Aller au contenu

Nouvelle fantastique


Powët

Messages recommandés

Membre, 32ans Posté(e)
Powët Membre 37 messages
Baby Forumeur‚ 32ans‚
Posté(e)

Bonsoir !

La nouvelle qui va suivre n'est ni une nouvelle d'heroic fantasy ni de science fiction, mais une nouvelle fantastique, dans le sens de "ce qui part du monde réel pour dériver vers l'irréel". Voilà, je tiens aussi à préciser que j'ai déjà publié cette nouvelle sur un autre forum, et j'aimerais que vous m'en disiez des nouvelles (uhuhuhu, le jeu de mot que personne n'a jamais fait... :blush: ), pour que je puisse l'améliorer, encore et encore ! Bref, voici...

Mon voisin s'appelle Charlotte

Je hais mon prénom. C'est la chose que je déteste le plus au monde. Pourquoi m'avoir appelée Charlotte ? Pourquoi ne pas avoir choisi un nom qui m'aurait mieux convenu ? Rose, Fleur, voilà des noms délicats qui me conviendraient à merveille : des noms de fleurs. J'adore les fleurs. Je pourrais vivre en plein air, dormant à la belle étoile, chaque soir, et ayant pour seule occupation de regarder les vertes prairies fleuries. J'aimerais me promener parmi ces beautés en voie de disparition, battant joyeusement la campagne, seule, épanouie. Mais non, je suis née en ville, et je ne l'ai presque jamais quittée. Je hais mes parents, rien que pour ça. Charlotte, immédiatement, on pense aux pâtisseries, et on imagine qu'on peut me croquer à volonté ; mais non, moi, je suis délicate et fraîche. J'aime qu'on me caresse et non qu'on me brusque ; qu'on m'aime et non qu'on me goûte.

Au lycée, on se moque souvent de moi à cause de mon prénom. Sans doute parce que j'ai dit un jour que je n'aimais pas. J'ai dû faire référence aux pâtisseries, et, depuis, on me charrie avec ça. On me dit que je devrais arrêter d'en manger, que je suis trop grosse ; pourtant, je suis très mince. Mes parents disent que je suis maigre : je combats ce mot, qui a à mon goût une connotation trop péjorative. Mince, je suis mince ! Je suis une grande et mince brune de dix-sept ans. Je ne suis pas bronzée, mais j'en suis fière. Ma mère me dit souvent que je suis « blanche comme un cul ». Je trouve cela gratuit et grossier. Et, évidemment, je suis aussi blanche que mon postérieur ; je ne tiens pas à avoir des couleurs inégales.

Enfin bon, aujourd'hui, c'est la rentrée. Je vais en terminale. L'année du Bac. J'espère simplement que je ne retrouverai pas tous ces imbéciles que j'ai quittés l'année dernière. Je n'ai que peu d'amis dans mon établissement, et ce n'est pas plus mal, ce n'est pas ce que je cherche. Les amis sont bons pour les vacances, c'est là qu'on s'en fait. Les autres, ce sont ce que j'appelle des « camarades de divertissement ». Je joue, je m'amuse, je ris, mais ce n'est pas pareil. Ce n'est pas profond, ce n'est pas vraiment moi. Mon réveil a sonné à sept heures au lieu de six heures. Je vais sûrement être en retard, mais, après tout, tant pis. Je courrai sur le chemin. Je m'habille rapidement, enfilant un tee-shirt un peu froissé et un jean troué au niveau du genou droit, souvenir d'un après-midi à se rouler dans l'herbe fraîche d'une prairie savoyarde.

Je sors ; il fait grand soleil, et la chaleur, heureusement, n'est pas encore présente à cette heure-ci. Il y a même un petit vent frais qui vient me fouetter gentiment le visage. Je prends une petite inspiration, puis, sac bien accroché au dos, je me lance. Je cours un petit moment. Devant moi, la grande avenue occupée par les travailleurs se rendant à la tâche. Le feu des piétons est rouge. Je n'ai pas le temps : tant pis, je passe. Les voitures feront avec. Mais un automobiliste va plus vite que les autres : je suis au milieu de la rue. Trop tard pour faire marche arrière. Je suis tout à coup comme tétanisée. Je vois distinctement le véhicule arriver. Je vois même le chauffeur qui écarquille les yeux et qui tente de freiner.

