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dans le sillage des caravelles...suite


pyrenne

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Membre, .un pavé dans chaque main!, Posté(e)
pyrenne Membre 7 025 messages
.un pavé dans chaque main!,
Posté(e)

Nous sommes au début des années 1440

Pendant cette décennie, l'aventure portugaise reprend de plus belle

En 1441, Antão Gonçalves reconnaît le Rio de Ouro, puis atteint le Cap Blanc

Là, pas d'or, mais des peaux de phoques

Et des hommes à la peau plus sombre que ceux qu'on a rencontré jusqu'alors

Le navire qui atteint ces régions développe une voilure extraordinaire : on a enfin l'instrument impeccable pour la navigation hauturière : la caravelle

Son capitaine est Nuno Tristão

tristaomdaille.png

Nuno Tristão - médaille commémorative

Le triumvirat inauguré avec Zarco, Perestrello et Vaz devient la règle :

un capitaine qui se charge de tout sur terre : exploration, contact avec les indigènes, commandement des troupes embarquées

un pilote qui se charge des choses de la mer : une fois levée l'ancre, c'est lui le seul maître à bord

un escrivão qui est le représentant de l'armateur, qui tient le journal de bord, les comptes et s'occupe de la cartographie

lesnavigateursdupanneau.jpg

les navigateurs du panneau de São Vicente de Fora - bien qu'on ignore quels sont les navigateurs représentés, il s'agit sans doute d'un armateur (richement vêtu de vert) d'un capitaine (à sa droite) et de leur pilote (au-dessus) enfermés tous trois dans un filet de pêche

Tristão établit un camp de base au Cap Blanc, puis plus tard sur l'île d'Arguin, qui deviendra un comptoir

De là, on organise des expéditions, on troque du blé et des chevaux contre de la gomme arabique, de l'or...et des esclaves

Le 8 août 1444, au port de Lagos, l'Infant Henrique regarde passer devant lui une file de 430 esclaves, dont il prélève sa part : 90 têtes

Le chroniqueur Zurara rapporte qu'on entendait sur les quais les chants désespérés des mères séparées de leurs enfants, ce qui ne l'empêche pas de les qualifier de « bestiales », tant qu'elles ne sont pas converties

marchauxesclavesdelagos.jpg

ancien marché aux esclaves de Lagos

Désormais, deux fois l'an, les caravelles déchargeront sur les quais de Lagos leur marchandise humaine

Ces esclaves vont être le moteur de la complète colonisation de Madeira, de son extraordinaire réseau de canaux, les levadas, et de son industrie sucrière

Une partie de ces esclaves et réservée à l'aménagement des infrastructures portuaires, avant d'y être utilisés comme portefaix

Les esclaves se fondent peu à peu dans la population la plus pauvre, leur importation ne deviendra monstrueuse que 50 ans plus tard, quand il s'agira de fournir au Nouveau Monde du bétail humain

arbaltecopie.png

soldat portugais à l'arbalète - art du Bénin - XVI ème siècle

soldatportugaiscopie.png

soldat portugais - art du Bénin - XVI ème siècle

esclavage1.jpg

les esclaves

Cette même année 1444, Dinis Dias atteint une avancée qu'il appelle Cap Vert

Il aborde la future Gorée, face à Dakar, et fonde un comptoir, Palma

Et cette fois, l'or est au rendez-vous, et Dias diversifie sa cargaison, il rapporte de l'ivoire, des fruits exotiques, des singes et des oiseaux aux plumages merveilleux pour orner les coiffures des élégantes de Lisbonne

Pendant ce temps, Nuno Tristão poursuit la route, et sa caravelle pénètre dans un large fleuve : la Gambie

Il est en confiance, jusque là, les échanges se sont toujours bien passés

Mais cette fois-ci, Tristão et tous les hommes débarqués sont massacrés, seule un poignée regagne le navire et parvient à le ramener à Lagos

cartec.jpg

expéditions de Nuno Tristão et Diogo Gomes

Ce fut alors comme si les caravelles avaient jeté l'ancre pour une pause de quelques années

Le Portugal est secoué par le meurtre de l'Infant Pedro par son neveu, le nouveau Roi Alphonse V, qui ne s'intéresse pas aux découvertes, le commerce avec les régions découvertes devient provisoirement la seule occupation des Portugais

marchandsportugais.jpg

Commerçants portugais - art du Bénin - XVI ème siècle

Henrique, en permanence retiré à Sagres, impose une politique de secret commercial à ses capitaines et à ses pilotes, il ne veut pas que soient connus des Espagnols et des Normands les endroits d'où on ramène or et esclaves

Le coup d'arrêt est dû aussi au massacre d'un autre équipage, immédiatement après celui de Tristão, commandé par un marin danois au service du Portugal

Les Portugais comprennent alors qu'ils vont désormais avoir affaire, non pas comme jusque là à quelques caravaniers, mais à des peuples nombreux, structurés, complexes, alliés ou opposés les uns aux autres, et décidés à se venger de la capture des esclaves

En 1445, une expédition est repartie, le capitaine est Diogo Gomes

Expédition punitive ? peut-être....

