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Lettre d'un militant socialiste à un élu socialiste


Aaltar

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Membre, Con de Sysiphe, 49ans Posté(e)
Aaltar Membre 11 523 messages
49ans‚ Con de Sysiphe,
Posté(e)
Lettre d'un militant socialiste à un élu socialiste

Ces lignes sont nées d'une réaction au texte de Créon que l'on peut lire ici. J'ignorais que la taille des commentaires sur Le Post était limitée. Et comme je ne souhaitais guère raccourcir le mien pour entrer dans le cadre imparti, j'ai préféré au contraire m'étendre autant que je le souhaitais.

Cher camarade,

Ton texte me laisse perplexe. Je te l'écris amicalement et il ne faut pas y lire la volonté d'en découdre avec toi. Je souhaite seulement une discussion entre militants qui ne parlent pas de la même position, toi élu et moi simple citoyen chômeur au long cours sans espoir de retrouver un emploi en raison de mon âge.

Je ne vais pas faire pleurer Margot : mon épouse a un salaire correct et un emploi garanti qui nous permet de vivre dans la sérénité. Quand tu ne saisis que des bribes de conversation, j'entends et ré-entends de longues argumentations. Cela m'est facile : je fréquente de façon assidue la simple gêne comme la pire misère dans mes activités bénévoles.

La géographie de mon monde : depuis épicerie sociale, restaurant social, Secours Populaire et catholique, Croix-Rouge, Resto du c¿ur, jusqu'au vide-grenier dominical et à la vente de vêtements au poids à l'APF. La sociologie de mon monde : SDF et punks à chiens, vieux qui mangent dans les poubelles, récupérateurs organisés qui vendent au vide-grenier du dimanche la récolte de la semaine pour arrondir le petit salaire ou la maigre allocation, démolisseurs qui volent nuitamment les métaux dans les immeubles délaissés jusqu'aux salariés modestes qui peinent à joindre les deux bouts, aux solitaires encore aidés par leurs parents et aux syndicalistes qui essaient encore d'y croire et de se battre.

Tu constates le pessimisme ambiant. Tu constates la ranc¿ur et la frustration ambiantes. Tu constates l'existence de boucs-émissaires qui ne sont pour rien dans le marasme ambiant. Tu constates que les cantonales n'intéressent guère. Tu constates que la teneur des discours de Marine Le Pen est dans la tête de bien des gens. Tu constates que notre Parti Socialiste ne suscite pas le moindre espoir. Bon. éa ressemble un peu à l'invention de l'eau chaude et tu voudras bien me pardonner de te l'écrire aussi directement. Car voilà autant de constats bien aisés à faire quand on n'est pas dans les deux ou trois premiers déciles de l'INSEE classant les Français par leur revenu.

Mais venons-en au vif du sujet. Tous ces constats devraient interroger vigoureusement notre parti. Tout comme les trois raclées présidentielles que nous avons prises, dont une cinglante fessée cul nu en 2002, auraient du interroger notre parti. Et que voit-on venir ma s¿ur Anne ?

Ou bien rien. C'est à dire de picrocholines guéguerres de chefs de gare sur la façon de siffler.

Ou bien de très nombreuses excellentes raisons de prendre une nouvelle bonne raclée. Je ne citerai que ce calamiteux alignement du PS sur la loi Fillon portant à 41,5 années la durée de cotisation pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein. Des millions de personnes ont défilé, fait grève, manifesté, bloqué, etc. Et le PS propose à peu près la même chose que Sarkozy en changeant juste le baratin accompagnateur. Enfin même pas toujours. J'ai vu DSK répéter l'argument "puisqu'on vit plus vieux..." Tu imagines l'enthousiasme délirant de l'ouvrier du bâtiment ou de la femme de ménage, déjà bien abîmés à cinquante ans, qui écoutent un oligarque pansu pas fatigué par le travail tenir de tels propos ?

