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tison2feu

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  1. tison2feu

    Le racisme existe t-il ?

    Je suis conscient des problèmes soulevés par toi (ou Savonarol). Se sentir "coupable", c'est l'exemple même d'un biais anti-raciste que je refuse de cautionner et que j'ai déjà eu l'occasion de dénoncer en section philo (comment faire comprendre que la question des quotas, par exemple, conduit l'anti-raciste culpabilisé à devenir un raciste malgré lui, etc.). Ma seule position va consister à me sentir responsable, et non pas coupable. Et je ne me sens en rien persécuté sans raison mais tout à fait conscient, en revanche, de la nécessité de traiter ces problèmes en faisant en sorte de prévenir tout discours haineux pouvant surgir autant du côté de ceux qui ont versé dans le racisme que du côté de ceux qui veillent à ne jamais tomber dans cet excès.
  2. tison2feu

    Le racisme existe t-il ?

    Je me doutais bien que tu relèverais ces "30 ans d'âge", alors même que j'ai précisé que ce sentiment de supériorité de l'Arabe vis à vis du Noir est toujours d'actualité dans une certaine frange inculte de la population arabe. Mais bon, vu que ta ligne est dans la négation de tout ce qui ressemble de près ou de loin à ce type de racisme... Pas la peine de poursuivre.
  3. tison2feu

    Le racisme existe t-il ?

    Je tente une réponse en donnant des exemples qui ne se limitent pas seulement à la France, puisque ce topic n'est pas posé dans la section "France" mais "Société". Pour ma part, j'ai été témoin de plusieurs sortes de comportements racistes, fondés sur l'idée que telle communauté ethnique se croie véritablement supérieure (par sa capacité intellectuelle et civilisationnelle) à telle autre. - idéologie que j'ai rencontré chez d'anciens "coloniaux" qui pensent le plus sérieusement du monde qu'un Noir n'est pas assez intelligent pour faire autre chose qu'un bon serviteur, un "boy" docile et fidèle, au point d'être parfois aimé et parfaitement intégré dans la famille. Curieusement, ce racisme paternaliste n'est absolument pas fondé sur la haine raciale, mais sur la seule idée de supériorité raciale. - autre variante, issue de la mentalité colonialiste, ce "boy" noir est un inculte, privé de langue et de toute culture (sa langue n'est qu'un assemblage de mots empruntés à des langues d'autres cultures passées au stade de "civilisés" ; ce Noir est incapable d'avoir fait des inventions ou d'avoir construit de grands empires, ce qui est complètement faux bien entendu compte tenu de l'existence d'anciens empires africains, du travail complexe de la métallurgie, des langues extrêmement riches des langues africaines, etc.). - autre variante, éprouvée lors de voyages répétés à Tanger, il y a 30 ans déjà, mais apparemment toujours en vigueur de nos jours d'après témoignages relevés sur le Net : lorsque je parcourais le marché en compagnie d'une Noire, les vendeurs prononçaient souvent le même mot, et c'était "esclave !" Là encore, même idée de race de fils d'esclaves parmi le bas-peuple tangerois. - autre variante courante et toujours en vigueur dans une bonne frange du milieu Pied-Noir (qui a rejoint les rangs du FN depuis fort longtemps), l'Arabe quant à lui serait un sauvage capable des pires cruautés, et incapable de civilisation (C'est le Blanc supérieur qui a tout apporté en Afrique du Nord, etc. & ignorance totale du haut degré de civilisation dont ont été capables aussi bien les Berbères que les Arabes). Dans tous ces exemples bien réels, mais désormais passés sous silence puisque l'incitation à la haine raciale est interdite (en France), c'est la même inculture crasse dont font preuve ces racistes de tous bords, ne serait-ce qu'en paroles.
  4. tison2feu

    Le racisme existe t-il ?