Un choc terrible me soulève dans les airs. J'ai les yeux encore grands ouverts. Je vois le ciel sans nuage défiler. Et je retombe brutalement sur le sol. Puis tout devient noir.

-¿ se réveiller, d'un moment à l'autre.

Une voix. Elle m'a réveillée. J'entrouvre les yeux et aperçois les contours indistincts de ce que je devine être mes parents et une infirmière. Finalement, je l'ai loupée, ma rentrée. Soudain, quelque chose m'intrigue : je prends conscience que je sors d'un accident, et pourtant je n'ai mal nulle part. Finalement, ce n'est pas plus désagréable que ça. J'ai du repos, et on va me plaindre. Au moins, ça changera de d'habitude.

-Oh ! Ma bichette adorée ! Tu t'es réveillée !

C'est maman. Elle se jette sur moi et m'enlace furieusement. Mes os craquent un peu sous sa forte corpulence, mais je ne dis rien. Enfin, elle me relâche, et c'est au tour de mon père. Lui me prend moins fort, sans doute de peur de me faire mal. Je veux parler, mais impossible : je me rends compte que j'ai un affreux mal de gorge. Seul un horrible râle sort de ma bouche endolorie.

-Repose-toi, ma chérie ! S'exclame ma mère. On passera te revoir ce soir !

L'infirmière les guide ensuite hors de ma chambre. S'ensuivent de longs moments où je reste seule avec moi-même. Ce n'est pas si désagréable. Avec une certaine ironie, je pense à là où j'aurais pu être à ce moment précis. Je regarde l'heure et la date : deux jours se sont écoulés. Il est dix heures du matin.

Plusieurs heures se déroulent. Soudain, me prend l'envie de parler. J'essaye d'émettre une phrase. Ma voix est considérablement enrouée et rauque, mais j'arrive à parler un peu. Le soir, vers dix-neuf heures, mes parents reviennent. Ils ont l'air un peu inquiets, mais tout de même rassurés que je me sois réveillée.

-Salut, papa, salut, maman.

Je dis cette phrase de ma voix grave et rauque. Ma mère me caresse les cheveux. Ils restent ainsi à me contempler durant plusieurs minutes, telle une bête dans un zoo. Enfin, mon père lâche :

-On devrait peut-être y aller et la laisser se reposer¿

Maman me caresse une dernière fois la main, et repart. La porte est à peine refermée qu'elle se rouvre : c'est une infirmière, cette fois. Elle m'annonce avec un grand sourire :

-Demain, tu pourras te laver si tu veux à la salle de bains. Je pense que tu peux te lever maintenant. Mais si tu te sens trop faible, ne te presse pas.

-Merci, dis-je de ma voix détraquée.

Elle ressort. Aussitôt qu'elle est partie, je me lève : je me rends compte que je n'ai pas mal aux jambes, et que je tiens parfaitement debout. Mais il faut que je dorme, donc je me recouche et m'endors assez vite.

Le lendemain, je me lève en pleine forme. Je vais à la salle de bains. Je prends une douche, et me brosse les dents. C'est alors que, devant le miroir, je suis étonnée de constater qu'un léger duvet recouvre le dessous de mon nez. Je lâche mon verre d'eau de stupeur. Je tâte ma gorge : un ganglion a pris place en plein milieu. Sans doute la cause du mal de gorge. Et, en effet, quand j'essaye de parler, j'ai terriblement mal, et ma voix est toujours aussi rauque et grave. La journée se passe à peu près normalement pour une journée d'hospitalisation.

Le troisième jour, je me lève et cours me regarder dans la glace. Je me rends compte que le ganglion est toujours là. Il bouge chaque fois que je déglutis, comme s'il dansait pour me narguer. Pourtant, je n'ai plus mal à la gorge. Mais ma voix est toujours rauque. Quant au duvet, il est un peu plus épais. Je me demande ce qu'il m'arrive. Mes parents ne viendront encore pas aujourd'hui, ils sont débordés. Je leur parle juste un peu au téléphone. Lorsqu'ils disent que ma gorge n'a toujours pas l'air d'aller mieux, je ne dis rien. Je cache mon visage aux infirmières qui prennent cela pour de la fatigue. J'ai honte. Et j'ai peur, aussi.

