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Le principe de précaution, l'état, la science...


Lotaire

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Membre, 54ans Posté(e)
Lotaire Membre 241 messages
Baby Forumeur‚ 54ans‚
Posté(e)

Beaucoup cherchent à tordre actuellement le principe de précaution, au nom d'une rationalité économique supérieure.

Exemple pour en discuter :

L'amiante a été interdit en France en 1996. aussitôt le Canada, premier producteur d'amiante, attaque la France à l'OMC pour entrave au libre échange. Il sera débouté au motif que la santé peut justifier d'une telle entrave.

Mais il aura fallu attendre 90 ans cette interdiction depuis le moment ou l'amiante avait été identifiée comme une fibre toxique mortelle pour ceux qui la travaille (1906).

En 1998 le président de la fédération des producteurs d'amiante du Canada laisse entendre d'en une réunion publique que l'Afrique continuera bien pendant quelques décennies d'acheter de l'amiante, puisqu'"ils ne vivent pas assez vieux pour nous emmerder avec des cancers".

125 millions de travailleurs continuent à utiliser l'amiante dans le monde et 90.000 en meurent chaque année.

______

Le récent nuage volcanique qui a paralysé l'Europe du nord, a été l'occasion d'une réflexion sur les rythme de vie de notre civilisation, dans la logique de la conscience montante liée à l'écologie politique.

Mais la raison économique reprend vite le dessus, et beaucoup attaquent le principe de précaution qui a cloué au sol une partie de l'économie, des centaines de millions d'euros perdus...

Olivier Duhamel, lui-même, ce matin sur France culture s'en faisait le porte-parole :

C'est plus populaire de vouloir éviter une hypothétique catastrophe aérienne, avec le mauvais impact médiatique, spectaculaire, que ca peut avoir..Que de calculer la nuisance d'une précaution qui coûte aussi des vies avec des transplantations qui n'arrive pas etc.. (on aimerait savoir ce que représente le "etc." Car mettre en balance le risque de plusieurs crash avec quelques malades est très rationnel on en est sur..). Le rapport coût/bénéfice n'est pas pris en compte par le principe de précaution..

On voit là, dans ce discours, un extraordinaire résumé du mode de fonctionnement de notre civilisation depuis la révolution industrielle,républicaine, et rationnelle.

Très essentiellement, il ne s'agit pas de s'opposer à un principe humaniste, à ce que la logique humaine perçoit d'emblée (chez un esprit sain Français, Anglais, Dogon, Assyrien ou Incas) comme une évidence. S'y opposer de but en blanc serait d'ailleurs de l'ordre de la pathologie mentale.

De fait, dans une société hiérarchisée, on procède par l'imposition des valeurs et objectifs de dominants à des dominés. La violence directe en est le premier moyen. Puis le processus de civilisation complexifie le phénomène par une violence indirecte, de l'auto-censure, de la discipline, et enfin, à notre époque par le relativisme général, la confusion des genres...

La remarque d'Olivier Duhamel exprime ainsi toute la quintessence de la lutte des intérêts dans une société industrielle,républicaine et rationnelle. Il en appelle au doute mathématique (calcul de coût et de bénéfice) rationalité par excellence pour "interroger" un principe, qui dans une logique humaniste n'est pas interrogeable.

Dans une logique humaniste, c'est le risque qu'encourent un grand nombre qui l'emporte sur les risques ou intérêts du petit nombre ou du très petit nombre. Mais la logique matérialiste et hiérarchique d'une civilisation ne peut le tolérer in fine.

En 14-18, des milliers de soldats ont été fusillés pour désertion (c'est à dire pour refuser de protéger les intérêts de la classe dominante puisqu'eux n'avaient rien à perdre ou à gagner dans cette guerre, ni même leur langue, leur culture, ou leur travail.. je dis bien rien !).

Les dominants tuent pour garder le contrôle, depuis la nuit des temps de la "civilisation".

Mais infliger la mort n'est pas toujours possible, ou suffisant, ou admissible sans risque de révolte. Il faut alors dominer par les mots, les représentations, les symboles.

La rationalité a été invoquée durant 90 ans concernant l'amiante pour laisser supposer que le problème était complexe, qu'il fallait chercher, étudier les causalités, qu'il y avait des doutes ! Et qu'au motif de ces doutes, mieux valait utiliser l'amiante qui sauvait des vies (encore cet argument car il était difficile de mettre avant les profits considérables que cette argumentation fantoche masquait).

La rationalité est encore invoquée dans le cas des OGM qui pourrait empêcher les famines et disettes (alors que des millions de tonnes de produits agricoles sont détruits par les pays du nord, sans parler des 30 à 40% de produits gaspillés par les ménages et la distribution). Alors que la réalité des OGM est simplement l'appropriation industrielle du vivant pour créer des rentes de situation.