    Le problème dans ton analyse marxiste, c'est que tu en viens à nier purement et simplement le bien-fondé des luttes antiracistes, anti-homophobes et anti-sexistes, sous prétexte que ce n'étaient pas les bons combats pour résoudre l'inégalité sociale via la lutte des classes. Cette analyse qui se justifie en partie, mais poussée à l'extrême comme tu le fais toi et la bande à Soral, t'empêche d'envisager le bien-fondé de ces luttes en les réduisant à de simples jeux de manipulation politique (Mitterand), ou même un fantaisiste coup du "hasard" (jailli dans quel esprit, je me le demande). A dire vrai, à aucun moment, tu ne sembles concevoir que ces luttes étaient justifiées et continuent de l'être à travers le monde. Tu te limites à montrer du doigt les excès dans lesquels sont tombées certaines de ces associations, mais jamais à légitimer le bien-fondé de ces luttes. Or il me semble que si tu étais véritablement sensible à l'inégalité socio-économique, tu devrais l'être aussi à l'égard des autres formes d'inégalités sexistes, xénophobes, etc., en ayant au moins le courage d'en reconnaître le bien-fondé et même soutenir ces luttes lorsque cela est nécessaire, tout en clamant que ces combats sont marginaux par rapport à la lutte des classes. C'est donc là où il devient impossible de te suivre dans ton raisonnement négationniste qui te conduit même à opter pour le camp sexiste, homophobe, etc. Je pèse mes mots car j'ai bien noté tes propos homophobes (sur l'émotivité des "fiottes", dans un autre topic qui a été modéré à juste titre. C'est du Soral homophobe pur jus). Car enfin, à te lire, c'est la lutte des classes qui résoudra tous ces problèmes (ce qui n'est pas faux en théorie), mais en attendant le temps des cerises, que fallait-il faire et que faut-il faire, chaque fois qu'une giffle est portée sur la joue d'une femme, un homosexuel, d'un étranger, etc. ??? J'en viens même à me demander si l'échec de la lutte des classes n'est pas dû, pour une part si mimime soit-elle, à ce genre de dérives négationnistes et sexistes, xénophobes, homophobes, etc., malheureusement très fréquentes dans les rangs des prolétaires.
  5. No problem, et de mon côté aussi j'aurai plaisir à m'initier aux travaux de Girard, puis à reprendre ensuite tous les liens mentionnés sur ce topic. J'ai juste essayé d'apporter ma contribution à ton topic, ayant pour principe de ne parler sur ce forum philo que de livres que j'ai lus, ou bien exceptionnellement de mon expérience personnelle (en l'occurrence 5 années en Nouvelle Calédonie où j'ai enseigné dans un lycée exclusivement kanak, depuis le premier jour où j'ai posé le pied sur le Caillou jusqu'au dernier jour).
  6. Aucune argumentation sur le fond, mais une attaque ad personam (de la garniture superfétatoire :smile2:) qui en dit long sur tes capacités à débattre "honnêtement". Bonne route.
  7. Tu ignores tout du monde mélanésien, mais tu as la prétention d'en remontrer. Je ne puis rien pour toi, assurément pas te "montrer" ce que tu as déjà perçu sur le monde mélanésien, sans jamais avoir mis le pied sur le Caillou ni lu le moindre ouvrage à ce propos, grâce au seul prisme déformant de tes propres préjugés. La discussion est impossible parce que tu ne cherches pas à appréhender un monde ethnique dans sa globalité. Cela te permet de faire les questions et les réponses, en doutant qu'un tel "système où tout va bien" puisse exister. Mais qui a prétendu que ce système est sans violence ? Personne. Tu oublies simplement que la violence à l'intérieur du groupe, canalisée grâce à "la" coutume mélanésienne, n'en demeure pas moins virtuellement bien réelle et pourra être extériorisée/ se potentialiser le moment venue en temps de guerre. Mais tu ne peux avoir ce schéma en tête puisque tu as éliminé tout aussi arbitrairement le fait que toutes les sociétés primitives (à part les Eskimo) pratiquent la guerre ! CQFD
  8. Non. Comme je l'avais rappelé plus haut à propos de Clastres, l'argument de la pénurie, de la survie dans un milieu de misère (considération à visée économiste), est rejeté par Clastres. C'est tout juste un cliché occidental, et qui est inapplicable en milieu mélanésien traditionnel (je ne parle pas de la situation actuelle du mélanésien, qui se trouve désormais écartelé entre le monde moderne et le monde traditionnel). Le motif de la pénurie peut être un motif de guerre dans d'autres coins du monde mais pas en milieu mélanésien. Les motifs de guerres perpétuelles sont donc à chercher ailleurs. Doù l'intérêt en effet de lire Clastres.
