Tissu de réalité
L’image dont je souhaite parler ici traite d’un sujet mystérieux et fondamental. C’est peut-être ce qui est désigné comme le Réel en philosophie, c’est la notion de potentiel dont tout peut émerger dans la dualité Potentiel / Actuel.
Comme toute considération trionique, cette image traite d’une dualité, celle qui existe entre Information et Interprétation et dont je soupçonne qu’elle soit à l’origine de beaucoup d'autres dualités. Pas seulement (ingrédient-recette):cuisine ou (partition-musicien):musique mais aussi (opérande-opérateur):calcul ou même (texte-lecteur):sens.
Dans cette expérience de pensée, imaginez que se trouve d’un côté la totalité des informations. On y retrouverait les nombres, les couleurs, les objets, etc. Et en face il y aurait la totalité des moyens d’interprétations possibles.
Par exemple, prenons l’information “4,2”. Je peux l’interpréter en disant que c’est “la distance en mètres entre moi et la porte”. On pourrait aussi dire qu’il s’agit “des coordonnées d’un point sur un plan cartésien”. Ou encore que c’est “la réponse ultime de l’univers divisée par 10”. Les interprétations d’une information sont nombreuses et dynamiques.
En reliant toutes les informations à toutes les interprétations, nous obtenons un brouillard indécidable qui représente “la totalité de ce qu’il serait possible de se passer”. Ce serait le fameux objet dont je parle en introduction.
En informatique, un fichier est un grand nombre binaire stocké sur le disque dur, c’est une information. Le logiciel qui lit le fichier est une interprétation. Je peux demander au logiciel Excel d’ouvrir un fichier Word et j’obtiendrais du bruit, des symboles sans signification. Je peux ouvrir ce même fichier avec le logiciel Word et obtenir des données claires et structurées, compréhensibles.
Dans l’ensemble indifférencié des liens entre information et interprétation, le lien “fichier word - logiciel Excel” existe, bien qu’il n’ait aucun sens. Dans le brouillard du Réel, les choses que nous considérons vraies peuvent être fausses et vice versa. Dans ce maillage impossiblement dense, rien n’est actuel, tout est potentiel. Ces liens, bien que représentés comme possibles, ne sont pas actés ou actifs, juste potentiels.
Un lien peut être activé lorsque ce qu’il décrit devient actuel. Et à partir de ce lien activé, d’autres deviennent désactivés car incohérents avec le premier. En commençant à activer un ou plusieurs liens, on commence à constituer un logos, un ensemble d’interprétations d’informations doté d’une cohérence interne. Je postule que c’est ce que fait la conscience.
Seulement, la conscience n’est pas apparue du néant. Elle arrive au moment où l’univers est déjà organisé avec le temps, l’espace, la matière et l’énergie. Au moment où la conscience humaine se développe, un certain nombre de liens sont déjà actés. A notre naissance, le schéma de notre faculté de compréhension comporte déjà des interprétations forcées de l’information, à l’exclusion d’autres : la gravité, l’atome, la cellule, le patrimoine génétique, etc. Ces liens décrivent notre inné.
Ces unités de sens, bien que parfaitement valides, nous avons tendance à les oublier. Qui se demande régulièrement “est-ce que mon foie va bien ? Est-ce que mes genoux sont heureux ? Est-ce que mes pieds ont froid ? Est-ce que mes côtes flottantes se sentent solides ?”. Ces mécanismes innés se déroulant sans intervention de notre part, nous avons tendance à les éluder de notre conscience.
A cet ensemble cohérent viendra s’ajouter notre acquis, l’ensemble des liens (cohérents ou non) que nous avons tracés nous-même au fil de nos expériences.
Seulement, nous n’avons pas connaissance de la totalité des informations, encore moins de la totalité des interprétations. Notre vision est limitée à une fenêtre sur ce chaos organisé. Dans cette fenêtre, notre réalité, la multitude de dualités est indistincte alors que les liaisons actives s’imposent à notre regard conscient.
Et l’intensité des liens, c’est-à-dire la véracité de ce qu’ils représentent dans notre logos personnel, est variable. Nous déterminons, parmi tout ce qui existe, ce qui a de l’importance à nos yeux.
On peut imaginer un archétype à la conscience minimaliste du monde. Pris par les obligations de la vie, victime d’une société impitoyable ou devant réparer une faute passée, une personne dont la vie ne tourne qu’autour de la survie “aller travailler, rentrer manger et dormir, puis recommencer” sans aller plus loin verra une fenêtre dans laquelle il n’y a que 3 liens forts. Des liens qui vont se renforcer jour après jour par leur utilisation répétée.
A l’inverse, une personne ayant eu la chance d’une enfance sans heurts, d’une curiosité constante, de sécurité financiere pour donner libre cours à ses passions, se constituera au cours de sa vie un schéma bien plus riche et nuancé.
Face à une même situation, la prise de décision pour ces deux personnes ne sera pas la même. Le rapport au quotidien ne sera pas le même, dans un effet boule de neige qui amplifiera soit le renforcement d’un petit nombre de liens, soit la multiplication de nouveaux liens.
Nous nous situons tous quelque part entre ces deux archétypes, à la recherche d’un équilibre idéal entre ce que nous vivons et ce que nous pensons. Se remettre en question, c’est pouvoir détruire un lien de son schéma (une partie de sa propre identité) et si possible de tracer un nouveau lien, plus cohérent avec le monde, dans notre logos (grâce à l’aide d’une source extérieure).
Chacun de ces liens, actif ou non, cohérent ou pas, est une dualité entre une information et une interprétation. La trionique propose d’étudier les liens un par un, pour donner du sens à l’image complexe que nous percevons du Réel lorsque notre conscience l'interprète.
Modifié par ashaku

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