première dictée de 2010, la n°20:
hier des arméniens menèrent au sérail une jeune esclave de circassie, qu'il voulait vendre. Je la fis entrer dans les appartements secrets, je la désabillais, je l'examinais avec les regards d'un juge, et plus je l'examinais, plus je lui trouvais de graces. Une pudeur virginal semblait vouloir les dérober à ma vue : je vis tous ce qu'il lui en coutait pour obéir : elle rougissait de se voir nu, même devant moi, qui, exemp des passions qui peuvent alarmer la pudeur, suit inanimé sous l'emprise de ce sex, et qui, ministre de la modestie, dans les axions les plus libres, ne porte que de chastes regars et ne puits inspirer que l'innocence.
dés que je l'eu jugé digne de toi, je baisais les yeux ; je lui jetais un manteau d'ékarlate ; je lui mis au doigt un aneau d'or ; je me prosternais à ses pieds ; je l'adorai comme la reine de ton coeur ; je paya les carméniens ; je la dérobais à tout les yeux. Heureux Usbek! tu possède plus de beautés que n'en enferme tous les palais d'orient. Quel plaisir pour toi de trouver, à ton retour, tout ce que la perse eut de plus ravissant, et de voir dans ton séraille renaitre les grasses, à mesure que le temps et la possession travaillent à les détruire !
Montesquieu, Lettres persanes, Garnier-Flammarion, 1964.