  9. L'écrit conserve une puissance, mais bien moindre que la parole vive. Une insulte proférée sur un forum aura toujours moins d'impact que si elle était proférée dans la vie réelle, avec la personne que tu insultes en face de toi. La puissance de la parole vive, c'est ce qui, à mes yeux, différencie fondamentalement l'animal humain de l'animal non-humain. La différence entre mythos et logos est bien réelle puisqu'elle est attestée en grec ancien. Le Grec avait deux mots pour dire "parole, discours". C'est bien qu'il existe une différence indéniable dont il importe de tenir compte. Et ce n'est pas un long blabla psychanalysant qui me convaincra du contraire. Juste une précision : le terme "mana" concerne le monde polynésien, à distinguer du monde mélanésien. En ce qui concerne le mythe mélanésien, il n'est pourvoyeur d'aucun pouvoir politique à proprement parler. Que le grand chef ait une case plus grande, ou une porte d'entrée plus basse (pour obliger les visiteurs à se baisser), cela ne suffit pas à lui donner un pouvoir politique. Ce sont les petits chefs administratifs d'aujourd'hui, ceux qui ont été imposés par le colonisateur, qui auront un semblant de pouvoir. J'abonde dans ton sens pour ce qui est de l'exigence de ta démarche explicative. La théorie marxiste/économiste n'est d'aucun secours en ce qui concerne l'explication du fonctionnement de la société mélanésienne traditionnelle : aucun problème de pénurie grâce à une nature généreuse (culture de l'igname, poissons à volonté). Chaque clan a une fonction déterminée confiée, à chaque génération nouvelle, à l'aîné qui deviendra maître des cultures, ou bien maître des terres & gens de la maison du chef, ou encore maître de ceux qui font la police, ou de ceux qui ont la garde des lieux "sacrés". Une égale considération est faite à l'égard de chaque clan. Oui, le système est autoporteur. C'est bien ce que disait Clastres aussi, il me semble. Quant à l'existence des guerres en milieu mélanésien, bien réelles comme dans la quasi-totalité des systèmes primitifs étudiés par les anthropologues, je te renvoie à la thèse de Clastres exposée plus haut. Si bien que ce mode de vie mélanésien aurait pu encore perdurer sans problème pendant des dizaines de milliers d'années.
  10. Par pouvoir extérieur manipulateur, je songeais à l'ingérence politique d'autres pays ayant intérêt à ce que deux ethnies s'entre-tuent ( = une des modalités de la colonisation). Désir bestial ? Désir de détruire tout ce qui fait obstacle aux instincts vitaux, non ? Oui, cela me semble une évidence. Le rite inhibe l'agressivité naturelle de l'homme. Une société sans rite, sans loi, cela n'a jamais existé. La mondialisation, c'est aussi l'émergence de rites à l'échelle mondiale : la coupe du monde de football est capable de mobiliser 2 milliards de spectateurs devant un petit écran au même moment. C'est autant de violence potentielle canalisée.
