Dans un entretien au JDD du 5 aout 2017, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, défend la politique du gouvernement sur les migrants. L'ex-socialiste, qui va ouvrir deux nouveaux centres à Calais et Dunkerque, souhaite "concilier efficacité et générosité".
"Nous accueillons tous ceux qui fuient guerres et persécutions, mais nous distinguons les réfugiés de ceux dont la migration obéit à d'autres ressorts, notamment économiques. Donc il s'agit d'accueillir, mais aussi d'organiser des retours", développe cet ancien ténor du Parti socialiste. Ce dernier se défend toutefois d'avoir adopté une position "modérée" suite à la consigne d'aider les migrants ordonnée par le Conseil d'Etat cette semaine. Gérard Collomb avait en effet annoncé en réponse, lundi, l'ouverture de deux nouveaux centres d'accueil, dans le Pas-de-Calais et le Nord.
En ce qui concerne Calais, entre le soutien sans faille aux forces de l'ordre que vous apportiez le 23 juillet et l'annonce, mardi, de la création de deux centres, où se situe le vrai Gérard Collomb?
La situation sur place demeure extrêmement complexe. Des camions sont pris d'assaut : nous avons comptabilisé depuis le 1er janvier 17.867 intrusions sur le port et dans l'Eurotunnel! Nous ne voulions pas rééditer l'expérience passée, où l'on avait commencé avec un centre de 400 personnes et terminé à 8.000. Les deux centres que nous allons ouvrir sont donc situés assez loin de Calais et de Dunkerque, pour éviter que ce problème se répète.
Comprenez-vous la maire de Calais, Natacha Bouchart, qui refuse d'ouvrir des points d'eau pour les migrants?
Il faut se mettre à la place des habitants après plusieurs années de grande difficulté. Dans le Calaisis, j'ai rencontré tout le monde. Et tous, quelle que soit leur opinion politique, ressentent une profonde angoisse. Nous ferons donc des sanitaires mobiles. Nous devons éviter tout ce qui peut ressembler à des infrastructures fixes.
Le Conseil d'Etat a ordonné d'aider les migrants, notamment pour l'accès à l'eau. Est-ce pour cette raison que le gouvernement a modéré sa position?
Non. En réalité, nous n'avons jamais cessé d'agir, et notamment de procéder à des opérations de mise à l'abri. Mais vous concéderez que ce problème, qui dure depuis des années, ne peut se résoudre en quelques semaines…
"Nous créerons 3.500 places en 2018"
Combien de migrants demeurent aujourd'hui sur place?
A peu près 350 personnes à Calais, et une centaine à Grande-Synthe.
N'est-ce pas plus que la capacité d'accueil des deux nouveaux centres annoncés, soit 300 places? Comment atteindre l'objectif fixé par le Président, à savoir que plus personne ne dorme dans les rues?
Nous créerons 3.500 places en 2018. Nous voulons aussi accélérer le traitement des situations administratives pour permettre aux personnes qui déposent des demandes d'être hébergées dans les places existantes.
Comment définir votre politique en matière de droit d'asile?
Notre politique doit toujours concilier efficacité et générosité. Nous accueillons tous ceux qui fuient guerres et persécutions, mais nous distinguons les réfugiés de ceux dont la migration obéit à d'autres ressorts, notamment économiques. Donc il s'agit d'accueillir, mais aussi d'organiser des retours. Par exemple, 20% des places en Centre d'accueil et de demandeurs d'asile (Cada) sont occupées par des gens qui viennent d'Albanie, sans visa, et qui font une demande d'asile en arrivant en France. Avec le Premier ministre albanais, nous avons décidé de mettre fin à cette situation. Chez eux, avec refus d'embarquement dans des avions, et ici, en France, en organisant des transferts vers l'Albanie. En 2016, 1.140 personnes y ont été renvoyées. Et j'ai donné des consignes aux préfets pour que ce mouvement soit accentué.
Et les migrants extra-européens?
Il faut arrêter tous les parcours de trafics d'êtres humains qui traversent notamment le Niger, puis la Libye, et franchissent ensuite la Méditerranée jusqu'à l'Italie. Les autorités nigériennes, en accord avec nous, ont fait beaucoup : une ville comme Agadez est aujourd'hui sécurisée par le gouvernement nigérien. Et nous allons y envoyer une mission de l'Ofpra pour examiner la situation des gens qui arrivent ici.
Emmanuel Macron entend créer des "hot spots" en Libye pour étudier les demandes d'asile. Comment procéderez-vous?
Le Président a souhaité que soient mis en place des centres d'orientation pour les demandeurs d'asile dans des pays situés au sud de la Libye. Ce type d'initiative ne peut pas actuellement être envisagé en Libye, compte tenu de la situation du pays.
"Si l'on ne fait pas la distinction entre le droit d'asile et les autres motifs de migration, ce sera le droit d'asile qui sera remis en question"
L'opinion française acceptera- t-elle des centres d'accueil pour migrants?
Les enquêtes d'opinion montrent une réticence de plus en plus grande. Si l'on ne fait pas la distinction entre le droit d'asile et les autres motifs de migration, ce sera le droit d'asile qui sera remis en question. Nous travaillons donc à un projet de loi qui réduira à six mois la procédure d'examen du droit d'asile, mais qui permettra aussi une lutte plus efficace contre l'immigration irrégulière."
Où vont les migrants?
Sur les quelques 10.000 places créées en 2016 dans les centres d'accueil et d'orientation (CAO), ces structures d'hébergement temporaires créées l'année précédente par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, la répartition a été effectuée comme suit : Nouvelle-Aquitaine (1.480), Auvergne-Rhône-Alpes (1.280), Occitanie (1.240), Grand Est (1.040), Hauts-de-France (900), Normandie (870), Pays de la Loire (830), Bourgogne-Franche-Comté (750), Centre (712), Paca (665), Bretagne (560). Les 3.500 places d'accueil annoncées par Gérard Collomb pour l'année 2018 seront distribuées par régions selon la même clé de répartition démographique. http://www.lejdd.fr/politique/gerard-co ... es-3404516
Que pensez-vous du plan d'actions présenté par le Ministre de l'Intérieur?