Le quatrième jour, je me lève et là, je n'en crois pas mes yeux. A la place de mon reflet, se trouve un jeune homme d'environ dix-sept ans. Il a de longs cheveux bruns, une moustache pubère, quelques poils au menton. Je me regarde alors. Je me rends compte que je n'ai pas de seins. Je n'ose regarder plus bas, mais sens que rien ne va plus¿

Je sors de la chambre, paniquée, et me dirige vers le salon en courant. A la radio, passe une chanson de Michel Polnareff :

Je suis un homme

Je suis un homme

Quoi de plus naturel en somme ?

Je crois que je deviens folle. Ou fou ? Non, je dois rêver. Je vais me réveiller, dans mon lit, trempée de sueur. Il sera vers les deux heures du matin, je vais me rendormir et me réveiller à six heures pour aller au lycée. Normalement. Je suis immobile au milieu de la salle, avec cette chanson, ce refrain qui repasse en boucle. Une infirmière est étonnée de me voir parmi les malades qui attendent dans le salon. Elle me demande ce que je fais ici ; je réponds, machinalement, que je rends visite à ma grand-mère, mais que je vais partir. On me laisse donc sortir. Personne ne me reconnaît. Je préfère que ce soit comme ça. Dehors, il fait toujours aussi chaud. Je repère un jardin public : je m'assois sur un banc, pour réfléchir. Ce ne peut être un rêve. Pas aussi réaliste. Et pourtant, cette situation est tellement¿ Absurde ! Comment un banal accident peut-il provoquer un tel bouleversement hormonal ?

Je regarde le grand boulevard où circulent comme de coutume de longues files de voitures, à grande vitesse. Alors, j'ai une idée : pour provoquer l'effet inverse, ne faut-il pas que je me fasse renverser, de nouveau ? Je n'ai plus rien à perdre de toute façon. Comment pourrais-je affronter le regard des autres ? Ce serait tellement gênant ! Comment pourrait-on m'appeler ? Charlot ? Evidemment, Charlotte n'est pas vraiment un prénom approprié pour ce genre de situation : comment le tourner au masculin ? Décidément, mes parents sont vraiment mal tombés¿

Je m'avance vers le boulevard. Le feu des piétons est vert. J'attends. C'est un peu idiot d'attendre que le feu passe au rouge ; on me regarde avec étonnement. Je n'y prête aucune attention. Tout ce qui importe, c'est que je redevienne celle que je suis : une fille. Le feu passe au rouge, les voitures circulent. Alors, au moment où une grande Mercedes noire fonce sur la première file, je me jette juste devant elle. Le choc est terrible. Le chauffeur n'a rien eu le temps de voir venir. J'ai mal. C'est différent de la dernière fois.

Je vole de nouveau dans les airs, mais mes membres sont endoloris. Je sens du sang couler, des fourmis parcourent mes jambes. Je retombe lourdement par terre. J'ai mal partout. Mes bras forment un angle peu habituel. Ma vision se brouille. Je ferme les yeux. Tout est noir.

Deux faits divers dans le quartier des C¿ à L¿ : une jeune fille de dix-sept ans hospitalisée suite à un accident de voiture a disparu. La police planche sur un enlèvement. Non loin de là, un autre adolescent est mort, écrasé par une Mercedes noire qui avançait à vive allure. Le conducteur ainsi que plusieurs témoins ont déclaré que le jeune homme s'était jeté sous les roues du véhicule. La police a cependant retiré à titre provisoire son permis à l'homme, âgé de trente et un ans. L'adolescent n'ayant rien sur lui au moment du drame, les autorités ne connaissent ni son nom, ni ses liens familiaux. Une enquête est en cours, mais les autorités sont assez pessimistes quant à son aboutissement.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Membre, 52ans Posté(e)
vanda1 Membre 1 808 messages
Baby Forumeur‚ 52ans‚
Posté(e)

Bonsoir,

:blush: Vraiment trés bien.

