Souvenir d'elle
Un soir que je rentrais un peu plus tard qu'à l'habitude, je m'asseyais fourbu dans un fauteuil trop usé pour réparer ce corps trop difficile à supporter. Mais il était pour moi ce moment donné de tranquillité et de quiétude dans une journée trop longue et trop stressante. J'aimais à m'asseoir ainsi pour contempler ce qu'il y a de plus beau à contempler dans une vie : elle était assoupie sur le canapé, allongée de tout son long, ses mains jointes et sa joue gauche posée délicatement sur elles. Elle avait ses paupières délicatement fermées sur ses grands yeux marrons qui pétillaient d'ordinaire mais qui avaient aussi besoin de se plonger en fin d'après midi sur elle-même, en elle-même.
Sa respiration était douce et d'une fréquence cadencée comme un métronome bat la mesure d'une vie. Sans rien dévoilée de ce dont elle rêvait paisiblement : elle disait qu'elle ne rêvait jamais, plusieurs fois je lui ai dit qu'elle devait rêver mais que l'esprit est une maison bien ingrate qui n'ouvre pas toujours ses portes à la mémoire de nos nuits. Sa bouche entrouverte laissait passer la vie qui s'échappait de son antre et sa poitrine marquait ce tempo que nous avons tous et toutes.
Je la regardais ce soir là comme on prend le temps de regarder une toile de maître, une oeuvre expressionniste qui a cette capacité à exalter nos sens : elle était une toile aux couleurs de l'amour, une peinture aussi précieuse que rare. Trop souvent, on la garde jalousement pour l'avoir sous ses yeux mais contrairement aux oeuvres des musées, elle était libre et c'est en cela qu'elle me plaisait. Je la regardais parce que je savais qu'un jour ou l'autre elle reprendrait sa liberté et que je souhaitais en garder une impression à jamais gravée en moi. Je savais qu'elle ne serait plus un jour où l'autre sur ce canapé...
Alors j'étais assis...et puis mon téléphone vibra dans ma poche...et je fus sorti de mon état comme on vous extrait d'un lieu commun. Mon corps fut pris d'un tremblement de toute part et mes yeux s'ouvrir sur ce canapé...vide. Elle n'était pas plus là maintenant qu'hier ou avant hier : elle n'était plus là depuis longtemps. Cet instant qui se voulait reposant devint angoissant : elle avait gravé ma mémoire effectivement à un point que je n'imaginais pas. Elle n'est plus qu'un souvenir, un souvenir d'elle dans lequel mon esprit se noie quand il est fatigué, elle a traversé ma vie mais revient comme pour me rappeler les temps heureux et apaisant.
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