En ce temps-là,
Monsieur le surveillant des classes secondaires
Etait un peu efféminé.
En ce temps-là,
Je lisais "Le Grand Meaulnes"
Et après les lumières,
Je me faisais plaisir,
Je me faisais dormir.
Je m'inventais un monde
Rempli de femmes aux cheveux roux.
J'ai dit de femmes, pas de jeunes filles.
Cette année-là,
Je n'oublierai jamais le regard de vipère
Que m'avait lancé ce vieux rat.
Cette année-là,
J'avais posé les yeux sur la croupe incendiaire
De ma professeur de droit.
Elle avait mis le feu en moi.
J'avais avalé la lumière.
J'aurais aimé la terre entière.
Seulement les femmes, pas les jeunes filles.
Pauvre de moi,
Monsieur le surveillant des classes secondaires
Passait ses nuits à espionner.
Pauvre de moi,
Du couloir des secondes au dortoir des premières
Comment les jeunes étaient couchés.
Bien sur le dos, les bras croisés
Sur la couverture de laine,
Des fois qu'on aurait des idées,
Pauvre taré, pauvre chimère.
C'est pourtant là
Que durant des années j'ai rêvé d'adultère
Que je n'ai jamais consommé
Et chaque nuit quand je tiens dans mes bras
Une femme trop fière
Qui se refuse à me donner
Un peu plus que le nécessaire
Parce que j'hésite à la défaire
De son carcan de préjugés,
Parce que je n'ai pas la manière
J'ai presque envie de lui confier
Qu'en ce temps-là
J'avais un surveillant des classes secondaires...
Mais ça la ferait rigoler.
mais le temps de la frustration passe et les bons souvenirs passés restent
T'avais mis ta robe légère
Moi l'échelle contre un cerisier
T'a voulu monter la première
Et après
Y'a tant de façons, de manières
De dire les choses sans parler
Et comme tu savais bien le faire
Tu l'as fait
Un sourire, une main tendue
Et par le jeu des transparences
Ces fruits dans les plis du tissu
Qui balance
Il ne s'agissait pas de monter bien haut
Mais les pieds sur les premiers barreaux
J'ai senti glisser le manteau
De l'enfance
On n'a rien gravé dans le marbre
Mais j'avoue souvent y penser
Chaque fois que j'entends qu'un arbre
Est tombé
Un arbre c'est vite fendu
Le bois quelqu'un a du le vendre
S'il savait le mal que j'ai eu
A descendre
D'ailleurs en suis-je descendu
De tout ces jeux de transparence
Ces fruits dans les plis des tissus
Qui balancent
J'ai trouvé d'autres choses à faire
Et d'autres sourires à croiser
Mais une aussi belle lumière
Jamais
A la vitesse où le temps passe
Le miracle est que rien n'efface l'essentiel
Tout s'envole en ombre légère
Tout sauf ce bout de fièvre et de miel
Tout s'est envolé dans l'espace
Le sourire, la robe, l'arbre, et l'échelle
A la vitesse où le temps passe
Rien, rien n'efface l'essentiel
J'ai trouvé d'autres choses à faire
Et d'autres sourires à croiser
Mais une si belle lumière
Jamais
Et voila que du sol où nous sommes
Nous passons nos vies de mortels
A chercher ces portes qui donnent
Vers le ciel