Don Juan

Pour reprendre son souffle il faut l'avoir perdu, regarder derrière soi ne me semble pas un bon conseil, c'est le meilleur moyen de se prendre un arbre, mais c'est gentil quand-même de se faire du souci pour les autres.

Je n'ai pas l'impression de casser quelque chose, on ne casse pas le vent, et puis tu sais, lorsque tu agis conformément à ta parole, tu ne t'isoles pas, bien au contraire. Mais si le prix à payer pour ce choix aurait été la solitude, je n'aurais pas été chagrin. Je plaisantais en formulant cette dernière expression, je ne retourne pas, je fonce vers l'avant, je fonce prudemment mais je fonce, sans un regard derrière moi.

Mais je veux bien l'entendre, ce n'est pas étonnant, c'est toujours construire un étage sur un étage existant déjà, c'est mieux que rien tu me diras, j'ai choisi de raser l'existant, jusqu'à toucher la terre sous les fondations, y planter mes propres racines. Me préserver de toute influence, préférant me tromper tout seul que d'avoir raison avec d'autres. N'est-ce pas cela le retour à la terre ?

Compassion ?

Hélas oui, et lorsque ça arrive, je régresse.

Tu veux dire jongler avec les pensées des autres tout en se construisant sa propre pensée ?

Ne supprimons personne, s'il vous plaît. Oui, mais qu'a-t-il réussi ?

Et bien je suis désolé, je ne te comprends pas pour l'instant. Faut dire que j'ai toujours du mal à comprendre ce que je vois, alors ce que je ne vois pas, j'attends de le voir, mais je n'en parle pas, je n'y pense même pas.

Que veux-tu dire par "ils y ont réussi de leur vivant" ? Sinon je ne doute pas qu'il y ait eut de supers philosophes, mais je me tiens loin d'eux.

S'il y a des dieux, et si comme tu dois le penser, ils ont créés la vie, ils ne détruiront pas ce qu'ils ont fait, c'est leur joujou principal, en le détruisant, ils se détruiraient eux-mêmes. On parie ?

Se libérer de l'animal est une chose en apparence difficile surtout lorsqu’on essaie pas. J'y travaille chaque jour depuis des décennies, il me faudra probablement plusieurs vies pour y parvenir, j'aurais pour cela plusieurs vies, mais le peu de résultat obtenu me fait penser que tu te trompes.

Je ne sais pas, je n'aime que le froid ou le chaud. Tu plaisantes là j'espère ? Rectification, je viens de comprendre. Voila un bel exemple.

Il y a les faux, et il y a les vrais. Bon d'accord, c'est un peu simpliste, j'en conviens, et puis je te vois venir, tu vas me demander la ou les différences entre les vrais et les faux. Les vrais, ce sont qui ne croient en rien, surtout pas en la vérité ou en la science, ils se posent des questions sur eux-mêmes et les autres, sur ce qu'ils vivent et leur démarche mentale ne se sépare jamais de leurs actes, leurs sentiments, leurs expériences, leur imaginaire, leur perception, etc, enfin tout ce qui est vécu chaque minute. Ils se méfient des mots, des opinions, de ce que pense le grand nombre, et portent leur attention à ce que leurs actes soient cohérents avec une compréhension si provisoire, provisoire et même éphémère, puisqu'ils ne s'en contentent jamais, dès qu'ils pensent déchiffrer le mystère que représente le monde qui les entoure, ils se méfient d'eux mêmes et de leurs sens. Les autres, ils jonglent avec les pensées des autres,. avec les expériences des autres qu'ils ne tenteront jamais ou presque, ils lisent et se remplissent la tête d'un savoir creux, alors qu'ils ont beaucoup de difficulté à comprendre leurs propres expériences, ils lisent parce qu'ils croient au savoir, le savoir, c'est rassurant, et plus ils apprennent par coeur ce savoir, plus ils oublient la "connaissance".

Rien ne peux me satisfaire davantage que de savoir que tu ris, on a tort de ne pas assez rire.

Il y a quelque chose chez vous de très fatiguant mais il y a aussi quelque chose de très prometteur et potentiellement très humain, c'est pourquoi je vous aime bien. Merci de comprendre, vous continuez à me surprendre, j'aime ça qu'on me surprenne, continuez.