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, nyctalope, 40ans Posté(e)
Criterium Membre 2 874 messages
40ans‚ nyctalope,
Posté(e)

Moi aussi j'ai bien aimé :blush:

C'est bien écrit, le style à la première personne d'une jeune fille de dix-sept ans est bien rendu à mon avis (même si une seule phrase gêne un peu, c'est le "je suis délicate et fraîche", ce n'est pas très embêtant mais ça m'a donné une impression de too much, peut-être qu'une simple transition en plus adoucira ¿ mais le reste est bien), il n'y pas de fautes ; tu as donc tous mes encouragements pour continuer à écrire!

:coeur:

Et puis j'aime bien ce sujet et les limites qui se brouillent entre sexes et genres ¿ on aurait même pu en faire une nouvelle plus longue!

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 32ans Posté(e)
Powët Membre 37 messages
Baby Forumeur‚ 32ans‚
Posté(e)

Merci à vous deux :blush:

Pour le "délicate et fraîche", c'est une allusion à l'éternelle comparaison femme/fleur, mais c'est vraie que placée comme ça, c'est peut-être en trop...

Et puis c'est clair qu'on peut largement plus développer, mais comme je voulais faire une nouvelle courte et en même temps aboutie, je n'ai pas voulu trop en mettre : je veux dire par là que je voulais pas en mettre trois tartines, mais qu'en même temps, on puisse absolument tout comprendre sur son état d'esprit, son évolution au cours du temps, et ce qui la poussera plus tard à se jeter sous la voiture. Ce qui me gêne après réflexion par contre (j'y avais pas vraiment pensé avant, tiens, comme quoi on pense jamais la même chose ^^) c'est que le passage de la fin, où il/elle devient fou/folle est peut-être trop brusque. Je sais pas, je voulais montrer sa panique, mais ça me paraît un peu rapide... Enfin bref. Un jour (mon prince viendra), je me repencherai dessus et je tenterai de l'étudier plus en profondeur...

En tout cas je suis content que ça vous plaise !

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

  • 1 mois après...
Membre, Posté(e)
Lange edition Membre 6 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Bonsoir !

La nouvelle qui va suivre n'est ni une nouvelle d'heroic fantasy ni de science fiction, mais une nouvelle fantastique, dans le sens de "ce qui part du monde réel pour dériver vers l'irréel". Voilà, je tiens aussi à préciser que j'ai déjà publié cette nouvelle sur un autre forum, et j'aimerais que vous m'en disiez des nouvelles (uhuhuhu, le jeu de mot que personne n'a jamais fait... :blush: ), pour que je puisse l'améliorer, encore et encore ! Bref, voici...

Mon voisin s'appelle Charlotte

Je hais mon prénom. C'est la chose que je déteste le plus au monde. Pourquoi m'avoir appelée Charlotte ? Pourquoi ne pas avoir choisi un nom qui m'aurait mieux convenu ? Rose, Fleur, voilà des noms délicats qui me conviendraient à merveille : des noms de fleurs. J'adore les fleurs. Je pourrais vivre en plein air, dormant à la belle étoile, chaque soir, et ayant pour seule occupation de regarder les vertes prairies fleuries. J'aimerais me promener parmi ces beautés en voie de disparition, battant joyeusement la campagne, seule, épanouie. Mais non, je suis née en ville, et je ne l'ai presque jamais quittée. Je hais mes parents, rien que pour ça. Charlotte, immédiatement, on pense aux pâtisseries, et on imagine qu'on peut me croquer à volonté ; mais non, moi, je suis délicate et fraîche. J'aime qu'on me caresse et non qu'on me brusque ; qu'on m'aime et non qu'on me goûte.