Moi, membre du PS, n'ai même pas envie de voter pour l'un ou l'autre des candidats à la candidature. Si même un militant socialiste n'a pas envie de départager X et Y, peux-tu entrevoir à quel point l'électeur lambda se désintéresse de la vie politique ? Aucun de nos candidats potentiels n'apporte l'espoir aux déshérités, aux laissés pour compte, aux salariés de plus en plus fragilisés, aux pas trop affectés mais inquiets pour leurs enfants. Aucun de nos candidats potentiels ne dit qu'il veut en finir avec l'argent idole de notre époque, aucun ne s'affirme vigoureusement anticapitaliste, aucun ne propose ne serait-ce que quelques bricoles susceptibles de changer un peu la vie des humbles. Et bien sur aucun ne propose simplement de "changer la vie" comme nous le disions jusqu'en mai 1981. Avec une poignée de camarades Gérard Filoche s'escrime à demander au PS la mise en avant quelques points basiques comme la hausse du Smic à 1600 euros mensuels, le maintien des 35 heures ou le retour à la retraite à 60 ans. Des bricoles qui ne font pas rêver, c'est sûr, parce que manquant d'ambition. Eh bien, même cela est encore trop demander au sein du PS.

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"Nous devons faire preuve de réalisme." Ou bien "C'est pas possible." C'est ce que je dois entendre chaque fois que je râle devant la médiocrité insipide de nos propositions comme chaque fois que j'avance la moindre idée.

Alors il faut dire le crève-c¿ur de voir que c'est Villepin ¿ bolchevik UHT, ultra-hyper-total gauchiste pas du tout crédible, bien connu pour ses outrances et ses excès, son populisme et sa démagogie, son absence de sens des réalités ¿ qui propose tout bonnement un revenu universel minimal de 850 euros mensuel. C'est à dire un doublement du RSA individuel. Pas le Pérou pour la mère seule qui rame entre les gosses, le boulot précaire à temps partiel, la Croix Rouge et le Secours Populaire, mais tout de même une amélioration. Un espoir modeste...

Il y a une peur ambiante. Tu as raison. Mais le PS ne répond à aucune inquiétude de nos concitoyens. Logement, revenu, santé, retraite, emploi, précarité, désastre écologique, le PS ne propose même plus le moindre sparadrap et il faut un Villepin pour proposer ce parachute social !

La situation sociale n'est pas le fruit d'un caprice de dame nature contre lequel on ne pourrait rien. Il faut nommer les responsables, promettre de châtier les coupables avec sévérité, démonter les mécanismes qui appauvrissent les pauvres et enrichissent les riches. Rétablir la progressivité de l'impôt et taxer lourdement les hyper-riches. Citer les noms des Dracula qui vampirisent nos vies. Le silence du PS est assourdissant : jamais on entend les noms des ennemis des classes laborieuses. Bernard Arnaud, Vincent Bolloré, Gérard Mulliez, Michel-édouard Leclerc, le grand capital de la Bourse, la finance banquière aux traders fous et le CAC 40.

Le peuple voit bien qu'on lui fait la guerre. Mais comme le PS ou les syndicats ouvriers ne lui disent pas qu'il s'agit d'une guerre de classe menée par les princes d'un capitalisme décomplexé, le peuple s'invente des ennemis qui sont nos voisins pas comme nous : les jeunes si on est vieux, les vieux si on est jeune, les hommes si on est femme, les femmes si on est homme, et puis aussi les noirs, juifs, musulmans, immigrés ou descendants d'immigrés, homos, étrangers et que sais-je encore puisque chacun est l'ennemi de tous et puisque Marine Le Pen, elle, nomme des ennemis parmi nous...

Tout cela parce que le PS ne veut pas dire que nous avons des ennemis, ne veut pas les nommer, ne veut pas les combattre.

Peux-tu comprendre la détresse des gueux que le PS refuse avec obstination de défendre ?