  11. Non. Ce n'est pas "ma" vision des primitifs, c'est la réalité fidèle du monde mélanésien dont je te parle et à laquelle je te renvoie. Ce qui t'échappe, c'est la force du mythe. Tant sur la forme que sur le fond. Lorsque je dis qu'"un ancien ne ment pas", je me réfère à la parole du chef de clan totémique qui est le grand frère de la fraternité clanique, celui qui est la racine, la source et l'ossature de l'organisation sociale, celui qui vit à part dans une grande case, symbole de l'ancêtre devenu dieu et tout auréolé de sacré. Ce chef est considéré comme le Verbe du clan, l'incarnation même de la parole mythique. D'où la force de sa parole, et la prégnance des règles et interdits fixés par le mythe. Le chef, ou les porte-paroles du chef, ne feront que réactualiser la parole mythique. Forme. Le mythe est un discours, un récit qui fait immédiatement sens pour l'ensemble d'un groupe. Rien à voir avec cetts autre parole de l'homme moderne, le logos ou le discours raisonné et raisonnant. Cette force du mythos t'échappe sans doute parce que tu vis à une époque où l'écrit a supplanté l'oral. Or l'écrit a terriblement perdu en force dissuasive. Au sujet du contenu du mythe totémique. Tu invoques le fait que les mythes peuvent être changés un peu comme on changerait de dessus de table, selon le bon vouloir de quelques esprits un peu plus rapaces que les autres. Là encore, il convient de s'imprégner totalement de la culture clanique pour comprendre à quel point les possibilités de modifier les mythes sont réduits (là encore vision de l'homme moderne qui a l'illusion de changer le monde et ses règles par la seule force de sa volonté individuelle et égoïste). En naissant au sein d'un tel groupe totémique, les jeux sont faits, ta place est déjà tracée dans l'organigramme du clan, en fonction de multiples facteurs, parfois très naturels (en fonction de ton ordre d'apparition dans la famille, suivant que tu seras le premier-né, ou le deuxième, ou le troisième, etc.). Dans le mythe apparaît l'esprit du clan (= le totem) par le truchement d'un élément naturel : un poisson par exemple, ce sera le cas du mythe du requin au contact duquel le rocher de tel endroit a donné naissance à l'aîné de clan, si bien que le requin devient l'élément de la nature qui perpétue la présence protectrice de l'ancêtre, ce qui implique des égards particuliers de la part du clan et des interdits en conséquence (interdit de manger sa chair). L'emplacement du rocher, mentionné dans le mythe, sera considéré comme tabou sauf aux gardes du lieu sacré. Etc., etc. Je pourrais continuer ainsi, il faudrait un livre, voire une bibliothèque pour parvenir à te faire comprendre ce qu'est "la" coutume, avec sa nuée de mythes fondateurs qui forme un ensemble, un tout extrêmement cohérent.
  12. A partir du moment où le meurtre/viol est légitimé, à l'intérieur même de l'Etat, par le pouvoir en place (lui même manipulé par un autre pouvoir extérieur), cela ne peut que contribuer à déclencher un tel processus de masse/guerre civile, celui-ci étant accéléré par l'effet de groupe. Le facteur aggravant, dans le cas de railleries incessantes subies au jour le jour, c'est que l'amour-propre de chacun est atteint au plus profond. Chacun n'a même pas besoin d'imiter le désir de vengeance d'autrui, puisque ce désir sera partagé par une majorité d'individus. La seule chose qu'il puisse imiter, c'est le désir bestial de détruire physiquement l'intégrité physique de son ennemi. Pour que l'Etat fonctionne, il faut ménager la fierté de chaque clan, en limitant le droit à l'insulte ou en le canalisant astucieusement, comme c'est le cas en Afrique de l'Ouest grâce au système de la parenté à plaisanterie, où l'insulte devient alors vecteur positif de lien social.
  13. Je te donne un exemple de mythes chinois relatifs aux graines que l'homme va désormais planter lors de sa sédentarisation. Ces mythes (en chinois "mythe" = récit +sacré) affirment que c'est une divinité qui a appris aux hommes à utiliser un cadeau divin, en l'occurrence le don de l'(agri)culture. Donc, tu te rends compte dans cet exemple que le point de départ de ce mythe, c'est l'inventivité même de l'homme, sa capacité toujours nouvelle à maîtriser la nature, mais chaque découverte nouvelle n'a pu être rendue possible que par l'intervention bénéfique d'une divinité. Cela mérite des hommages, offrandes, etc., qui seront ritualisés. L'homme ne serait rien sans le pouvoir des dieux. Dans le cas de "la" coutume que j'avais mentionnée, le mythe ne peut que dire la vérité puisqu'il est transmis par la bouche des anciens. Un ancien ne ment pas, il est respecté de tous dans une tribu. De plus, ces mythes sont racontés pratiquement tous les soirs où sont réunis tous les membres de la famille. Ils sont connus de tous. Oui, au sujet de la valorisation identitaire, puisque ces tribus ou fédération de tribus seront fières d'avoir comme ancêtres des hommes d'exception qui ont tous été affectés de dons divins ou, disons, dont les actions, activités, exploits, inventions, etc., ont suscité l'attention bienveillante des dieux et leur intervention. Le mythe participe à la fois d'une divinisation de l'humain et d'une humanisation du divin. Je ne vois pas pourquoi tu tiens à "séparer" ce concept de mythe d'avec celui de divin (ou de sacré). Ou alors, oui, cela peut se comprendre dans la mesure où tu réduis le mythe à la légende. Dans le mythe, le héros devient impersonnel, an-historique. Par exemple, Ben Laden, avant son exécution, devenait un personnage de plus en plus mythique : plus l'homme s'effaçait littéralement (ses messages ne seront plus filmés mais enregistrés), et plus il commençait à faire l'objet de culte (des nouveaux-nés portent son nom).