Au lycée, on se moque souvent de moi à cause de mon prénom. Sans doute parce que j'ai dit un jour que je n'aimais pas. J'ai dû faire référence aux pâtisseries, et, depuis, on me charrie avec ça. On me dit que je devrais arrêter d'en manger, que je suis trop grosse ; pourtant, je suis très mince. Mes parents disent que je suis maigre : je combats ce mot, qui a à mon goût une connotation trop péjorative. Mince, je suis mince ! Je suis une grande et mince brune de dix-sept ans. Je ne suis pas bronzée, mais j'en suis fière. Ma mère me dit souvent que je suis « blanche comme un cul ». Je trouve cela gratuit et grossier. Et, évidemment, je suis aussi blanche que mon postérieur ; je ne tiens pas à avoir des couleurs inégales.

Enfin bon, aujourd'hui, c'est la rentrée. Je vais en terminale. L'année du Bac. J'espère simplement que je ne retrouverai pas tous ces imbéciles que j'ai quittés l'année dernière. Je n'ai que peu d'amis dans mon établissement, et ce n'est pas plus mal, ce n'est pas ce que je cherche. Les amis sont bons pour les vacances, c'est là qu'on s'en fait. Les autres, ce sont ce que j'appelle des « camarades de divertissement ». Je joue, je m'amuse, je ris, mais ce n'est pas pareil. Ce n'est pas profond, ce n'est pas vraiment moi. Mon réveil a sonné à sept heures au lieu de six heures. Je vais sûrement être en retard, mais, après tout, tant pis. Je courrai sur le chemin. Je m'habille rapidement, enfilant un tee-shirt un peu froissé et un jean troué au niveau du genou droit, souvenir d'un après-midi à se rouler dans l'herbe fraîche d'une prairie savoyarde.

Je sors ; il fait grand soleil, et la chaleur, heureusement, n'est pas encore présente à cette heure-ci. Il y a même un petit vent frais qui vient me fouetter gentiment le visage. Je prends une petite inspiration, puis, sac bien accroché au dos, je me lance. Je cours un petit moment. Devant moi, la grande avenue occupée par les travailleurs se rendant à la tâche. Le feu des piétons est rouge. Je n'ai pas le temps : tant pis, je passe. Les voitures feront avec. Mais un automobiliste va plus vite que les autres : je suis au milieu de la rue. Trop tard pour faire marche arrière. Je suis tout à coup comme tétanisée. Je vois distinctement le véhicule arriver. Je vois même le chauffeur qui écarquille les yeux et qui tente de freiner.

Un choc terrible me soulève dans les airs. J'ai les yeux encore grands ouverts. Je vois le ciel sans nuage défiler. Et je retombe brutalement sur le sol. Puis tout devient noir.

-¿ se réveiller, d'un moment à l'autre.

Une voix. Elle m'a réveillée. J'entrouvre les yeux et aperçois les contours indistincts de ce que je devine être mes parents et une infirmière. Finalement, je l'ai loupée, ma rentrée. Soudain, quelque chose m'intrigue : je prends conscience que je sors d'un accident, et pourtant je n'ai mal nulle part. Finalement, ce n'est pas plus désagréable que ça. J'ai du repos, et on va me plaindre. Au moins, ça changera de d'habitude.

-Oh ! Ma bichette adorée ! Tu t'es réveillée !

C'est maman. Elle se jette sur moi et m'enlace furieusement. Mes os craquent un peu sous sa forte corpulence, mais je ne dis rien. Enfin, elle me relâche, et c'est au tour de mon père. Lui me prend moins fort, sans doute de peur de me faire mal. Je veux parler, mais impossible : je me rends compte que j'ai un affreux mal de gorge. Seul un horrible râle sort de ma bouche endolorie.

-Repose-toi, ma chérie ! S'exclame ma mère. On passera te revoir ce soir !

L'infirmière les guide ensuite hors de ma chambre. S'ensuivent de longs moments où je reste seule avec moi-même. Ce n'est pas si désagréable. Avec une certaine ironie, je pense à là où j'aurais pu être à ce moment précis. Je regarde l'heure et la date : deux jours se sont écoulés. Il est dix heures du matin.

Plusieurs heures se déroulent. Soudain, me prend l'envie de parler. J'essaye d'émettre une phrase. Ma voix est considérablement enrouée et rauque, mais j'arrive à parler un peu. Le soir, vers dix-neuf heures, mes parents reviennent. Ils ont l'air un peu inquiets, mais tout de même rassurés que je me sois réveillée.

