Le bâteau

Nous étions partis ce matin à bord de notre espoir. Accoudé face à la mer, j'étais pensif. Je questionnais l'horizon et le monde. Qu'y avions-nous gagné? Où cela nous mènera-t-il, à présent? L'un de mes compagnons de voyage s'approcha et s'installa à mes côtés. Nos silences communiaient ensembles. Nous ignorions tout de notre destination, de notre avenir, de ce que nous deviendrons. Je l'imaginais ainsi, en tout cas. Nous étions restés comme cela durant cinq minutes quand il m'interrogea sur mes ressentiments. Je lui répondis, en y croyant faussement, que si nous avions réussi à échapper à notre passé, nous parviendrons assurément à survivre de notre futur. Il s'en alla ensuite. Curieux personnage. Mais, je l'avais oublié bien vite.

Alors que le ciel éclatait d'un bleu magnifique, que la mer susurrait à notre passage, je compris pourquoi je me trouvais là, à l'arrière du navire. J'avais encore ce besoin si humain de me tourner vers l'arrière après notre départ d'hier. Il me fallait le regarder une dernière fois pour mieux me braquer vers l'avant le moment venu. J'éprouvais, oui, une forme de nostalgie caractéristique éprouvée après que nous soyons séparés de ce à quoi nous sommes attachés. Je me souvenais avoir vaguement ressenti quelque chose de similaire le jour où mon nounours, mon ami, avait été emporté par le Démon. J'avais huit ans et pas l'âge de comprendre ce qui m'arrivait en cet instant.

En réalité, je ne saisissais pas réellement la raison de ma présence ici. Il serait plus juste de dire que je ne parvenais pas à dénicher le moindre intérêt qu'ils pouvaient avoir à m'emmener avec eux, à m'avoir choisi. Notre destin nous échappe parfois.

Je décidais qu'il était temps, que je devais rejoindre les autres, m'insérer parmi ceux qui seraient, maintenant, ma famille. Ces gens que je ne connaissais même pas avant d'avoir foulé ce pont et ces planches.

Dans l'une des cabines en contrebas étaient réunis cinq hommes qui jouaient gaiement aux cartes. Hésitant, je continuais mon chemin, peu enclin à tuer l'ennui dès le matin. Plus loin, je croisais un des rares et véritables marins sur ce bâtiment. Un homme intègre, en apparence, qui semblait tenir son rôle à coeur tant il se concentrait sur ce qu'il faisait. Dans les cuisines, l'une des deux femmes finalisait l'organisation de ce qui deviendrait une partie de son quotidien, tandis que l'autre cherchait nerveusement ce que le marin allait apporter au capitaine à sa propre demande.

Des scènes, il n'en manquait pas, et les décrire, les décrypter, m'occupait. Je me sentais un peu à la place du rêveur, nécessaire et inutile, mais apportant une touche de poésie à tous les renouveaux. Il est vrai que j'errais à travers les dédales de cette prison flottante qui me guidait lentement vers ma liberté.

Je me suis levé. J'étais assis et las. Je m'en vais tanguer sur ma vie.

Je sais pas si c'est une allégorie, mais vos texte sont toujours mélancolique.

J'ai pensé aussi à une allégorie, mais... Après l'avoir achevé.

Et, c'est vrai, ils sont souvent assez mélancoliques.

Je te demandais, sur mon fil, si tu écrivais. J'ai ma réponse.

Ton texte me fait l'effet d'un milieu. Il n'est pas le début ni la fin d'une histoire et c'est assez étrange car ça dégage une espèce de perplexité comme si tu nous embarquais avec toi sur ce bateau, alors nous sommes perdus.

Haha, oui, ça m'arrive.

C'est tout à fait curieux parce que l'autre jour, on me disait comme quoi j'écrivais quelque chose qui ressemblait à un prologue. Mais, oui, effectivement, ce n'est pas tout à fait clair et c'est en partie voulu. L'autre partie, c'est qu'en général, je ne suis pas forcément clair :D

je ne suis pas forcément clair :D

D'où le sentiment d'être perdue en te lisant. Tout passe à travers l'écriture, qu'on le veuille ou non.

Mais j'aime ça, ne pas être clair.