  14. Et si cette loi immanente - qui préexisterait - incluait nécessairement une dose de contingence ? ne serait-ce pas là une hypothèse permettant de sortir du double déterminisme athée ou/et religieux ? Dieu n'existe pas présentement, mais cela n'exclurait pas la possibilité du surgissement d'un Dieu virtuel. Cette hypothèse est défendue par le philosophe français Quentin Meillassoux. https://theoremes.revues.org/623
  15. Eh bien qu'il s'abstienne de donner des leçons de linguistique à un linguiste, n'est-il pas ? Pour ceux qui seraient intéressés, le tome 2 du Vocabulaire des institutions indo-européennes consacré à "Pouvoir, droit, religion" est disponible en ligne : http://fr.scribd.com...-Droit-Religion Et comment va s'y prendre un Primitif pour perpétuer les mythes fondateurs de son groupe ? Je réitère ma demande d'éclaircissement sur ces autres modalités auxquelles tu avais déjà fait allusion précédemment. Veux-tu dire que ces mythes ont pu être empruntés, en des temps reculés, par l'intermédiaire de prophètes venus d'ailleurs ?
  16. Le plus simple serait de proposer une définition claire et précise de ce qu'il faut entendre par "mimétisme" selon Girard. Je sais que tu en as parlé dans des pages précédentes, mais tout cela reste obscur pour moi. Dans le cas de "la" coutume que j'ai citée, le référent est la parole fidèle à ce qu'ont dit les anciens, qui se transmet de génération, celle qui retrace des lignées familiales, qui raconte les mythes fondateurs du groupe, etc. Je ne vois pas trop où tu veux en venir. Je viens de rejeter un oeil au premier paragraphe et, ô surprise, je découvre que ce texte anglais est en fait une traduction de l'ouvrage de Girard, et de plus, je découvre que Girard se permet de critiquer Benveniste. Je m'étais contenté de vérifier si les traductions des termes grec et sanskrit étaient corrects, ce qui était le cas. Bien. Donc, oui, divergence de taille. C'est un comble de devoir lire Girard en anglais, et dès demain je commanderai donc son ouvrage ! Pour le reste, Girard me donne l'impression de ne pas comprendre qu'un linguiste ne fait pas un travail de science-fiction, mais travaille sur le sens le plus fidèle des mots, en s'efforçant ni de forcer leur(s) sens ni de leur retrancher quoi que ce soit. Or si le grec ancien d'une part et le sanskrit védique d'autre part ont , pour le même mot "sacré", des sens susceptibles de se compléter, cela ne signifie absolument pas du tout que le grec possède ces deux sens complémentaires (ce que conjecture Girard de façon arbitraire) ou que le sanskrit possède également ces deux sens. Benveniste tente un travail de reconstruction cohérent, mais il sait jusqu'où il peut aller ou ne pas aller parce que la linguistique est un travail dont Girard ignore sans doute certaines exigences élémentaires. Bref, Benveniste ne peut pas faire dire à un mot grec ancien plus qu'il ne dit. Et c'est profondément ridicule de la part de Girard de vouloir déceler en Benveniste un entêtement à ne pas voir le lien entre "sacré" et "violence maléfique" dans le terme grec, alors que Benveniste soulignera ce lien entre sacré et violence dans d'autres termes du corpus indo-européen mentionnés dans ce long chapitre consacré au "sacré"; c'est bien la preuve que Benveniste a ses raisons - purement linguistiques, et pas du tout idéologiques ou je ne sais quoi d'ailleurs ! - que Girard ignore tout simplement.