-Salut, papa, salut, maman.

Je dis cette phrase de ma voix grave et rauque. Ma mère me caresse les cheveux. Ils restent ainsi à me contempler durant plusieurs minutes, telle une bête dans un zoo. Enfin, mon père lâche :

-On devrait peut-être y aller et la laisser se reposer¿

Maman me caresse une dernière fois la main, et repart. La porte est à peine refermée qu'elle se rouvre : c'est une infirmière, cette fois. Elle m'annonce avec un grand sourire :

-Demain, tu pourras te laver si tu veux à la salle de bains. Je pense que tu peux te lever maintenant. Mais si tu te sens trop faible, ne te presse pas.

-Merci, dis-je de ma voix détraquée.

Elle ressort. Aussitôt qu'elle est partie, je me lève : je me rends compte que je n'ai pas mal aux jambes, et que je tiens parfaitement debout. Mais il faut que je dorme, donc je me recouche et m'endors assez vite.

Le lendemain, je me lève en pleine forme. Je vais à la salle de bains. Je prends une douche, et me brosse les dents. C'est alors que, devant le miroir, je suis étonnée de constater qu'un léger duvet recouvre le dessous de mon nez. Je lâche mon verre d'eau de stupeur. Je tâte ma gorge : un ganglion a pris place en plein milieu. Sans doute la cause du mal de gorge. Et, en effet, quand j'essaye de parler, j'ai terriblement mal, et ma voix est toujours aussi rauque et grave. La journée se passe à peu près normalement pour une journée d'hospitalisation.

Le troisième jour, je me lève et cours me regarder dans la glace. Je me rends compte que le ganglion est toujours là. Il bouge chaque fois que je déglutis, comme s'il dansait pour me narguer. Pourtant, je n'ai plus mal à la gorge. Mais ma voix est toujours rauque. Quant au duvet, il est un peu plus épais. Je me demande ce qu'il m'arrive. Mes parents ne viendront encore pas aujourd'hui, ils sont débordés. Je leur parle juste un peu au téléphone. Lorsqu'ils disent que ma gorge n'a toujours pas l'air d'aller mieux, je ne dis rien. Je cache mon visage aux infirmières qui prennent cela pour de la fatigue. J'ai honte. Et j'ai peur, aussi.

Le quatrième jour, je me lève et là, je n'en crois pas mes yeux. A la place de mon reflet, se trouve un jeune homme d'environ dix-sept ans. Il a de longs cheveux bruns, une moustache pubère, quelques poils au menton. Je me regarde alors. Je me rends compte que je n'ai pas de seins. Je n'ose regarder plus bas, mais sens que rien ne va plus¿

Je sors de la chambre, paniquée, et me dirige vers le salon en courant. A la radio, passe une chanson de Michel Polnareff :

Je suis un homme

Je suis un homme

Quoi de plus naturel en somme ?

Je crois que je deviens folle. Ou fou ? Non, je dois rêver. Je vais me réveiller, dans mon lit, trempée de sueur. Il sera vers les deux heures du matin, je vais me rendormir et me réveiller à six heures pour aller au lycée. Normalement. Je suis immobile au milieu de la salle, avec cette chanson, ce refrain qui repasse en boucle. Une infirmière est étonnée de me voir parmi les malades qui attendent dans le salon. Elle me demande ce que je fais ici ; je réponds, machinalement, que je rends visite à ma grand-mère, mais que je vais partir. On me laisse donc sortir. Personne ne me reconnaît. Je préfère que ce soit comme ça. Dehors, il fait toujours aussi chaud. Je repère un jardin public : je m'assois sur un banc, pour réfléchir. Ce ne peut être un rêve. Pas aussi réaliste. Et pourtant, cette situation est tellement¿ Absurde ! Comment un banal accident peut-il provoquer un tel bouleversement hormonal ?