Diogo a raconté les attaques des Noirs autour de sa caravelle, les flèches et les sagaies pleuvant sur le pont, les Noirs abattus à l'arbalète et le canon qui tonne sans mettre pour autant en déroute les indigènes furieux

diogogomes.jpg

Diogo Gomes

L'année suivante, peut-être pour expérimenter une nouvelle route de retour qui éviterait les Canaries ¿ et les Espagnols ¿ Diogo Gomes pousse plus au large, et découvre l'archipel du Cap Vert, qui devient la plaque tournante de la traite et le nouveau tremplin pour les découvertes

capvertiledesaovicentec.jpg

São Vicente, une des îles de l'archipel du Cap Vert - le cratère du Viana

capvertiledesal.jpg

le sel rosé a donné son nom à Sal, autre île de l'archipel

Cependant que les caravelles naviguent sur une mer de moins en moins ténébreuse, les conflits en France, en Angleterre, en Pologne ne cessent de se rallumer

En 1453, les Turcs prennent Constantinople dans l'indifférence générale

Le 13 novembre 1460, dans sa forteresse de Sagres, s'éteint l'Infant Henrique, le Prince Navigateur

Dans son tombeau de la Batalha, il rêve encore, peut-être, des grandes voiles blanches frappées de la croix rouge caressant l'écume

tombeaudunavigateur.jpg

Tombeau de l'Infant Henrique élevé par João II dans l'église du monastère de la Batalha construit entre 1386 et 1517 en commémoration de la bataille d'Aljubarrota, le 14 août 1385, qui consacra définitivement l'indépendance du royaume du Portugal

Un autre Prince, le Roi João II, va impulser la reprise des expéditions de découvertes

Il faudra encore 30 années d'efforts et l'acharnement d'hommes d'exception comme Diogo Cão, le Chien de mer, pour qu'enfin Bartolomeu Dias trouve ce passage qui avait été pour le Navigateur le but de toute sa vie

Je vous raconterai ça la prochaine foiscaravelle.gif

pour les curieux...et les amateurs d'art :

le Polyptyque de São Vicente de fora

En 1882, lors de la restauration du cloître de São Vicente (1627) les ouvriers qui montaient les échafaudages, exhumèrent d'on ne sait où quelques planches qui leur parurent de bon aloi pour l'usage qu'ils voulaient en faire

En y regardant de plus près, ils s'aperçurent que ces planches portaient des traces de peinture et en frottant un peu, des visages apparurent

Les planches furent confiées à un restaurateur (très mauvais, hélas) qui les « nettoya », et on put alors se rendre compte qu'on tenait là une ¿uvre exceptionnelle

Et dans la foulée, s'ouvrit la non moins exceptionnelle Querelle de Panneaux, car jamais ¿uvre d'art ne fit tant couler d'encre, ni n'occasionna autant de bagarres de savants et d'experts en tout genre, sans compter les disputes familiales

Sans signature, sans date, sans que l'on sache dans quel ordre il faut les placer, ni qui ils représentent, ni quel évènement ils racontent, sans que l'on sache non plus si l'ensemble est complet ou s'il manque des panneaux, s'ils sont intacts ou s'ils ont été rognés, ni comment ils étaient montés dans leur encadrement, ni à quelle église ils étaient destinés, bref, on en est réduit aux hypothèses, des plus sages aux plus farfelues

Pourtant, à force de recherches, laborieuses car les archives ont disparu dans le tremblement de terre de 1755, on releva dans un ouvrage de Francisco de Holanda, édité en 1548, la trace d'un tableau d'autel qui se serait trouvé dans la cathédrale de Lisbonne, et dont l'auteur aurait été un certain Nuno Gonçalves, peintre du roi vers 1460, mort vers 1492, et fort admiré de son temps

Mais rien ne prouve que le tableau dont parle de Holanda ait quelque chose à voir avec ces panneaux

L'¿uvre fut malgré tout attribuée, sans pour autant avoir la certitude qu'il en soit bien l'auteur, à Nuno Gonçalves

C'est un document extraordinaire et unique, galerie de personnages d'une vérité sans exemple pour cette époque

Je vous laisse admirer, et vous pouvez à votre tour imaginer l'histoire qu'ils racontent, la Querelle reste ouverte...

panneauxdesovicentedefo.png

Polyptyque de Sáo Vicente de Fora, attribué à Nuno Gonçalves (vers 1460) Musée d'Art Ancien de Lisbonne (vous reconnaîtrez, sur le troisième panneau à partir de la gauche, habillé de noir, Henri le Navigateur)

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Membre, Artisan écriveur , 56ans Posté(e)
Bran ruz Membre 8 737 messages
56ans‚ Artisan écriveur ,
Posté(e)

Merci. La classe . Comme d'hab...

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Membre, .un pavé dans chaque main!, Posté(e)
pyrenne Membre 7 025 messages
.un pavé dans chaque main!,
Posté(e)

merci, Bran, indulgent comme d'hab, mais ça me fait plaisir :yahoo:

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Invité Achille Talon
Invités, Posté(e)
Invité Achille Talon
Invité Achille Talon Invités 0 message
Posté(e)

Merci Miss Pypy :dev:

C'est calme, reposant, ça change :yahoo:

A quand l'épisode suivant ?

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Membre, .un pavé dans chaque main!, Posté(e)
pyrenne Membre 7 025 messages
.un pavé dans chaque main!,
Posté(e)

suis contente que ça te plaise

le prochain épisode est presque écrit, restera à l'illustrer, je pense que ce sera prêt d'ici deux ou trois jours

si le vent souffle dans le bon sens, et qu'il n'y a pas d'avarie, parce que le Cap, c'est pas la porte à côté :yahoo:

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