  17. Oui et non. Oui pour la perpétuation du sacré. Tu dis que ces rites peuvent être liés à d'autres modalités, lesquelles par exemple ? D'où peuvent bien provenir ces mythes, sinon d'ancêtres dont la lignée est encore bien présente dans l'esprit du Primitif, non ? C'est ce que j'appelle simplement le "génie" d'un peuple qui a su trouvé un mode de vie original mais suffisamment judicieux pour maintenir l'ordre établi, durant des générations, tout en inhibant l'agressivité intraspécifique propre à son espèce. Que ce génie soit le fait de tel ou tel plus malin que les autres est sûrement vrai aussi, mais ces malins sont devenus anonymes, par quoi non susceptibles d'être accusés d'avoir agi en faisant passer leurs intérêts personnels sur l'intérêt du groupe. Sur la question du mimétisme, je me pose encore des questions ! Lorsque je "fais la coutume", je n'imite pas le comportement d'autrui, je me mets pieds nus sur une natte parce que je sais qu'il convient de me comporter ainsi, comme le veut la coutume, durant la palabre d'un chef ou d'un petit-chef ; et tous ceux qui sont présents en font de même. Mais j'agirais de même si je me retrouvais seul devant un supérieur (et donc sans possibilité d'imiter tous les autres). D'un autre côté, il est vrai que lors de l'apprentissage de la coutume, j'ai procédé par imitation. Il y a donc deux types d'imitation : l'une, plus profonde, issue d'une éducation et reposant sur un savoir. L'autre, immédiate, présente et visuelle consistant à imiter sans réflexion aucune le comportement d'autrui (Tu me tires la langue, je te tire la langue).
  18. Ce qui régit les comportements de tous les acteurs d'une communauté dite primitive, ce sont les coutumes (ou "la" coutume, comme disent les Kanaks de Nouvelle Calédonie que j'ai bien connus durant 5 années), qui elles-mêmes ne sont pas le fait des acteurs de cette communauté mais des ancêtres de ces acteurs. Clastres confirme ce fait capital. Dans la "mentalité" du Primitif, les coutumes ont été conçues dans l'intérêt de tous, d'où leur prégnance et leur pouvoir de dissuasion. Je prendrai le temps de lire beaucoup d'autres travaux. Mais si le roi est conspué au moment du sacrifice, reste à savoir si ce comportement n'est pas, comme j'incline grandement à le penser, une pure simulation, elle aussi savamment ritualisée. Ce qui m'a toujours surpris dans une telle société, c'est qu'il n'y a pas un geste que tu puisses faire sans qu'il fasse sens. Cela explique d'ailleurs le fait que les membres de la communauté puissent parfois ne plus faire entrer en ligne de compte, comme le firent leurs ancêtres, la réalité anthropologique dégagée par L. Makarius quant aux pouvoirs magiques du roi obtenus par transgression du tabou du sang. L'important c'est de respecter la coutume. C'est bien ce qui est mis en évidence par Benveniste !
  19. Ouf, un grand merci encore. Ta simple référence à deux auteurs importants, dont celle de Laura Makarius aura suffi à combler mes attentes, puisque mon interrogation était la suivante : tu avais fait allusion à l'interdit de l'inceste en parlant du rite sacrificiel du roi, mais je cherchais à comprendre comment une population pouvait interdire l'inceste tout en l'autorisant - puisque son roi transgresse cette loi. Or, L. Makarius, qui est précisément la spécialiste de la transgression des interdits, donne une explication qui me semble excellente et qui se trouve résumée dans cette présentation par Thierry Rogel (2010) : http://classiques.uq...vi_makarius.pdf L. Makarius fait remarquer que le tabou du sang est le premier des tabous duquel découle d'autres tabous. Le pouvoir magique/sacré du sang se trouve surdéterminé, à la fois bénéfique et maléfique. Dès lors, pour le roi, la transgression du tabou du sang et de l'inceste est une opportunité qui va lui donner des pouvoirs magiques, notamment de fertilité, de fécondité ou de guérison, tous résultats profitables à l'ensemble de la communauté. Je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement, non sans imprudence, avec le mot grec hieros, qui outre le sens de "sacré" a également deux autres signifiants plus mystérieux : "fort" et "vif", où la même idée transparaît, celle d'une puissance qui est pleine d'ardeur, gonflée de fécondité (selon le linguiste E. Benveniste dans sa passionnante étude : Le vocabulaire des institutions indo-européennes, tome 2, Pouvoir, droit, religion, "Le sacré", pp. 179-207).