La rationalité est encore invoquée lorsque la crise (et donc la baisse des profits économiques) doit l'emporter sur les questions écologiques, une taxe carbone, ou des objectifs de réduction des gaz à effets de serre (Copenhague)... Parce que les objectifs humains quand il y a des profits en jeu "ca commence [toujours] à bien faire !"

La rationalité dominante n'aime donc pas le principe de précaution. De fait elle n'aime pas les principes autres que ceux de l'économie et de l'accumulation de propriété privé pour un petit nombre (le bonheur du plus grand nombre n'est alors jamais utilisé autrement que comme variable de justification très éloignée dans le futur.. Et surtout toujours à la même distance !).

Il n'y a finalement de rationalité dans la cadre du libéralisme qu'économique. Le libéralisme ne change, de fait, rien à la mécanique hiérarchique et dominatrice de la civilisation. Il ne fait que produire des règles visant à masquer, à institutionnaliser et à opacifier cette mécanique en la faisant paraître juste à défaut d'être bonne, car la moins mauvaise (non pas jusqu'à présent mais dans toute histoire possible, par essence ou nature...).

Tout se joue en fait sur le doute, la confusion, la démultiplication des explications, de la parole, de l'opinion, instrumentalisée pour rendre le plus difficile possible toute forme de décision contre des intérêts dominants.

Et lorsque le masque glisse un peu, reste toujours la guerre contre une menace fantomatique, la police, légale mais illégitime contre des grévistes etc...

Les semeurs de doute sur des principes humanistes sont toujours du "bon" côté du manche. On les trouve, comme par hasard chez les professeurs, directeurs de recherche, politiciens, dirigeants d'entreprises, d'association, de syndicats, cadres supérieurs etc.. Tous bien intégrés, propriétaires, petit ou gros actionnaires, ayant un statut social et des intérêts financiers à défendre en défendant finalement l'essentiel de l'ordre établi.

Certains d'entre eux osent interroger cet ordre, car ils se projettent au-delà de leur propre existence personnelle.

Maurice Druon dans les rois maudits fait dire au Comte d'Artois "on est grand que si on œuvre pour plus grand que soit, et donc pour au-delà de soi".

Il s'agit toutefois encore de génération familiale et le Comte pense à ses enfants.

Mais il faut à mon sens, pour être véritablement humain, penser à l'espèce dans son ensemble à venir comme sa filiation.

Douter est une attitude dont il ne faut pas abuser et, en tout cas, dans le doute, il faut conserver la sagesse de s'abstenir du risque. Déroger à cette règle peut être compréhensible dans le cadre du choix individuel, pour soi. Elle est tout simplement in-humaine lorsque s'applique à d'autres que soi.

La rationalité économique ne cesse d'engager la vie et l'existence d'autrui au profit de quelques uns, ne faisant que prolonger l'esclavage, le servage... Toute la logique d'exploitation de l'histoire.

L'avenir de cette rationalité in-humaine est tout tracé, celui ou celle qui abandonne quelques minutes seulement ses justifications sociales et culturelles le perçoit aisément mais douloureusement s'il ou elle n'a pas le courage de faire des choix éthiques.

Alors vous, quelle est votre rationalité ? Quelles sont vos choix ?

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Membre, Serial shooter, 58ans Posté(e)
Mr Wolfe Membre 5 564 messages
58ans‚ Serial shooter,
Posté(e)

Mes choix ? Exemple concret :

Quand je suis rentré conducteur de métro à la ratp en 91, l'impératif absolu qu'on te bourre dans le crane est : sécurité.

En 2006, le directeur de l'unité RER ligne A te dis franco (à propos des paquets suspects) : "je préfère que les voyageurs soient dans une situation à risque sur 10% de leur trajet plutot que d'interrompre le trafic".

Bon, lui il est tranquille dans son burlingue...

Depuis je me suis cassé de cette boite qui aujourd'hui marche sur la tête.

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Membre+, Imperoratriz à temps partiel, Posté(e)
ManhattanStory Membre+ 14 228 messages
Imperoratriz à temps partiel,
Posté(e)

Autre exemple concret :

Au Musée du Louvre si un incendie se déclare, un séisme ou tout autre évènement dangereux, première consigne : évacuation des oeuvres majeures et transportables, deuxième consigne évacuation visiteurs et personnel.

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Membre, Le Dieu Lapin, 37ans Posté(e)
Lapinkiller Membre 10 149 messages
37ans‚ Le Dieu Lapin,
Posté(e)

grippe A, 90 millions de vaccins commandés :blush:

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Membre+, Imperoratriz à temps partiel, Posté(e)
ManhattanStory Membre+ 14 228 messages
Imperoratriz à temps partiel,
Posté(e)

...tu oublies le stock de Tamiflu et de masques qu'il leur reste sur les bras.... :blush:

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