Je regarde le grand boulevard où circulent comme de coutume de longues files de voitures, à grande vitesse. Alors, j'ai une idée : pour provoquer l'effet inverse, ne faut-il pas que je me fasse renverser, de nouveau ? Je n'ai plus rien à perdre de toute façon. Comment pourrais-je affronter le regard des autres ? Ce serait tellement gênant ! Comment pourrait-on m'appeler ? Charlot ? Evidemment, Charlotte n'est pas vraiment un prénom approprié pour ce genre de situation : comment le tourner au masculin ? Décidément, mes parents sont vraiment mal tombés¿

Je m'avance vers le boulevard. Le feu des piétons est vert. J'attends. C'est un peu idiot d'attendre que le feu passe au rouge ; on me regarde avec étonnement. Je n'y prête aucune attention. Tout ce qui importe, c'est que je redevienne celle que je suis : une fille. Le feu passe au rouge, les voitures circulent. Alors, au moment où une grande Mercedes noire fonce sur la première file, je me jette juste devant elle. Le choc est terrible. Le chauffeur n'a rien eu le temps de voir venir. J'ai mal. C'est différent de la dernière fois.

Je vole de nouveau dans les airs, mais mes membres sont endoloris. Je sens du sang couler, des fourmis parcourent mes jambes. Je retombe lourdement par terre. J'ai mal partout. Mes bras forment un angle peu habituel. Ma vision se brouille. Je ferme les yeux. Tout est noir.

Deux faits divers dans le quartier des C¿ à L¿ : une jeune fille de dix-sept ans hospitalisée suite à un accident de voiture a disparu. La police planche sur un enlèvement. Non loin de là, un autre adolescent est mort, écrasé par une Mercedes noire qui avançait à vive allure. Le conducteur ainsi que plusieurs témoins ont déclaré que le jeune homme s'était jeté sous les roues du véhicule. La police a cependant retiré à titre provisoire son permis à l'homme, âgé de trente et un ans. L'adolescent n'ayant rien sur lui au moment du drame, les autorités ne connaissent ni son nom, ni ses liens familiaux. Une enquête est en cours, mais les autorités sont assez pessimistes quant à son aboutissement.

Pas mal, aime beaucoup

Etes- vs editè?

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

  • 2 semaines après...
Membre, 33ans Posté(e)
Ghétoï Membre 15 messages
Baby Forumeur‚ 33ans‚
Posté(e)

J'ai bien apprécié aussi.

Je me suis rapidement laissé prendre par l'atmosphère de l'histoire, et ce jusqu'à la fin.

Je suis d'accord avec Criterium, tu pourrais peut-être songer à la prolonger, car - et c'est peut-être volontaire - je ne puis m'empêcher de poser la question "Pourquoi ce changement de sexe ?".

Je t'avouerai que c'est ce qui me laisse un peu sur la fin, ce qui est à la fois une bonne chose vu que j'ai envie d'en savoir plus^^

Excellent sinon, un grand bravo ! :blush:

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Membre, 32ans Posté(e)
Powët Membre 37 messages
Baby Forumeur‚ 32ans‚
Posté(e)

Justement, c'est fait exprès : on se pose la question, et moi-même je ne peux pas répondre. Parce qu'après tout, on est dans le fantastique, donc tout peut arriver... Ici, on est en plein dans le fantastique qui part du monde réel et qui, à cause (ou grâce) à un élément brutal devient totalement irréel. Et puis j'adore citer une définition du fantastique, de Todorov : "Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée devant un évènement en apparence irrationnel" (à peu de choses près, je l'ai lue il y a deux ans et c'est ce que j'en ai retenu). Tout ça pour dire : on peut chercher une signification à ce changement de sexe pendant plusieurs jours, on ne pourra jamais trouver la véritable. Et si j'ai choisi ce sujet, c'est tout simplement parce que c'est parti d'un "délire", en fait. En gros, c'est le hasard qui m'a amené à cette histoire.

Merci beaucoup des compliments en tout cas, ça fait chaud au cœur ! :coeur:

Et sinon, je ne suis pas édité, pour la simple et bonne raison que je n'ai que 16 ans, et que seules quelques personnes que je côtoie hors internet savent que j'écris (ma famille ne le sait pas, parce que je n'en ai pas vraiment envie pour l'instant). En plus, c'est carrément trop tôt pour l'instant ^^

Donc encore une fois, merci à tous :blush:

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×