Je te comprends, j'accepte que tu puisses le concevoir ainsi, mais personnellement, je me fiche des civilisations, aucun intérêt à mes yeux. L'homme non civilisé m'intéresse lui, mais cela, peux-tu le comprendre ? La diversité ne m'effraie pas, bien au contraire, elle m'amuse lorsqu'elle ne m'ennuie pas.

Mais non, vous n'étiez pas visé personnellement, c'est une réflexion qui m'est venue en repensant à ces questionnements.

C'est drôle, j'ai l'intuition inverse.

Sortir du monde n'est pas une chose difficile lorsque le monde est ce couloir dans lequel les humains avancent sans horizon physique ni mental.

C'est beaucoup plus que cela, c'est ce qui le fit sortir des bois, c'est ce qui lui apprit à être ce qu'il n'est pas sous prétexte qu'il devait se plier aux règles de la vie en boîte, comme les sardines, je veux dire, serrés comme les sardines mais tout aussi peu vivants.

Non mon grand, l'homme n'est pas selon sa culture, il n'y a pas de diversité humaine, oui bien-sûr, il y en a bien si tu accordes une importance à tous ces détails, si tu crois que le vêtement fait le moine, que le politique fait le citoyen, que le religieux fait la bonté, que la morale fait une différence avec l'animal, oui si tu crois que tout cela a une importance, alors il y a tant de genres d'humains sur terre qu'on ne peut plus avancer dans aucune direction. Moi, c'est pas beau ce mot hein ? Moi, je crois qu'il n'y a qu'une seule sorte d'humain, qu'elle est aveugle par maladie des yeux, qu'elle est sourde par maladie des oreilles, qu'elle ne sent pas par maladie du nez, et qu'elle ne sait pas, par maladie mentale.

Comme c'est étrange ce qui peut séparer les hommes, quelques idées sur les choses de la vie, quelle est l'origine de l'homme ? Ou quel est le prix de vos pommes de terre ? Croyez-vous en dieu, aux fantômes, à la vie éternelle, à la réincarnation, croyez-vous que la vache est un animal sacré, ou que le christ ait vraiment existé ? Croyez-vous que nous pourrions devenir amis si vous êtes croyant et moi non croyant ? Croyez-vous que nous pouvons nous comprendre si vous êtes homo et moi hétéro ? La liste est sans fin, autant de raisons de mépriser l'autre, ce matin j'écoutais, à la radio, une émission sur le siège de Sarajevo, ils parlaient à un moment donné de ce couple, elle, Musulmane, lui Serbe, je me souviens avoir vu ces images de ce couple il y a plus de vingt ans, qui décidèrent de quitter ensemble la ville assiégée, les Bosniaques les laissèrent passer sur ce pont, arrivés au milieu il reçurent une rafale des automatiques, lui tomba tout de suite, elle, blessée rampa jusqu'à son corps et mourut sur lui, ils venaient de s'embrasser, des hommes ont osé tirer sur un couple qui s'embrassait au beau milieu de deux forces armées. Mais la grande question maintenant, de quoi descend t-il cet homme ? Ma petite fille qui passait derrière mon dos et qui m'entendit murmurer cette question me dit dans l'oreille : on s'en fout papy de quoi il descend, la vraie question, c'est vers où il veut monter.

Tu ne me croiras pas, mais presque à ton âge il m'est arrivé la même chose qui a pas trop mal fini, malgré quelques coups de poings dans la figure, j'avais rencontré une personne qui pratiquait les arts martiaux et je lui avais demandé comment je pouvais faire pour échapper aux persécutions de trois petits voyous qui fréquentaient le même centre d'études que moi, il me répondit que je ne n'aurais pas le temps d'atteindre un niveau suffisant pour affronter trois petites frappes de ce calibre, que les choses allaient sûrement se précipiter et que je n'avais que le temps d'apprendre un certain regard, ce qu'il se dépêcha de m'enseigner, malheureusement ou bienheureusement, je n'eus pas le temps de parfaire cette technique que j'enseignai plus tard à un de mes enfants, mais le peu que j’eus appris changea tout de même le court des choses probablement, ce qui me valut le mérite à leurs yeux de ne pas me cogner tous les trois ensemble à la sortie des cours, finalement, un contre un je me suis pas trop mal débrouillé, par la suite il m'ont laissé tranquille.

C'est quoi ta question ?

Je comprends, nous aurons sans doute l'occasion d'approfondir cette question du politique, question sensible à mes yeux, comme tu as dû le constater, mon langage est assez "nettoyé" de toute dimension politique, le mot même me donne des boutons.