Peux-tu comprendre l'inquiétude de ceux qui voient le monde s'effondrer autour de leurs enfants ? Peux-tu comprendre le désarroi des militants socialistes ? Peux-tu comprendre le départ du PS de mon camarade B. ¿ un vieil homme qui a côtoyé Pierre Mauroy durant des décennies c'est te dire si c'est un gauchiste ! ¿ éc¿uré devant les renoncements à répétition de notre parti ?null

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Source : Lepost.fr

Ce qui me navre dans cette détresse c'est qu'elle est dans le vraie, le PS n'est plus qu'un bourbier politique avide de politique politicienne pour politique politisés. A quel moment voit on arriver l'idée, le combat, la mesure des choses ? Néant, comme la pertinence de Royal, vide comme le contenu d'un programme rafistolé, aussi mauvais pour élaborer et envisager le pouvoir que pour contrer celui en place.

Je ne suis pas socialiste et j'aimerai que ce parti cesse de se tripoter les entournures pour enfin se mettre au boulot, c'est la démocratie qu'ils abandonnent, et ceux qui avaient cru en eux par la même occasion.

La tête est déconnectée de la base, on observe du reste la même tendance au niveau des organismes syndicaux qui eux aussi font de la politique pour poli... [je vous la refais pas].

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Membre+, Pitbull le matin, ourse le soir, 48ans Posté(e)
CmoiC Membre+ 26 407 messages
48ans‚ Pitbull le matin, ourse le soir,
Posté(e)

Que de vrai dans ce message...

Moi qui ai toujours été une électrice socialiste, je suis aujourd'hui navrée. Je ne suis pas une militante non, certes pas.

Je ne sais plus pour qui voter. Alors je vote ''contre'', par défaut.

Et aucun candidat encore à cette heure ne vient m'amener l'espoir d'un changement réel.

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Membre, Con de Sysiphe, 49ans Posté(e)
Aaltar Membre 11 523 messages
49ans‚ Con de Sysiphe,
Posté(e)

Le soucis, c'est que le PS est au coeur même du système qu'ils dénoncent. En ayant presque tous les conseils régionaux ils ont les mains au plus près des affaires et en politique locale tout dépend des régions.

Alors, les gens se sont fait avoir lors des dernières régionales, ils ont voté contre le gouvernement mais ont remis les mêmes au pouvoir dans leur région, les mêmes qui finalement étaient déjà à la rue et qui sont maintenant confortablement installés pour ne rien faire.

La politique pour eux n'est plus qu'une question de pouvoir et non de combat, encore moins d'idée ni même de posture idéologique.

Ils contribuent à faire que ce constat des plus inquiétant tend à se répendre : "de toute façon tous pourris". Sans même s'en rendre compte ils sont les premier convoyeurs de voix du FN qui puise dans l'électorat populaire des précieux pourcentages de mécontents, déçus, lachés...

Il ne pourront pas éternellement rejeter les fautes sur les autres, le jour viendra où ils devront faire face à leur défection. Le coup de Jospin en 2002 c'était pourtant suffisamment marquant pour qu'ils se posent des questions, bah non, au lieu de ça, ils sont toujours et encore dans leur guerre des chefs aussi stérile qu'immature (politiquement).

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Invité Cosette 2
Invités, Posté(e)
Invité Cosette 2
Invité Cosette 2 Invités 0 message
Posté(e)

de mes deux mains j'applaudis :cray:

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Membre+, 70ans Posté(e)
ASKI Membre+ 9 818 messages
Forumeur balbutiant‚ 70ans‚
Posté(e)
Que de vrai dans ce message...

Moi qui ai toujours été une électrice socialiste, je suis aujourd'hui navrée. Je ne suis pas une militante non, certes pas.

Je ne sais plus pour qui voter. Et aucun candidat encore à cette heure ne vient m'amener l'espoir d'un changement réel.

:cray:

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Membre, Artisan écriveur , 57ans Posté(e)
Bran ruz Membre 8 737 messages
57ans‚ Artisan écriveur ,
Posté(e)

Merci beaucoup Aaltar pour ce sujet qui remet les pendules à l'heure.

On lit tellement de poncifs éculés sur le peuple de gauche qu'il est bon d'entendre ce qu'il a à dire.

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