  20. Sans vouloir trop abuser, ne te serait-il pas possible de donner au moins une ou deux sources, le titre des travaux/études/thèses/articles, le nom de leurs auteurs, sur cette question bien précise de la mort sacrificielle du roi, afin de trouver sur le Net des extraits éventuels de ces textes ? Ce qui m'intéresse c'est de mieux connaître le contexte, les circonstances, les raisons invoquées par les natifs eux-mêmes pour expliquer ce rite sacrificiel, etc.
  21. Pour tes archives, j'ai trouvé ce texte de 80 p., "La guerre et le sacrifice humain chez les Tupinamba", par F. Fernandes. Texte ancien (traduit en 1952) mais riche en informations : http://www.persee.fr...2_num_41_1_2401 C'est ce genre de texte détaillé sur lequel j'aimerais mettre la main en ce qui concerne le sacrifice du roi chez certains peuples d'Afrique ou d'ailleurs. Je cherche des travaux d'anthropologues sur cette question, et je n'en ai pas trouvé pour l'instant. As-tu cherché ? Dans l'ouvrage de René Girard, La violence et le sacré, n'y a t-il pas des références précises à certains travaux d'anthropologues ?
  22. Ce que nous perdons de vue, à cause de nos regards contemporains, c'est qu'aux yeux du primitif le mort possède un esprit qui lui survit après sa mort physique, et par surcroît, cet esprit du mort est pourvu de forces tant bénéfiques que maléfiques. Le mort est détenteur de pouvoirs sur les vivants, et seul le "sorcier"/chamane, en tant que médiateur entre le monde des vivants et le monde des esprits des morts (et esprits des ancêtres), va tenter de gérer tout ça : tuer un ennemi, ça n'est pas pour autant éliminer son pouvoir de nuisance, puisque son esprit lui a survécu. Le concept de sacré est à relier, me semble-t-il, avec celui de la mort et du pouvoir des morts. L'espace sacré, consacré par excellence, est celui des morts (cimetières, tombes, etc.), ainsi que tout ce qui concerne l'entourage sacré/tabou du mort ou de celui qui va mourir. A suivre...
  23. @ Déjà Utilisé, J'essaye de te répondre le plus brièvement possible sur ces deux points abordés afin de ne pas trop digresser. Malgré le décalage bien réel entre discours public et discours privé, tu ne peux pas nier que les choses ont bougé et continuent de bouger en matière de traitement, aussi variable soit-il selon les pays, de toutes formes de discrimination à travers le monde depuis l'impulsion donnée par les déclarations successives des droits de l'homme. Je note simplement qu'il y a une tendance mondiale qui a commencé à se confirmer dans les faits. Je suis bien conscient que c'est à moi d'étayer mes propos en multipliant les exemples avérés d'une telle révolution des "mentalités" à partir de faits concrets, et j'aurai sûrement l'occasion d'y revenir. Sur le second point, ma phrase était horriblement formulée, et j'abonde en ton sens sur la nécessité de développer la sensibilité de l'enfant à l'école. J'avais néanmoins repris ton terme de "régulation" émotionnelle, et donc absolument jamais envisagé de "masquer" ces émotions. Je me place dans l'optique même de la psychologie consistant à comprendre l'origine de nos émotions - et je ne fais que proposer ici de sensibiliser l'élève sur ses propres émotions -, c'est-à-dire de commencer par accueillir nos émotions parce que l'évitement émotionnel est à la base de nombreuses pathologies. Ensuite, l'élève pourra s'interroger sur la nécessité de "réguler" ses émotions négatives suivant les contextes (pourquoi réguler, comment réguler, etc.). Ce serait l'objet d'un autre topic.
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