

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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 53ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
53ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
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Bonjour à tous deux,

J'adore cet escalier, j'aime cette complexité et la pensée pour en imager.

Je reviendrai pour lire ce que vous avez énuméré, que de délice.

Merci encore de ce nouveau enrichissement :bo:

:bisou:

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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A la fin du XIXe siècle, l’escalier à l’Anglaise domine par son élégance. On mélange aisément les matériaux. Les courbes peuvent être d’une grande complexité comme celles proposées par Mazerolle, Delataille ou encore Jamin, les premiers “concepteurs” (terme anachronique bien sûr de l’époque), compagnons maniant l’art du trait.

Par la suite, progressivement, avec l’arrivée du chauffage central et de l’isolation, les pièces de vie font office à la fois de cuisine, de salle à manger et de séjour. Nous sommes fin du XXe siècle. L’escalier est placé dans cet espace comme un objet décoratif. Ainsi, les halls de distribution sont réduits au profit de l’espace principal.

Aujourd’hui... Qu’apportons nous de plus que par le passé?

Une technicité innovante alliée à de nouveaux matériaux permettent de répondre à une nouvelle recherche de la beauté s’exprimant à travers la légèreté et la transparence. Nous sommes dans l’ère contemporaine de l’escalier même si le traditionnel demeure. Dorénavant, l’escalier est d’abord une oeuvre d’art que l’on veut montrer, que l’on veut admirer et cela dans notre habitat de tous les jours et plus seulement dans les grands édifices. Il devra être aussi confortable d’utilisation ce qui impliquera une technicité poussée à l’extrême. Certes, nous n’avons rien inventé fondamentalement par rapport au passé.

25-magnifiques-escaliers-en-spirale-qui-vous-donneront-le-tournis10.jpg

Château de Hartenfeld - Allemagne

L’escalier suspendu dans le vide à Torgau en Allemagne conçu au XVe/XVIe siècle est un très bel exemple d’une prouesse architecturale de cette époque présentant déjà un concept contemporain.

EscalierHotelLecomte01.jpg

Exemple d'escalier suspendu sur voûte (hôtel Lecomte à Bordeaux)

Plus proche de nous, on peut parler de l’escalier hélicoïdal de Robert Tallon (designer industriel)

roger-tallon-escalier-m400-03.jpg

présenté pour la première fois au salon Batimat de 1964. Cet escalier sans rampe est réalisé en fonte d’aluminium et devient une référence dans le domaine du mobilier contemporain et reste commercialisé de nos jours.

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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J'en profite pour nous poser sur le mot escalier quelques secondes... escalier... des petites escales? A l'instar du voyageur qui grimpe vers les cieux et qui pose un pied après l'autre, défiant la gravité, et faisant escale à chaque marche.... Marche. L'occasion là encore de faire une marche, puis une autre. Sans faux pas!!! ;)

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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Au XIIIème siècle, les papes d'Avignon ont créé un grand degré qui permettait de rejoindre la chapelle pontificale, l'ascension physique étant la métaphore d'un parcours mystique ;)

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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Pour anecdote j'ai eu l'occasion de grimper le Sri Pada (Pic d'Adam) au Sri Lanka.

AdamsPwakAreil_view.jpg

Haut de 2243, cette montagne est un pelerinage œcuménique que bouddhistes, musulmans et chrétiens peuvent grimper pour y admirer l'emprunte du pied d'Adam ou de Bouddha (c'est selon). La particularité de cette montagne est de "faciliter" ton ascension grâce à 4500 marches totalement irrégulières!

adams-peak-stairs.jpg

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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C'est sans doute plus facile avec les marches mais.. 4500 ..:snif:

Probablement le ? l'un des ? je ne sais pas hein.. Plus célèbre escalier :

odessa_escalier-richelieu.jpg

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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immortalisé par Eisenstein dans son Cuirassé Potemkine.

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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La particularité de cet escalier de 142 m (il paraît plus long mais c'est une illusion d'optique) tient au fait que d'en haut on ne voit que les paliers et d'en bas on ne voit que les marches ;)

Boffo et Melnikov en sont les créateurs.

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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Eisenstein a bien su tirer la particularité de cette illusion en créant lui même l'illusion d'une "chute" interminable... rendu hommage par Brian de Palma dans ses Incorruptibles. La chute du berceau dure une minute (on y retrouve les marins du cuirassé) et le ralenti, les gros plans et la répétition de ces plans participent à étendre la grandeur de l'escalier.

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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Tu parles d'une balade, pôv' gamin :smile2:

Michelangelo Buonarrotti le tourmenté, pour le dessin - Bartolomeo Ammannati pour la réalisation :

http://www.collegesherbrooke.qc.ca/~bourgech/artistes/michelange/bibliome.htm

(Bibliothèque laurentienne à Florence)

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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J'ai eu l'occasion de visiter le chateau de Himeji (Japon) chef d'oeuvre de stratégie et d'architecture datant du XIV et XVI dans lequel on trouve un escalier en colimaçon qui a été étudier pour empêcher l'ennemi montant de frapper au sabre (le droitier se heurte au centre de l'escalier), mais qui permet au défenseur de donner les coups (le droitier a l'espace du mur, plus large).

Dans les forteresses médiévales les escaliers "tournent" toujours dans le sens des aiguilles d'une montre, pour la même raison ;)

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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Dans les forteresses médiévales les escaliers "tournent" toujours dans le sens des aiguilles d'une montre, pour la même raison ;)

D'autant plus que les aiguillent d'une montre tournent dans le sens de la course du soleil, de l'orient à l'occident. Un mouvement qui nous est naturel, du moins dans l'hémisphère nord. Et puisque nous évoluons de jour en jour, marqué par le mouvement du soleil, alors il était sans doute naturel que l'escalier tourne et évolue dans ce sens. ;)

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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J'ai vu aussi dans ces mêmes forteresses médiévales des escaliers de sécurité. En fait ce sont de larges escaliers de pierre qui se trouvent dans la cour principale et desservent donc les étages. Les ennemis arrivaient au galop sur leur cheval et tout le monde montait, les chevaux, les soldats, hoplà ! Seulement voilà.. Bonjour la chute qui les attendaient.. Au milieu de deux volées de marches se trouvait un palier de bois, escamotable. Adieu chevaux, haches, ..cochons? euh..

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Membre, 52ans Posté(e)
Crabe_fantome Membre 47 126 messages
Maitre des forums‚ 52ans‚
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Concernant le chateau de Himeji, une légende raconte qu'on fait exécuter tout ceux qui avait participé à l'élaboration du labyrinthe de façon à s'assurer que l'ennemi ne puisse pas trouver de faille.

map_img_castle_default.gif

Les murs sont fermé autour mais ouvert à l'intérieur pour permettre à l'ennemi de circuler et de se perdre dans les méandres du labyrinthe. A l'intérieur des murailles, des meurtrières tirant de part et d'autre sur l'ennemi.

Et en plus il est beau:

himeji-jo-himeji-japon-1.jpg

La base de pierre des chateaux japonais est né de l'avancé militaire, notamment avec l'arrivée des armes à feu d'occident (jésuites portugais il me semble). Il n'est donc pas rare de trouver des râteliers et des barils de poudre dans ces châteaux. Les plus anciens, en bois, n'existent plus.

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Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 278 messages
108ans‚ ©,
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Il est magnifique !!

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